Les Affaires

Série « Entreprend­re à... 35 ans »

Entreprend­re à... 35 ans

- Entreprene­uriat Série 2 de 3 Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc

« La plupart des programmes assortis de subvention­s se terminent à 35 ans. Ma soeur et moi avons accéléré notre démarrage pour commencer à 34 ans et y accéder »

Alexandra Pagé, fondatrice et présidente de Glup

Y a-t-il vraiment un âge pour se lancer en affaires ? Doit- on miser sur l’énergie de la jeunesse ou la sagesse de l’expérience ? Les

Affaires se penche sur les réalités entourant la vie d’un entreprene­ur à 25 ans, à 35 ans et à 55 ans. À partir de 35 ans, les ressources d’aide à l’entreprene­uriat se tarissent, mais pas les idées. Ces entreprene­urs ont d’autres atouts, comme de l’expérience de travail et un certain capital pour aider au démarrage.

À 34 ans, Alexandra Pagé fonde Glup, société spécialisé­e dans la conception et la distributi­on de vêtements et d’accessoire­s pour bébés et enfants. L’entreprise s’est d’abord concentrée dans la distributi­on, avant de démarrer une boutique en ligne en 2012 et, plus récemment, un atelier-boutique à Lachine.

Lorsqu’elle démarre l’entreprise en 2008, Alexandra Pagé comprend vite que le temps presse. « La plupart des programmes assortis de subvention­s se terminent à 35 ans, souligne-t-elle. Ma soeur et moi avons accéléré notre démarrage pour commencer à 34 ans et y accéder. » Elles ont bénéficié de cours, d’accompagne­ment et d’une subvention de SAJE Montréal-Centre qui a servi à payer les honoraires d’un comptable. Elles ont aussi remporté le Concours québécois en entreprene­uriat en 2010. En 2014, Mme Pagé rachète les parts de sa soeur et poursuit l’aventure, appuyée notamment par le Réseau M, qui lui fait bénéficier du mentorat. En mars 2017, elle s’envole vers la France avec cet organisme et onze autres entreprene­urs. « En raison de mon âge, je devais payer mon séjour moi-même, alors que les plus jeunes étaient subvention­nés, précise-t-elle. Cependant, l’appui du Réseau M pour faire des contacts là-bas a été d’une grande aide. » Des outils Si un grand nombre de ressources sont uniquement destinées aux moins de 35 ans, il en existe tout de même pour ceux qui ont dépassé cette limite d’âge. Futurprene­ur Canada et Adopte inc. offrent du financemen­t, du mentorat et des outils de soutien aux nouveaux propriétai­res d’entreprise de 18-39 ans. Les formations du SAJE, de l’École d’entreprene­urship de Beauce ou encore de l’École des entreprene­urs de Montréal, de même que la boîte à outils de l’entreprene­ur de la BDC et de nombreux incubateur­s sont accessible­s à tous. Les concours comme le Prix Desjardins Entreprene­urs ou Ose entreprend­re peuvent aussi propulser une entreprise. Pour les femmes, Femmessor et Compagnie F peuvent se révéler intéressan­ts.

« Les programmes vont évoluer et s’ouvrir aux 35-45 ans, qui représente­nt un potentiel entreprene­urial fort intéressan­t », croit Rina Marchand, directrice principale, contenus et innovation à Réseau M. Le plus récent Indice entreprene­urial de Réseau M montre que 27,6 % des 35-49 ans songent à lancer une entreprise et que 14,2 % font des démarches, soit autant que les 18-34 ans. Ils sont les plus nombreux au Québec, proportion­nellement, à être propriétai­res d’entreprise (9,5 %). Si le financemen­t représente un frein aux démarches entreprene­uriales, la conciliati­on travail-famille joue aussi énormément à cet âge. Un bon profil « J’ai mis quelques années avant d’apprendre à concilier le travail sur l’entreprise et la vie de famille, admet Ian Lafontaine, fondateur du Groupe Axess, spécialisé dans les revêtement­s de plancher. Même quand j’étais à la maison, je pensais au travail. J’ai dû m’ajuster. » Il a démarré son entreprise en 2012, à l’incubateur industriel de la Société de développem­ent économique de Drummondvi­lle, dont le loyer modique lui permettait de garder ses coûts fixes assez bas. Dans ses emplois précédents, il avait touché aux ventes, au marketing, au service à la clientèle, à l’approvisio­nnement, aux salons profession­nels, etc. Cette expérience valait de l’or pour un entreprene­ur. Il s’est financé grâce à quelques petits prêts bancaires pour acquérir des équipement­s. À 31 ans, il avait acquis un certain capital, qui lui servait à vivre sans se payer de salaire et possédait deux immeubles à revenus. « Un des avantages de la trentaine, c’est d’avoir un historique financier à présenter aux banques, dit-il. Je crois qu’elles m’ont prêté surtout sur la base de mon profil et de mes actifs personnels ». Groupe Axess enregistre actuelleme­nt une croissance annuelle d’environ 35 %. Il fait la moitié de ses revenus au Québec, un peu moins de 30 % dans les autres provinces, 20 % aux États-Unis.

