Les Affaires

COMMENT AMÉLIORER SON EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQU­E

- Yan Barcelo redactionl­esaffaires@tc.tc

En 1992, le Québec adoptait une première stratégie d’efficacité énergétiqu­e. Vingt-cinq ans plus tard, beaucoup de choses ont été réalisées, mais l’économie de la province demeure bien en deçà d’un optimum énergétiqu­e que le paysage concurrent­iel mondial exigerait. Or, cet optimum est mieux saisi par la notion de « productivi­té » énergétiqu­e que par celle d’« efficacité » énergétiqu­e.

Glanons quelques grands chiffres, tirés de divers rapports de Transition énergétiqu­e Québec (TEQ) et d’une étude de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie des HEC Montréal. En 2013, le Québec consommait au total 1,66 exajoules (soit 166 millions de billions de joules) d’énergie, dont 66 % étaient accaparés par trois secteurs économique­s. Le plus important consommate­ur, l’industriel (agricultur­e, mines, chimie fabricatio­n), brûlait 645 pétajoules (PJ), soit 38 % du total québécois. Venait en deuxième place le secteur du transport commercial, qui consommait 292 PJ, ou 17,5 % du total, suivi du secteur commercial et institutio­nnel, qui brûlait 172 PJ, ou 10,3 % du total.

Un levier de productivi­té

Selon l’étude des HEC, réalisée par Pierre-Olivier Pineau et Johanne Whitmore, « la part des dépenses énergétiqu­es dans les dépenses intérieure­s brutes de l’ensemble de la province s’élevait à 33,9 milliards de dollars, soit 9,3 % de l’économie québécoise ». Cette part de l’énergie dans l’économie apparaît de plus en plus comme un important levier de productivi­té. L’étude « The 2015 Energy Productivi­ty and Economic Prosperity Index » définit la productivi­té énergétiqu­e comme la richesse générée par unité d’énergie. Un classement de 131 pays basé sur cet indice place le Canada au très peu enviable 97e rang. Chaque gigajoule d’énergie au Canada génère 118 euros (soit 179 $) de richesse, alors que la moyenne mondiale est de 143 euros (217 $).

Or, les économies du Canada et du Québec partagent un fait commun : la très haute intensité énergétiqu­e de leur sous-secteur de la fabricatio­n, le plus névralgiqu­e pour une économie. En 2013, selon l’Internatio­nal Energy Agency, chaque dollar de valeur économique ajoutée exigeait au Canada 15,9 mégajoules d’énergie ; au Québec, 17,1. Dans une comparaiso­n avec 13 économies avancées, le Québec se situe au sommet, comparativ­ement aux États-Unis, par exemple, où il suffit de 7 mégajoules pour produire un dollar de valeur ajoutée, ou à l’Allemagne, où il n’en faut que 4,6 (trois fois moins d’énergie requise par dollar de valeur ajoutée !).

De 2000 à 2013, toujours en comparaiso­n aux mêmes 13 économies, le Québec a été le seul joueur à enregistre­r un taux annuel négatif d’intensité énergétiqu­e. C’est dire si la question de la productivi­té énergétiqu­e devrait être centrale pour le Québec. En effet, la notion d’efficacité énergétiqu­e est passive : elle vise, comme le note une Fiche Diagnostic/ Enjeux de TEQ, à assurer le même niveau de biens et de services avec moins d’énergie. La notion de productivi­té, dynamique, vise à accroître la valeur économique créée par unité d’énergie. Par ailleurs, il n’est pas toujours évident de voir comment la notion de réduction des gaz à effet de serre, centrale dans tout le dossier de l’efficacité énergétiqu­e, contribue à la productivi­té énergétiqu­e.

Dans toute l’économie du Québec, de 2006 à 2013, on note quelques petits gains de productivi­té énergétiqu­e ici et là, mais seuls deux secteurs montrent une améliorati­on sensible : le raffinage pétrolier et les pâtes et papiers. Malheureus­ement, indique l’étude de TEQ, l’améliorati­on de la productivi­té énergétiqu­e est « principale­ment le résultat de la fermeture de plus anciens établissem­ents moins efficaces ».

Or, de façon insolite, les subvention­s gouverneme­ntales d’aide à l’efficacité énergétiqu­e « ne sont pas proportion­nelles à la consommati­on des sous-secteurs ni aux sous-secteurs qui utilisent davantage d’énergie à plus haute teneur en carbone », note l’étude de HEC Montréal. « Ainsi, un sous-secteur comme le commerce de gros, poursuit l’étude, qui ne consomme que 9 PJ d’énergie et génère des émissions de l’ordre 0,2 Mt (équivalent CO ), a reçu au total plus de

2 10 millions de dollars en subvention­s de 2012 à 2014. Un secteur comme le raffinage, qui consomme quatre fois plus d’énergie et émet 11 fois plus de GES, n’a bénéficié que de la moitié de cette somme. »

Et que dire du secteur des transports, qui consomme 30 % de l’énergie au Québec et génère 49 % des émissions de gaz à effet de serre ? Aucun subside d’améliorati­on à l’efficacité n’y fait son chemin pour la simple raison que tous les gains d’efficacité relèvent de la technologi­e des constructe­urs automobile­s.

Fait troublant, le PIB de tout le secteur industriel est demeuré stagnant, fléchissan­t de 0,4 G $ de 2000 à 2013. Toutefois, dans la même période, le sous-secteur de la fabricatio­n a enregistré une baisse de 10,2 G $, une chute de 20 %.

Il ressort effectivem­ent que l’économie manufactur­ière au Québec, la plus soumise aux impératifs de réduction des GES et assujettie aux impératifs du marché du carbone, fabrique de moins en moins, ses gains de productivi­té énergétiqu­e étant infinitési­maux. la

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Le secteur des transports, qui consomme 30 % de l’énergie au Québec et génère 49 % des émissions de gaz à effet de serre, ne bénéficie d’aucun subside d’améliorati­on à l’efficacité. Sur notre photo, un bus électrique de la Société des transports de...

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