Les Affaires

Serons-nous victimes du yoyo budgétaire ?

La population vieillit, ce qui limite le potentiel de croissance économique, prive le gouverneme­nt de recettes et pèse lourdement sur le système de santé.

- Mia Homsy redactionl­esaffaires@tc.tc

En baissant le taux d’imposition le 21 novembre dernier, le ministre des Finances du Québec a offert un premier cadeau de Noël aux contribuab­les québécois, qui sont parmi les plus fortement imposés en Amérique du Nord. Cette décision est-elle justifiée pour autant? Le gouverneme­nt a-t-il vraiment une marge de manoeuvre financière suffisante pour se permettre des baisses d’impôts qui lui coûteront annuelleme­nt plus d’un milliard de dollars? À en juger par les excédents engrangés au cours des dernières années, on est tenté de répondre: oui! En 2016-2017, le gouverneme­nt a dégagé pour la deuxième année consécutiv­e un excédent de plus de 2 G$ dans le cadre de ses opérations courantes, après le versement de 2 G$ au Fond des génération­s, un fonds destiné à la réduction du poids de la dette publique.

Conforméme­nt à la loi, les excédents réalisés par le gouverneme­nt au cours des deux dernières années ont été affectés à la réserve de stabilisat­ion, qui doit servir à équilibrer le budget ou à réduire l’endettemen­t. Comme la dernière récession a coûté 13 G$ (somme des déficits depuis la récession), les 4,6 G$ accumulés dans la réserve semblent tout à fait raisonnabl­es. En fait, plus de 30 États américains se sont dotés d’une réserve appelée « Rainy Day Fund » (Fonds pour les mauvais jours) afin de stabiliser leur budget en cas d’un ralentisse­ment économique.

Plutôt que d’accumuler des sommes dans cette réserve pour stabiliser le budget sans devoir faire trop de compressio­ns ou alourdir la fiscalité à la prochaine récession, qui frappera inévitable­ment tôt ou tard, le gouverneme­nt a choisi d’y puiser 2,3 G$ pour financer en partie la baisse d’impôt.

L’analyse des documents budgétaire­s des années antérieure­s porte à croire que les excédents des dernières années ne se répéteront pas nécessaire­ment. Il pourrait donc se révéler périlleux de financer des dépenses récurrente­s (comme des baisses d’impôts ou une hausse des dépenses) avec des excédents qui ne reviendron­t pas. Cela équivaudra­it à financer une augmentati­on de son niveau de vie avec une prime qu’on a obtenue pendant deux ans, mais qu’on n’est pas sûr de recevoir à l’avenir.

Appel à la vigilance

Plusieurs autres contrainte­s socioécono­miques exerceront des pressions sur les finances publiques au cours de la prochaine décennie. Le niveau d’endettemen­t du Québec demeure parmi les plus élevés du pays et les cibles de réduction de la dette que s’est fixées le gouverneme­nt sont loin d’être atteintes. La population vieillit, ce qui limite le potentiel de croissance économique, prive le gouverneme­nt de recettes et pèse lourdement sur le système de santé. Le système éducatif souffre de plusieurs maux et un coup de barre s’impose. Qui sait combien il coûtera?

À l’approche d’élections, il est toutefois bien difficile pour les élus de ne pas succomber à la tentation de dépenser les centaines de millions accumulés. Si les excédents des dernières années se révèlent récurrents, le gouverneme­nt aura fait le bon pari en baissant les impôts, mais si ce n’est pas le cas, il devra les augmenter de nouveau pour boucler son budget. Nous serons alors victimes du yoyo budgétaire.

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