MONTRÉAL, LOCOMOTIVE INTELLIGENTE
Sacrée Ville intelligente en 2016, la métropole québécoise semble avoir trouvé la bonne recette pour se positionner en tête du mouvement des villes intelligentes. Pour joindre le club des grandes villes intelligentes de la planète, Montréal a d’abord dû ouvrir ses bases de données au public et aux développeurs qui souhaitent puiser dans ces données afin d’en tirer des applications concrètes. Cela semble simple, mais le processus s’est échelonné sur des années et il est loin d’être terminé. Par exemple, d’une ville à l’autre, l’ampleur, la nature et le format de ces données ne sont pas harmonisés. On peut imaginer le casse-tête que cela provoque pour quiconque aimerait comparer ou combiner les données provenant de différents endroits dans le monde…
Montréal n’a pas été la première ville à se joindre au mouvement des données ouvertes. Cependant, quand elle l’a fait, la mentalité a alors changé du tout au tout. Aujourd’hui, l’information produite par la Ville est ouverte au public « par défaut », plutôt que l’inverse.
« Montréal s’est aperçue que le bon vieil appel d’offres n’était pas le bon modèle pour trouver des solutions à tous les coups. La Ville a admis qu’elle n’avait pas l’expertise pour tout régler, et que ses connaissances en matière de technologies n’étaient pas celle d’une start-up », explique Béatrice Couture, directrice générale d’InnoCité MTL. « Cette constatation a été très bénéfique, puisqu’elle a aidé à créer presque immédiatement un écosystème d’entreprises désirant trouver les solutions à sa place. » Créé à l’été 2015, InnoCité MTL est un accélérateur qui aide justement les gens intéressés par le mouvement de la ville intelligente à se lancer en affaires. À ce jour, l’organisme a permis à 21 nouvelles entreprises de voir le jour, et de trouver des partenaires et du financement qui leur permettent de prendre leur essor. L’engouement autour de ce concept est donc plus concret qu’on pourrait le croire à première vue. « Cet écosystème d’innovation technologique et sociale est un autre atout de Montréal, selon Mme Couture. Au Québec et au Canada, Montréal est certainement la ville qui en fait le plus à ce chapitre. C’est d’ailleurs une des rares administrations qui a une politique claire sur les données ouvertes, entre autres. »
Évidemment, comparer Montréal aux autres municipalités de la province est un peu injuste pour ces dernières. Aucune n’a les moyens d’en faire autant que la métropole en matière de gouvernance et d’aide aux entreprises. En revanche, même en comparant Montréal aux autres villes dans le monde, Mme Couture estime que la locomotive québécoise est très bien placée.
« Quand on compare à des villes comme Paris, on s’aperçoit que c’est difficile pour tout le monde. Il y a encore plusieurs défis à relever, mais Montréal est une des villes qui sont à la tête de ce courant. »
Le potentiel insoupçonné du Québec
Le terme même de « ville intelligente » est un peu trompeur, car ce phénomène ne s’arrête pas aux frontières géographiques des municipalités. Pour Montréal, le territoire à considérer est peut-être l’ensemble de la province du Québec, en fait. Quand on voit ce qui se fait dans d’autres villes, comme New York, dans des domaines comme la gestion énergétique et les soins de santé, on s’aperçoit que pour s’y attaquer, ici, il faut effectivement avoir une vision provinciale de la chose.
À ce chapitre, la province recèle un potentiel insoupçonné dans un ou l’autre de ces deux secteurs pour une raison bien simple : tous deux sont centralisés. Le réseau de la santé répond au gouvernement provincial, tandis que l’énergie est essentiellement chapeautée par une seule entreprise, Hydro-Québec.
Dans un cas comme dans l’autre, si on avait pensé collecter les données d’utilisation et de consommation des utilisateurs, dans un système ouvert (mais sécurisé) qui pourrait être exploité aujourd’hui par des applications de mégadonnées et d’intelligence artificielle, on peut imaginer à quel point le Québec serait à des années-lumière devant d’autres régions dans le monde en matière de services aux citoyens.
C’est ce que croit Jacques Bernier, associé principal du fonds montréalais Teralys Capital. « Les solutions en énergie et en santé, tout le monde en parle ces jours-ci. Dans les deux cas, on a un décideur unique au Québec, à la tête de ces secteurs. Ce sont deux exemples où on aurait pu devenir un leader mondial, mais on n’a pas encore su le faire, dit-il. Il serait temps qu’on en profite. »
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