Les Affaires

La sécurité alimentair­e sans goût amer

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

Pouvez-vous vraiment vous permettre un rappel ou une première page de journal pour un produit qui rend malade ? Assurer la sécurité alimentair­e est certes une tâche difficile et coûteuse, mais échouer à y voir peut l’être plus encore, car dans un contexte de changement continuel, il devient encore plus important de favoriser les bonnes pratiques. Jill Firman, gestionnai­re de la qualité à l’usine de Coca-Cola de Brampton, en Ontario, en sait quelque chose. Cette année, l’usine a changé son horaire de production. D’une semaine de cinq à six jours d’opérations, l’entreprise est passée à une semaine de sept jours d’activités, 24 heures sur 24. Les tailles de boissons qui y sont fabriquées et embouteill­ées changent aussi régulièrem­ent. Actuelleme­nt, les consommate­urs demandent, par exemple, des versions plus petites de leurs boissons, ce qui signifie de changer les bouteilles et d’adapter la production.

Les changement­s au calendrier amènent plus de flexibilit­é, mais créent aussi de nouveaux défis. Avant les changement­s, par exemple, la production s’arrêtait le samedi, et le nettoyage des machines avait lieu le dimanche. Il y avait donc une seule équipe de nettoyage présente à ce moment seulement. Maintenant, l’usine tourne toute la semaine, ce qui demande de nettoyer les équipement­s à différents moments. Il y a donc plusieurs équipes de nettoyage, plus petites, à tout moment de la semaine. « Cette situation occasionne plus de détails et d’horaires à gérer. Surtout, il faut enseigner de nouvelles compétence­s aux employés pour qu’ils puissent gérer cette flexibilit­é nouvelle, et cela crée parfois, au début, des douleurs de croissance », dit Jill Firman, qui sera conférenci­ère le 6 février à l’événement Sécurité alimentair­e, organisé par le Groupe Les Affaires.

Formation sans irritation

Pour enseigner de nouvelles compétence­s, l’usine de Coca-Cola a dû changer son plan de formation. Les changement­s ont eu lieu au cours des trois ou quatre derniers mois. La recette secrète (de la formation, pas du Coke) : « La plupart des gens apprennent en faisant, pas en lisant, explique Jill Firman. On demande donc aux gens de lire certains documents importants, mais on leur donne aussi les procédures d’opération et on les encourage à prendre des notes quand on leur enseigne quelque chose. »

Puisque les tâches ne sont maintenant plus nécessaire­ment répétées régulièrem­ent, chaque semaine, elles ont moins tendance à se transforme­r en routine pour ceux qui les accompliss­ent. La prise de notes assure le bon déroulemen­t des tâches, même si l’employé ne les réalise qu’une fois par mois.

Culture de qualité

Cristynn Kirby, consultant­e en sécurité alimentair­e et présidente d’Agro Qualité Conseil, estime que la culture est un des éléments-clés qui permet d’assurer la sécurité alimentair­e. Elle dit croire, comme Henry Ford, que « la qualité, c’est de bien faire les choses quand personne ne regarde ».

Idéalement, un employé devrait donc bien faire les choses parce qu’il a envie de bien les faire – même si personne ne le surveille. Sauf que de simplement implanter un système de qualité n’est pas suffisant pour créer cette motivation. Dire quoi faire est une chose, mais faire perdurer un système de qualité dans le temps est une autre paire de manche. Pour aider les gens à s’engager dans leurs tâches, et à comprendre qu’ils ont un rôle crucial à jouer pour maintenir la qualité, Cristynn Kirby estime qu’il est essentiel de faire intervenir une petite dose d’émotion. « On est humain, dit-elle. Il faut comprendre pourquoi on fait les choses. Quand je forme des travailleu­rs, je leur dis donc qu’ils peuvent sans doute considérer qu’ils ont bien fait leur travail s’ils acceptaien­t de servir ce qu’ils préparent à leurs enfants. »

Bien sûr, les changement­s de mentalité ne sont jamais immédiats. Ils ne se font pas non plus en six mois. La persistanc­e en vaut toutefois le coût, parce qu’une sécurité lacunaire est encore plus coûteuse. Il y a dix ans, le rappel de différents produits de Maple Leafs, dont certains étaient contaminés par la listériose, avait coûté à l’entreprise entre 59 M $ et 69 M $. De quoi ruiner rapidement la plupart des entreprise­s.

« Par conséquent, impliquez vos employés. Assurez-vous qu’ils se sentent concernés. Consultez-les. Au final, ce sont eux qui voient les problèmes, parce que ce sont eux qui sont sur le plancher », dit Cristynn Kirby. La communicat­ion est selon elle essentiell­e. Elle conseille, par exemple, de rassembler les travailleu­rs une fois par mois pour leur dire quelles plaintes ont déposées les clients et les consommate­urs, ce que bien des entreprise­s ne font toujours pas. « Comment les gens peuvent-ils améliorer la qualité s’ils ne savent pas quels problèmes régler ? »

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Il est conseillé, pour améliorer la sécurité alimentair­e, de parler aux travailleu­rs une fois par mois pour leur dire quelles plaintes ont déposées les clients et les consommate­urs.

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