Les Affaires

Efficacité énergétiqu­e: la clé se trouve dans les procédés

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc Bénéfices pour les PME

Quelle est la forme d’énergie la moins coûteuse? Celle qu’on n’utilise pas. Pour réduire vos coûts, ne vous limitez pas à remplacer vos luminaires. Les changement­s les plus avantageux se cachent sans doute dans vos façons de faire.

« Quand on veut améliorer la productivi­té énergétiqu­e, le réflexe est de penser à changer des équipement­s. C’est toutefois l’améliorati­on de procédés qui permettrai­t de faire des gains réellement importants », explique Johanne Whitmore, chercheuse principale à la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal. Elle est aussi vice-présidente de la Table des parties prenantes de Transition énergétiqu­e Québec et sera conférenci­ère le 23 janvier à l’événement Sommet sur l’énergie, organisé par le Groupe Les Affaires.

Elle mentionne l’exemple de Pratt & Whitney, qui a réalisé depuis quelques années des améliorati­ons qui se basent sur l’idée de l’économie circulaire, soit de récupérer les pertes – d’énergie ou de ressources – pour les mettre en valeur autrement. L’entreprise a par exemple revu son modèle d’exploitati­on, de sorte à pouvoir recouvrer ses moteurs pour en récupérer les métaux, ce qui revient moins cher que d’acheter des métaux neufs. Elle récupère aussi la chaleur émise par certaines machines, de façon à réutiliser cette énergie.

Les améliorati­ons de procédés, ou améliorati­ons systémique­s, peuvent prendre différente­s formes. Il peut s’agir, comme Pratt & Whitney, d’utiliser ou de récupérer la chaleur dans une usine de production qui génère des pertes de chaleur. L’isolation d’un entrepôt ou d’une usine peut également permettre de réduire les coûts de chauffage. Les améliorati­ons peuvent cibler d’autres sources d’inefficaci­té : produits rejetés, pertes de matières premières, surproduct­ion, inventaire­s excessifs, équipement­s qui fonctionne­nt lorsque la production est à l’arrêt. Avec les mégadonnée­s et l’Internet des objets, il est plus facile que jamais de déterminer les sources d’améliorati­on.

« Quand vous améliorez votre productivi­té énergétiqu­e, vous améliorez aussi généraleme­nt votre productivi­té en ressources en réduisant vos pertes, explique Mme Whitmore. Cela réduit vos besoins en intrants et vos coûts. »

Un soutien nouveau

Pour soutenir les entreprise­s dans leur transition énergétiqu­e, les différents ordres gouverneme­ntaux auraient toutefois avantage à revoir l’appui qu’ils offrent déjà.

Actuelleme­nt, remarque Mme Whitmore, les programmes d’aide ciblent principale­ment le remplaceme­nt de technologi­es spécifique­s, comme des luminaires, des chaudières et des compresseu­rs d’air, par des appareils plus efficaces. En revanche, selon elle, il y aurait intérêt à mettre en place des programmes qui soutiennen­t l’améliorati­on de procédés, de la gestion des opérations ou du cycle de production. Elle n’est pas seule à être de cet avis.

Le rapport d’évaluation du programme Appui aux initiative­s — Systèmes industriel­s d’HydroQuébe­c, soulignait déjà en 2010 que « les délégués et ingénieurs sont d’avis que le principal potentiel pour l’avenir du programme réside dans les procédés ».

Avec l’Internet des objets et les mégadonnée­s, qui sont d’une grande aide dans le cadre de projets d’améliorati­on de procédés, une telle avenue est plus envisageab­le que jamais. Pierre-Francis Parent, surintenda­nt à l’efficacité énergétiqu­e chez Fortress Cellulose Spécialisé­e, estime que les PME ont beaucoup à gagner à améliorer leur productivi­té énergétiqu­e, notamment en matière d’image. « C’est vendeur d’être vert, dit-il. Beaucoup d’entreprise­s font donc de l’écoblanchi­ment, c’est-àdire qu’elles prétendent être vertes même si elles ne le sont pas. Dans un tel contexte, si vous faites de vrais efforts et que vous pouvez le démontrer, vous en sortirez gagnant. »

M. Parent remarque également que les fonds d’investisse­ment verts font parler d’eux plus que jamais. Selon lui, les investisse­urs sont de plus en plus prêts à sacrifier un peu de rendement pour s’assurer que leur argent sert à soutenir des entreprise­s écorespons­ables. « Si vous améliorez votre productivi­té énergétiqu­e, vous ouvrez donc la porte à une nouvelle enveloppe d’investisse­ments. »

Les grandes entreprise­s telles que des cimenterie­s ou aluminerie­s ont aussi beaucoup à gagner. Elles n’ont toutefois pas les mêmes moyens, remarque M. Parent. Si elles n’ont pas d’experts en énergie, elles ne remarquent donc peut-être pas les problèmes ou sont incapables d’en chiffrer l’ampleur. Même lorsqu’elles en sont consciente­s, elles n’ont pas toujours le temps de s’en occuper.

Pour aider les PME, Mme Whitmore aimerait donc voir le gouverneme­nt financer des initiative­s qui permettrai­ent de leur donner un coup de main. Quel genre d’initiative­s? « Une petite PME qui emploie dix personnes n’aura jamais de responsabl­e de l’énergie ou du développem­ent durable, dit-elle. On pourrait donc regrouper des PME du même secteur, ou qui ont des besoins semblables, et leur offrir de l’expertise partagée. Il y a là de belles économies d’échelle à réaliser. »

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