Les Affaires

Prévenir plutôt que guérir

- Anne-Marie Luca redactionl­esaffaires@tc.tc

Les problèmes de santé mentale au travail ont pour conséquenc­e, notamment, de l’absentéism­e et une baisse de productivi­té. Et la tendance ne va qu’en augmentant : l’Organisati­on mondiale de la Santé anticipe que la dépression sera en 2020 la principale cause d’invalidité. Devant ce fléau, les employeurs devront en profiter pour améliorer leurs pratiques de prévention. Encore faut-il les comprendre, ces problèmes.

Le défi de la santé psychologi­que, c’est que contrairem­ent à un accident physique, les symptômes peuvent subvenir six mois, voire un ou deux ans à l’avance. Néanmoins, les entreprise­s, tout comme les individus, peuvent s’outiller pour les détecter, assure Marie-Claude Pelletier, présidente du Groupe Levia et fondatrice du Réseau Global-Watch. com. « Une des plus grandes protection­s de la santé psychologi­que, c’est l’environnem­ent social. Être entouré de la famille et d’amis qui sont là pour nous. C’est notre filet de sécurité. Aujourd’hui, cependant, les gens sont isolés dans leur quotidien, explique-t-elle. Un environnem­ent de travail qui favorise les liens sociaux constitue alors un grand facteur de protection. »

Celle qui a siégé pendant cinq ans à la tête du Groupe entreprise­s en santé, un organisme basé à Montréal qui épaule les employeurs dans l’améliorati­on et le maintien des pratiques en santé et mieux-être au travail, considère qu’une communicat­ion transparen­te est un outil indispensa­ble. « Pour les gestionnai­res, il s’agit de clarifier les rôles et les responsabi­lités, de prendre le temps d’écouter quand ça ne va pas, mais aussi quand ça va. Pour l’employé, c’est d’être capable de dire non et d’évaluer ses priorités, parce que souvent, le problème, c’est qu’on a trop de travail. »

Déstigmati­ser la santé mentale

Pour la Financière Sun Life, la prévention passe par la constructi­on d’une forte culture de soutien. C’est aussi de faire tomber les tabous. « Nous voulons que les 10 000 employés partout au pays se sentent soutenus, explique Nicole Miller, directrice, Avantages sociaux et programmes mieux-être. Nous voulons les aider à atteindre une sécurité financière durable tout en menant une vie plus saine. »

La directrice pilote depuis quatre ans la restructur­ation du programme mieux-être, qui a mené à une augmentati­on de 10 500 $ des remboursem­ents de services psychologi­ques, pour un total de 12 500 $ par personne couverte – employés et membres de leur famille. « Nous n’avons pas seulement lancé de l’argent comme ça, précise-t-elle. C’était une réelle analyse de nos données qui nous a permis de comprendre les besoins de nos employés. »

Selon ces résultats, la santé mentale représente la principale cause d’invalidité, de demandes de remboursem­ent des médicament­s et des appels au programme d’aide aux employés. Cependant, paradoxale­ment, les services psychologi­ques étaient les moins utilisés. Ceux-ci étaient regroupés avec les soins paramédica­ux que les salariés priorisaie­nt, épuisant ainsi rapidement le total remboursab­le de 1 200 $. La première étape a donc été de séparer ces deux offres, en plus d’augmenter la liste des praticiens admissible­s. « C’est là qu’on a vraiment vu l’utilisatio­n des services psychologi­ques. »

S’il est encore trop tôt pour mesurer les résultats, Mme Miller observe tout de même une baisse des plaintes.

Santé financière

Pour réorienter leur programme de mieux-être, la Financière Sun Life a mesuré trois piliers de santé : mentale, physique et... financière. Car l’un influence l’autre. « Ça ne nous aide pas plus si l’on est assis à notre bureau à s’inquiéter du fait qu’on ne peut pas payer pour un service psychologi­que ou médical », dit Mme Miller.

C’est d’ailleurs le discours d’Amine Chbani, fondateur de FinEduc Performanc­e, un service-conseil et d’accompagne­ment lié au mieux-être financier des employés d’une entreprise, situé à Brossard. Il insiste sur l’importante de la prévention. « Les gens qui vont participer à notre programme ne sont pas nécessaire­ment ceux qui sont sur le bord de la faillite, explique-t-il, mais ceux qui veulent prendre de meilleures décisions financière­s. »

D’après le sondage 2017 de l’Associatio­n canadienne de la paie, 47 % des travailleu­rs vivent d’un chèque de paie à l’autre. Tout imprévu crée donc un stress financier, en plus du stress psychologi­que. « Le problème, c’est qu’avant même que ces personnes arrivent, par exemple, à une séparation de couple ou à une dépression, elles ont déjà des troubles financiers », ajoute M. Chbani.

En favorisant le mieux-être des employés, on réduit les coûts liés aux invalidité­s et on améliore la performanc­e de l’organisati­on. Toutefois, selon Mme Pelletier, ce n’est pas l’unique motivation, car les employeurs commencent à ressentir le besoin de prendre soin de l’humain dans une perspectiv­e de responsabi­lité sociale. la

« Un environnem­ent de travail qui favorise les liens sociaux constitue un grand facteur de protection. »

– Marie-Claude Pelletier, présidente du Groupe Levia et fondatrice du Réseau Global-Watch.com

 ??  ?? La santé mentale représente la principale cause d’invalidité, de demandes de remboursem­ent des médicament­s et des appels au programme d’aide aux employés.
La santé mentale représente la principale cause d’invalidité, de demandes de remboursem­ent des médicament­s et des appels au programme d’aide aux employés.

Newspapers in French

Newspapers from Canada