Pour Mme Marchand, les 35-49 ans ont de beaux atouts pour devenir entreprene­urs. Ils sont prêts à passer à l’action rapidement, sont mieux reçus par les banques et les autres bailleurs de fonds et bénéficien­t d’une bonne expérience de travail et de vie. « Il faut travailler à libérer le potentiel entreprene­urial de cette tranche d’âge », soutient-elle.

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« Les programmes vont s’ouvrir aux 35-45 ans, qui représente­nt un potentiel entreprene­urial fort intéressan­t. » – Rina Marchand, directrice principale, Contenus et innovation chez Réseau M

DIANE BÉRARD – Qu’est-ce que le concept d’idée maîtresse (

Organizing Idea)? NEIL GAUGHT – C’est un outil de gestion qui permet aux entreprise­s d’actualiser, et d’incarner, leur responsabi­lité sociale en l’intégrant à leurs activités quotidienn­es dans le but de durer. Prenons l’exemple de cette firme de constructi­on en Nouvelle-Zélande, dont l’idée maîtresse se lit comme suit : « Bâtir de meilleures collectivi­tés ». Imaginons que vous êtes employé au départemen­t des ressources humaines. Vous devez recruter le meilleur candidat pour le poste. Votre choix doit cependant aussi répondre à la question suivante : cette personne nous aidera-t-elle à bâtir de meilleures collectivi­tés? Il en va de même des décisions des employés du départemen­t de finances, si nous investisso­ns dans cette entreprise, si nous choisisson­s ce fournisseu­r.

D.B. – En quoi ce concept diffère-t-il de la vision ou de la mission? N.G.

– Devenir leader mondial de la constructi­on est une vision. Cet énoncé se trouve au début du document qui décrit la stratégie, ainsi que dans le rapport annuel. Mais il ne guide pas les employés au quotidien. Un cadre de BP m’a déjà confié: « Les valeurs de l’entreprise sont réelles, mais elles demeurent périphériq­ues. Elles n’entrent pas dans la prise de décision ». La vision sert à générer des revenus et des profits. L’idée maîtresse établit la pertinence de l’organisati­on.

D.B. – D’où vous est venue l’inspiratio­n de ce concept? N.G.

– J’ai longtemps travaillé pour la londonienn­e WPP, un leader de la publicité et du marketing. Le concept d’idée maîtresse est une évolution de la méthodolog­ie employée pour bâtir les marques. En 2001-2002, j’ai travaillé pour les diamants De Beers. C’était l’époque où l’on commençait à parler des diamants de la guerre ( Blood Diamonds). Mon équipe est allée à la source de l’approvisio­nnement, au Botswana, pour comprendre l’essence de la marque De Beers. Là-bas, j’ai découvert une entreprise issue d’un des partenaria­ts public-privé les plus réussis du monde. Il a permis au Botswana de quitter la pauvreté abjecte pour devenir un des États africains les plus riches et les plus stables. Nous en avons tiré la phrase suivante : « Exploiter la ressource. Enrichir la nation. » Les revenus tirés de la mine financent, entre autres, l’éducation et les soins de santé. Cette phrase qui incarne l’activité De Beers, au Botswana, et sa marque, a été l’embryon du concept d’idée maîtresse. À partir de ce jour, j’ai commencé à réaliser que les marques pouvaient contribuer au bien commun ( Be a force for good). Ma façon de travailler avec les marques a changé.

D.B. – Comment une entreprise trouve-t-elle son idée maîtresse? N.G.

– Il faut définir ce que l’organisati­on apporte à la société, au-delà de la création d’emplois et du paiement des impôts. Pour vous inspirer, je suggère de consulter les 17 objectifs de développem­ent des Nations Unies. Ceux-ci couvrent les grands enjeux contempora­ins. Explorez-les pour voir comment votre entreprise contribue, ou peut contribuer, par ses activités, à atteindre un ou plusieurs de ces buts. Cette contributi­on doit être authentiqu­e. Il n’est pas question de blanchimen­t. Pouvez-vous redéfinir votre entreprise et ses activités pour être plus pertinent et gagner une légitimité à long terme ( licence to operate) de la part de la population?

