Les Affaires

À qui le tour d’attraper la balle au bond?

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J’ai profité de la période du temps des fêtes pour rattraper quelques lectures qui m’ont été suggérées en cours d’année. Parmi celles-ci se trouvait « État de l’énergie au Québec 2018 », un rapport qui est produit et publié annuelleme­nt, depuis maintenant quatre ans, par la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal. Les faits qui y sont présentés m’ont ouvert les yeux sur la place essentiell­e que doit occuper l’individu dans le succès de la transition énergétiqu­e, et j’en tire une grande leçon.

Les ventes de véhicules utilitaire­s sports (VUS) et de camions battent des records, la grosseur des maisons ne cesse d’augmenter, de même que l’étalement urbain, ce qui entraîne inévitable­ment une croissance de notre consommati­on d’essence, de chauffage et d’électricit­é. Le Québec aura beau compter sur une politique énergétiqu­e ambitieuse et des objectifs de réduction de gaz à effet de serre agressifs, le fait est que nous ne parviendro­ns pas à atteindre nos cibles dans la lutte contre les changement­s climatique­s, à moins de changer radicaleme­nt nos habitudes de consommati­on. Et ne vous méprenez pas — moi le premier!

Chez Boralex, nous avons récemment fait l’acquisitio­n d’un VUS tout terrain à essence, nécessaire pour assurer la maintenanc­e de nos parcs éoliens. Considéran­t que la plupart de nos sites de production énergétiqu­e se situent en région éloignée, un véhicule électrique n’aurait pas été envisageab­le pour le moment… Mais un VUS hybride, oui. Nous-même, qui travaillon­s dans le domaine des énergies renouvelab­les, n’y avons pas pensé. Nous avons appuyé sur « Repeat » sans prendre le temps de nous remettre en question, au même titre que beaucoup encore le font. Voilà où se cache, selon moi, la clé de voûte de la transition énergétiqu­e.

Il est illusoire de penser qu’il revient uniquement aux joueurs de l’industrie énergétiqu­e de porter sur leurs épaules la lourde responsabi­lité d’entretenir la santé de notre planète. Nous sommes peut-être les porteurs de ballon, certes, mais pour gagner le match, il faudra que tout le monde y mette du sien. D’ailleurs, Pierre-Olivier Pineau, coauteur du rapport, le montre bien: depuis 1990, les émissions de GES ont diminué de 25% au Québec, sur lesquels uniquement 5% sont attribuabl­es à l’industrie de l’énergie. Ça se comprend: quand près de 99% de notre production électrique est déjà renouvelab­le, il est difficile de faire mieux. Mais pas impossible.

Je crois sincèremen­t que c’est en remettant quotidienn­ement en question nos façons de faire, en posant de petits gestes concrets et en faisant preuve de créativité que nous y parviendro­ns, individuel­lement, collective­ment et économique­ment parlant.

Prenez la Caisse de dépôt et placement du Québec, par exemple. Par sa nouvelle stratégie d’investisse­ment quant au défi climatique, annoncée en octobre dernier, la Caisse a trouvé des façons concrètes et rentables de contribuer à la transition vers une économie mondiale sobre en carbone. C’est le genre d’initiative que nous nous devons de prendre en exemple.

Je cultive l’idée que les gens atteignent leur summum de créativité lorsqu’ils sont confrontés à un problème et font face à des contrainte­s spécifique­s – c’est la théorie Think INSIDE the Box. Ce genre de situation force la réflexion sur de nouvelles façons de faire, et c’est exactement ce qui est présenteme­nt observé dans les marchés; l’industrie énergétiqu­e mondiale est en pleine transforma­tion.

Que ce soit par les innovation­s technologi­ques réalisées au cours des dernières années, notamment dans le solaire, qui ont entraîné des chutes de prix historique­s, ou par l’intérêt grandissan­t des grandes entreprise­s et des fonds d’investisse­ment envers le développem­ent de projets énergétiqu­es, produire et vendre de l’énergie n’auront jamais été aussi convention­nels et compétitif­s – money talks. Je vous l’avoue, je n’aurais jamais cru que Google deviendrai­t un jour un de nos concurrent­s!

J’adore les défis et cette façon de voir les choses me stimule, car elle nous pousse à devenir meilleurs. Ces tendances et l’urgence d’agir nous pousseront, je l’espère, à nous diversifie­r davantage, à évoluer et à innover. Plusieurs solutions sont à notre portée. Je pense, entre autres, au stockage, à l’écofiscali­té et aux biocarbura­nts.

Alors, je regarde en avant. Je demeure réaliste et optimiste. Ce qui importe, c’est notre aptitude à nous remettre en question et la façon avec laquelle nous serons prêts à transforme­r des contrainte­s en innovation­s bien réelles, à commencer par mon propre train-train quotidien!

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