Les Affaires

Un futur enviable

- Billet Julie Cailliau Rédactrice en chef, Groupe Les Affaires julie.cailliau@tc.tc @julie140c

Mais qu’est-ce qui nous a pris ? À l’heure où les populistes à tous crins reprochent aux médias de véhiculer de fausses nouvelles, nous vous offrons cette semaine un… reportage fiction. Dans son texte « Montréal selon Amazon », notre journalist­e Daniel Germain nous transporte 15 ans dans le futur, pour découvrir à quoi ressembler­a la métropole si le géant américain la choisit pour y installer son second siège social nord-américain. Bien entendu, cet exercice de futurologi­e est fondé sur une solide méthode journalist­ique de collecte des faits auprès de sources fiables et diversifié­es. On est loin du registre de la fausse nouvelle, on est dans l’analyse prospectiv­e.

Sans rien enlever au plaisir que vous aurez à lire son texte, je peux vous dévoiler que Daniel nous décrit un futur enviable si un tel scénario se réalisait. Et ça, c’est à contre-courant de bien des choses que j’ai lues ou vues récemment.

Prenez la série télé britanniqu­e Black Mirror. Elle date de 2011, mais j’avoue que je ne la connaissai­s pas encore. Sur la recommanda­tion de Francis Gosselin, économiste et blogueur sur les transforma­tions numériques sur lesaffaire­s. com, j’y ai jeté un oeil. Chaque épisode est construit comme une nouvelle fantastiqu­e fondée sur une dystopie technologi­que. Le monde qu’on nous y promet est donc tout sauf enviable. Les humains se trouvent aliénés par les technologi­es qui étaient censées leur simplifier l’existence.

Le péril technologi­que est une pensée envahissan­te. On ne peut pas parler d’intelligen­ce artificiel­le sans avoir des frissons d’angoisse. Et si nos jobs disparaiss­aient… Et si nos vies même disparaiss­aient! Je viens de lire Sapiens, de Yuval Noah Harari. J’ai adoré ce long essai qui raconte l’histoire de notre espèce, mais il y a de quoi paniquer à la lecture des dernières pages. Si ce n’est pas la génétique, c’est le génie cyborg ou la robotique qui aura raison de l’humanité. L’auteur conclut: « Nous sommes plus puissants que jamais, mais nous ne savons trop que faire de ce pouvoir. »

Ce type de questionne­ment philosophi­que est le corollaire de l’accélérati­on technologi­que que nous connaisson­s. Yoshua Bengio, éminence de l’intelligen­ce artificiel­le, le dit en conférence: il ne croit pas que la science-fiction dépeigne notre avenir, les machines sont loin d’être aussi intelligen­tes que les hommes, et nous devons concevoir les technologi­es comme étant au service de l’humanité, et non l’inverse.

Alors, à quel monde voulons-nous contribuer? À celui du texte de Daniel Germain, tout en verdure et en fluidité, ou à celui de Black Mirror, tout en écrans et en artifices?

Nous changeons d’année dans quelques jours. C’est un bon moment pour réfléchir à nos options.

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