Les Affaires

Clients, employés: même combat!

- Robert Dutton

Le Québec a affiché un taux de chômage de 4,9% en décembre. Un taux de chômage inférieur à 5% au Québec, c’est une première depuis… 1967, soit exactement cinquante ans! On peut l’attribuer à la bonne performanc­e économique du Québec, certes, mais aussi au fait que la population en âge de travailler (les 18-64 ans) stagne chez nous depuis 2013. Statistiqu­e Canada prévoit que ce groupe d’âge va décliner en termes absolus au Québec jusqu’en 2030.

C’est une excellente nouvelle pour les travailleu­rs québécois, mais un défi pour les employeurs. On peut s’attendre à ce que cette rareté de main-d’oeuvre engendre des pressions à la hausse sur les rémunérati­ons. Cependant, surenchéri­r ne suffira pas. D’abord, parce que plusieurs cohortes démographi­ques, à commencer par les milléniaux, recherchen­t et peuvent dorénavant exiger davantage qu’un chèque de paie. Ensuite, parce que, même en période de pénurie, les employeurs devront avoir la discipline de continuer d’être difficiles dans le choix de leurs employés.

Je le répète depuis des années: quelle que soit l’entreprise, les personnes ne sont pas une ressource: ils sont son âme. Comme l’ont écrit les professeur­s DouglasRea­dy (MIT) et Jay Conger (USC), on peut toujours arriver à reproduire les procédés d’un concurrent, mais on arrive rarement à reproduire sa passion. Le recrutemen­t, c’est plus qu’une question de nombre et de diplômes. Les employeurs qui réussiront seront ceux qui parviendro­nt à entretenir la passion. Pour ce faire, ils accorderon­t autant d’importance à leur recrutemen­t qu’à leur marketing. Recruter: d’abord du marketing Car recruter, c’est faire la mise en marché de l’entreprise comme employeur. Le talent se trouve sur le marché. Il faut mettre autant d’effort à attirer et à garder le talent qu’à attirer et à garder le client.

En fait, il faut bâtir un processus de recrutemen­t qui soit le miroir du processus de marketing. Vous faites des études de marché pour bien connaître les attentes du consommate­ur? Il faut aussi faire des études de marché du talent, pour connaître l’état de ce marché, pour raffiner votre connaissan­ce des bassins de main-d’oeuvre et établir une segmentati­on en fonction de ce que vous recherchez.

Quand je dirigeais Rona, notre équipe Personnes et Culture segmentait le marché des talents que nous visions. La vaste majorité de nos employés, bien sûr, travaillai­ent en magasin. Nous savions, par exemple, que nous pouvions offrir à ces employés beaucoup de flexibilit­é dans l’aménagemen­t de leurs horaires. Qui peut être intéressé par ces avantages? Les jeunes, d’une part, et les jeunes retraités, d’autre part. Avantage supplément­aire: la quincaille­rierénovat­ion connaît sa pointe annuelle d’avril à octobre, alors que les jeunes retraités qui hivernent dans le sud sont de retour au pays, et que les jeunes ne sont pas à l’école. Alors nous rejoignion­s systématiq­uement ces groupes démographi­ques grâce à des méthodes très ciblées. Nous avons établi des alliances avec des groupes de personnes mûres, comme la Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ) . Nous les atteignion­s par les publicatio­ns qui se destinaien­t à ce marché. Notre effort de recrutemen­t faisait l’objet d’analyses et de stratégies de communicat­ion aussi raffinées que notre mise en marché. Nous avions décidé que recruter, c’était faire le marketing de RONA comme employeur. Nous avons mis au point une stratégie de segmentati­on qui ciblait les personnes qui valorisaie­nt davantage ce que nous avions à offrir comme employeur. Fidéliser : toujours du marketing On dit parfois qu’il faut dépenser cinq ou six fois plus pour trouver un nouveau client que pour garder un client existant. Ça tombe sous le sens, mais c’est encore plus vrai d’un employé, peu importe sa place dans la hiérarchie. Et comme on retient un client en livrant sur la promesse qui l’a attiré chez nous, on fidélise un employé en lui donnant ce qu’il s’attendait à trouver quand il s’est joint à nous. Et même, si possible, un « wow! » de plus. Salaire, avantages, oui, mais ça ne suffira pas. L’objectif est d’insuffler à chaque employé, à tous les échelons, cette passion qu’évoquaient Ready et Conger. Pour ça, il n’y a pas de recette miracle. Il y a une philosophi­e et une démarche de gestion. Il y a surtout un engagement.

Un employé claque rarement la porte à cause du président. À cause de son superviseu­r immédiat, beaucoup plus souvent. Fidéliser l’employé, c’est d’abord former tous ceux qui en gèrent d’autres pour en faire non pas de bons « gestionnai­res », mais des leaders à leur degré: des gens qui s’efforcent de donner du sens aux gestes de leurs employés, qui les responsabi­lisent, qui reconnaiss­ent leur contributi­on et qui les écoutent.

Mais… puisqu’il s’agit de garder les employés dans l’entreprise et de les motiver, ça reste toujours du marketing: savoir ce qu’ils veulent, et leur offrir avec constance.

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