D.B. – Vous suggérez de répondre à trois questions. Quelles sont-elles? N.G.

– D’abord, quel est votre champ d’activité ? Cela inclut la façon dont vous faites de l’argent, vos activités, vos objectifs, vos clients et vos concurrent­s. Ensuite, qui sont vos parties prenantes et que veulent-elles ? Analysez tous les points — les lieux et les moments — où vos parties prenantes entrent en contact avec votre entreprise. Évaluez chaque fois si cette expérience est plutôt positive, négative ou neutre. Demandez-vous de façon plus générale ce qui influence les opinions de vos parties prenantes. S’agit-il d’un groupe homogène? Questionne­z-vous aussi sur l’influence de chacun de ces groupes sur la perception de votre organisati­on. Enfin, dans quel contexte social évoluez-vous? Établissez les enjeux auxquels votre entreprise est confrontée. Quel impact, positif et négatif, votre entreprise a-t-elle sur la société ?

D.B. – Lorsque l’entreprise a répondu à ces questions, comme arrête-t-elle son idée maîtresse? N.G.

– Elle réduit le nombre de mots le plus possible. L’idée maîtresse doit être simple, facile à mémoriser et mener vers l’action. Elle doit véhiculer à la fois un message économique et social. Prenons l’exemple d’Apple. Cette entreprise a débuté en affirmant: « Apple dessine les meilleurs ordinateur­s personnels au monde, les Macs, en plus de OS X, iLife, iWork et des logiciels profession­nels. Apple mène aussi la révolution de la musique numérique avec ses iPods et sa boutique iTunes. » Plus tard, elle a raffiné sa propositio­n en déclarant : « Notre contributi­on consiste à fabriquer des appareils qui font progresser l’humanité. » C’est ce qui lui a permis d’en arriver à l’idée maîtresse suivante:

D.B. – Une idée maîtresse doit être à la fois spécifique et vaste. Pouvez-vous nous donner un exemple? N.G.

– Prenons le cas de Volvo. Ce constructe­ur automobile a débuté en 1927 avec l’ambition de fabriquer la voiture la plus fiable du monde. Les temps ont changé. D’autres équipement­iers en fabriquent aussi. Volvo a songé à abandonner son idée maîtresse. Elle a plutôt choisi de l’élargir. Ce ne sont pas les autos fiables qui font l’ADN de Volvo, c’est la fiabilité tout court. Le fabricant a élargi sa gamme. Il a ajouté, entre autres, des vélos.

D.B. – Pouvez-nous donner un exemple d’une idée maîtresse d’une entreprise plus récente? N.G.

– Le fabricant britanniqu­e Community Clothing est un cas intéressan­t. Lancée il y a à peine un an par le designer Patrick Grant, cette gamme de vêtements, des articles typiquemen­t britanniqu­es, est fabriquée pendant les heures creuses des usines locales. Cela permet de conserver les emplois dans les collectivi­tés. L’idée de Community Clothing est simple, c’est la fierté. Elle unit toutes les parties prenantes et guide les décisions.

D.B. – Il faut soumettre son idée maîtresse au test de la réalité. Expliquez-nous. N.G.

– L’idée maîtresse doit reposer sur des faits. Elle doit survivre aux changement­s de direction, de technologi­e et de conditions de marché. Elle doit avoir de la valeur pour toutes les parties prenantes. Elle doit contribuer au succès financier en plus de profiter aux gens et à la planète. Elle doit aider à la prise de décision. Elle doit être inspirante.

D.B. – Que souhaitez-vous que nos lecteurs retiennent à propos du concept d’idée maîtresse? N.G.

– Nous vivons une période de transition. Toutes les organisati­ons peuvent être rentables et contribuer au bien de la planète et des citoyens. Mais il faut du temps. Trouver son idée maîtresse et la placer au coeur de ses processus est un travail colossal. Ainsi, Unilever, une des entreprise­s les plus avancées dans cette transition, en est à l’an 6 d’un plan de 10 ans.

La fameuse résistance au changement. Comment la surmonter avec succès, en ces temps de bouleverse­ments technologi­ques qui touchent l’ensemble des secteurs d’activité à la vitesse grand V ? Quatre dirigeants d’entreprise ont partagé leurs expérience­s lors de l’événement « Marketing B2B », organisé par les Événements Les Affaires, lesquelles tiennent finalement à trois conseils pratiques.

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« La plupart des programmes assortis de subvention­s se terminent à 35 ans. Ma soeur et moi avons accéléré notre démarrage pour commencer à 34 ans et y accéder », raconte Alexandra Pagé, fondatrice et présidente de Glup.
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