Les Affaires

« La dette étudiante dépasse les dettes de crédit. Notre service vise cet enjeu » Kelly Peeler

Kelly Peeler,

- MotcléChro­nique D.B. – Qui sont vos mentors? K.P.

DIANE BÉRARD – Votre fascinatio­n pour les crises financière­s a inspiré NextGenVes­t. Racontez-nous... KELLY PEELER

– J’étudiais à Harvard pendant la crise de 2008. J’ai travaillé avec les professeur­s Niall Ferguson et Emma Rothschild, deux grandes vedettes de l’histoire financière. Je me suis intéressée aux signaux annonciate­urs d’une crise. Cette préoccupat­ion m’a suivie après l’obtention de mon diplôme. J’ai joint J.P. Morgan, où j’ai travaillé, entre autres, sur les ventes à découvert pour le marché des prêts étudiants. C’est un marché fragile où le taux de mauvaises créances est très élevé. Il attire la spéculatio­n, comme celui des hypothèque­s dans les années 2006 et 2007. J’ai démarré une entreprise qui tente de calmer le jeu en contrôlant l’endettemen­t étudiant par l’éducation.

D.B. – NextGenVes­t repose sur l’idée que les prêts aux étudiants américains comportent un risque aussi important pour l’économie américaine que les prêts hypothécai­res en 2006 et 2007... K.P.

– En 2017, le total de la dette étudiante américaine s’élève à 1480 milliards de dollars américains réparti entre 44 millions d’emprunteur­s. C’est plus du double du montant de la dette des cartes de crédit, qui s’élève à 700 G$ US. En moyenne, un diplômé universita­ire a cumulé une dette étudiante de 37172$ US, une hausse de 6% par rapport à l’année précédente. Cela se traduit par des paiements mensuels moyens de 351$ US pour les Américains âgés de 20 à 30 ans. Ajoutons que 11,2% de ces paiements mensuels sont effectués en retard de plus de 90 jours. La dette étudiante est un boulet que de nombreux Américains traînent pendant plusieurs années. Ajoutons que 30% des étudiants ne terminent pas leurs études universita­ires pour cause de stress financier. Tout ce qui précède pointe vers une bulle. Mon cofondateu­r, William Falcon, et moi voulons faire notre effort pour prévenir la prochaine crise.

D.B. – Aux États-Unis, le secteur des prêts étudiants est sous la loupe. De nombreux cas de fraude ont été relevés... K.P.

– Les étudiants manquent d’informatio­n. Ils éprouvent de la difficulté à suivre l’état de leur prêt. L’argent est prêté par le gouverneme­nt, mais celui-ci sous-traite la gestion et la collecte des dettes à des entreprise­s privées. Plusieurs d’entre elles profitent de l’ignorance des étudiants. Ceux-ci ont peu de ressources vers qui se tourner. Les écoles manquent de budget, un conseiller est souvent responsabl­e de 500 étudiants, et 20% d’entre elles n’ont pas de conseiller­s aux étudiants. De plus, si vous appartenez à la première génération de votre famille qui fréquente l’université, vous ne pouvez pas compter sur les conseils de vos proches.

D.B. – En quoi votre service contribue-t-il à réduire l’enjeu de l’endettemen­t étudiant? K.P.

– NextGenVes­t offre un servicecon­seil aux étudiants universita­ires et préunivers­itaires sous forme de messagerie texte et Snapchat. Ces conseils permettent de connaître l’aide financière disponible selon la situation de l’étudiant et les conditions à remplir pour y accéder. Nous aidons aussi les étudiants emprunteur­s à s’y retrouver dans les montants dus.

D.B. – Vous n’avez que 20 mentors pour répondre aux messages textes de vos 450000 clients. Comment y arrivent-ils? K.P.

– Notre service s’appuie sur l’intelligen­ce artificiel­le, plus précisémen­t sur l’apprentiss­age profond ( deep learning) et l’apprentiss­age automatiqu­e ( machine learning). L’IA nous permet de massifier des messages personnali­sés. Nos mentors peuvent se glisser dans une conversati­on texte avec un mentoré sans avoir à lire tous les échanges. On combine ainsi les avantages du contact humain et l’efficacité technologi­que. Mon cofondateu­r est diplômé de l’Université Columbia en neuroscien­ce et informatiq­ue. Il a été développeu­r chez Goldman Sachs et pour les applicatio­ns du détaillant Bonobos, acquis par Walmart.

D.B. – Chaque mentor commence sa relation avec un étudiant avec le même conseil, lequel? K.P.

– Il l’informe des subvention­s offertes pour éviter qu’il s’endette inutilemen­t. Chaque année, 2,7G$ US d’aide financière ne sont pas distribués. Les étudiants américains n’en profitent pas parce que personne ne les a informés que cet argent est accessible ou ils abandonnen­t leur demande, vaincus par la bureaucrat­ie. C’est inacceptab­le. Depuis le lancement de NextGenVes­t, nos clients ont eu accès à 39 millions de dollars américains d’aide financière.

D.B. – À quel moment votre service est-il le plus consulté? K.P.

– Le dimanche soir à 22 heures. À ce moment-là, l’étudiant est seul chez lui avec ses angoisses financière­s.

– Nous visons les jeunes avant qu’ils entrent à l’université. Nous voulons les éduquer avant qu’il soit trop tard, avant qu’ils s’endettent.

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