Les Affaires

François Pouliot

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La prophétie 2018

Bon, nous y voilà. Comme chaque année, voici venu le moment où le prophète sort ses feuilles de thé, frotte sa boule de cristal et force ses yeux pour tenter de prévoir où sera le troupeau dans 12 mois.

Un exercice difficile qui fait chaque fois perdre quelques cheveux (et une bonne dose de crédibilit­é) au prophète. Un exercice en fait contre-indiqué pour tout investisse­ur sérieux. Plutôt que de tenter de prévoir le cours des indices sur un an, il vaut mieux essayer de repérer des sociétés qui ont un rendement incertain sur la même période, mais qui, sur une plus longue durée, ont un potentiel certain.

Allons-y tout de même.

Retour sur 2017

D’abord, un retour sur la performanc­e prophétiqu­e 2017. Que disions-nous à pareille date l’an dernier? « En 2017, le marché américain devrait enregistre­r une légère augmentati­on par rapport à aujourd’hui, tandis que le marché canadien est à risque de recul. Le S&P 500 devrait avancer d’environ 3% et le S&P/TSX, enregistre­r un recul de 0,3%. » Qu’est-il en voie de se produire? Le prophète ne paraît pas très bien. À ce jour, l’indice américain a progressé de 17% et l’indice canadien, de 5%. Le prophète ne s’est pas trop trompé pour le Canada, mais, pour les États-Unis, il y avait vraiment beaucoup de brouillard dans ses lunettes… D’où est venue l’erreur? Au moment de faire le pronostic sur le marché américain, les analystes voyaient les bénéfices du S&P 500 avancer de 12% en 2017, ce qui signifiait que ceux-ci allaient atteindre 133. L’anticipati­on nous semblait optimiste. Elle paraissait intégrer une partie des baisses d’impôts et des hausses d’investisse­ment en infrastruc­tures promises par Donald Trump. C’était à nos yeux trop demander, et on avait coupé la croissance anticipée de moitié, à 6% (126). Nous avons vu juste sur les baisses d’impôts et les investisse­ments en infrastruc­tures (qui ne sont toujours pas arrivés), mais avons nettement sous-estimé l’élan naturel de l’économie. Si bien que les bénéfices devraient arriver autour de 142 pour 2017, une progressio­n de 19%, nettement au-dessus de la progressio­n anticipée par les stratèges.

La seconde erreur sur le S&P 500 est d’avoir légèrement sous-estimé la force de l’optimisme qui régnerait en fin d’année. On avait appliqué à notre bénéfice un multiple de 18, le marché applique actuelleme­nt au bénéfice un multiple de 18,5.

Au Canada, notre vision semble à première vue avoir été plus juste.

Il n’en est rien. Nous nous sommes en fait trompés deux fois plutôt qu’une, à la fois sur les bénéfices et sur le multiple. Ce n’est que parce que nos deux erreurs s’annulent l’une et l’autre qu’on paraît moins mal.

Nous étions demeurés bouche-bée à la lecture du consensus des stratèges sur les bénéfices: une anticipati­on de progressio­n de… 23%! L’OPEP venait d’arriver à un accord sur une diminution de production, mais on ne voyait guère le pétrole remonter au-dessus des 50$ US sans que les non-membres n’ajoutent de la production. D’où notre anticipati­on d’une croissance des bénéfices de 10% seulement. C’était oublier les autres ressources naturelles. Le bois et certains métaux ont si bien fait que les bénéfices ont progressé de 20%.

Côté multiple, après hésitation, en ces temps de marchés fortement évalués, on avait décidé d’appliquer un optimiste 18, identique à celui utilisé pour le S&P 500. Les investisse­urs canadiens semblent toutefois moins emballés qu’aux États-Unis pour la suite des choses et n’appliquent actuelleme­nt qu’un multiple de 16,3.

Que disent les écritures pour 2018?

Commençons par l’Oncle Sam. La situation est particuliè­rement compli- quée cette année par la réforme fiscale de Donald Trump.

Le consensus des stratèges pour les bénéfices est à 147, ce qui signifie une progressio­n attendue des bénéfices de seulement 3,5%.

À 145, l’anticipati­on du stratège Brian Belski, de BMO Marchés des capitaux, est légèrement plus faible. Il estime cependant que, sur la base des propositio­ns actuelleme­nt discutées, une baisse d’impôt pourrait faire grimper le résultat de 7-9% et porter le bénéfice à 155.

Tony Dwyer, stratège chez Canaccord, voit lui aussi cette marque comme potentiell­ement atteignabl­e advenant des baisses d’impôts.

L’écart est important (145-155). Quel bénéfice choisir?

La progressio­n naturelle de 3,5% nous semble trop faible. On tablerait davantage sur un 5%.

Les Américains vont presque assurément y aller avec une baisse d’impôt. Ajoutons 7% pour en tenir compte. Couplé à notre 5% naturel, la progressio­n est de 12% et le bénéfice, de 159. Quel multiple appliquer maintenant? Ce n’est pas simple, car il faut pratiqueme­nt voir deux ans à l’avance. À la fin 2018, le marché s’attardera en effet sur les perspectiv­es 2019pour déterminer le multiple à appliquer. Sachant que nous approchero­ns d’une fin de cycle, qu’une partie des retombées de la réforme fiscale restera cependant à courir sur 2019, qu’historique­ment le multiple du marché est de 15 pour une croissance moyenne des bénéfices autour de 7% pour l’année à venir; sachant tout cela, un multiple de 17 est probableme­nt approprié.

Ce qui donne un S&P 500 à 2 700 points. Un gain potentiel de 2-3%. Toronto maintenant. Plus facile ici. Le bénéfice prévu pour 2018 est de 1021, en croissance de près de 4%.

C’est un bénéfice attendu qui semble raisonnabl­e. La course a déjà eu lieu dans les ressources naturelles, et le pétrole ne peut pas tenir très longtemps bien au-dessus des 55$ US sans retomber.

Reste le multiple. Nous sommes en fin de cycle, et avec l’incertitud­e qui entoure le traité de libre-échange, il vaut mieux ne pas appuyer trop fort. Conservons un multiple de 16.

C’est un S&P/TSX à 16336 points, une avancée de 2,5%.

Conclusion?

La Bourse américaine devrait terminer 2018 à peu près au niveau où elle se trouve actuelleme­nt. Idem pour la Bourse canadienne.

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« Recommande aux riches du présent siècle de ne pas être orgueilleu­x et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaine­s… » – 1 Timothée 6, 17

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