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Vieux immeubles, nouvelle vie : comment gérer le patrimoine

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc Événement Les Affaires

Vieux immeubles, nouvelle vie: comment gérer le patrimoine

Conserver les bâtiments patrimonia­ux et publics est une tâche difficile. Non seulement les immeubles sont sous-entretenus, mais les gestionnai­res connaissen­t souvent mal les meilleures pratiques et doivent composer avec des budgets restreints. Comment s’assurer que les décideurs sont réceptifs aux besoins et aux enjeux de la conservati­on du patrimoine bâti?

L’Ordre des architecte­s du Québec (OAQ) estime que la réponse passe par l’adoption d’une politique de l’architectu­re par le gouverneme­nt provincial. En ce qui a trait à la conservati­on du patrimoine bâti, celle-ci aurait deux objectifs : la sensibilis­ation et l’accompagne­ment.

« Une telle politique sensibilis­erait le grand public et les donneurs d’ouvrages à la valeur de ce patrimoine. Elle prévoirait aussi de l’accompagne­ment pour les propriétai­res dans le but de les aider à préserver l’aspect original de leur bâtiment », dit Nathalie Dion, la présidente de l’OAQ, qui sera conférenci­ère le 13 février à l’événement Gestion d’immeubles publics, organisé par le Groupe Les Affaires. Elle mentionne en exemple l’Irlande, qui possède de l’expertise-conseil en conservati­on au sein même de son gouverneme­nt.

Il y a environ dix ans, le pays s’est doté de sa deuxième politique nationale de l’architectu­re, qui comprend une solide vision de la conservati­on, même s’il entrait à ce moment-là en récession. « D’autres pays, comme la France et le Danemark, ont une vision comparable, indique Mme Dion. J’aime bien le cas de l’Irlande parce qu’il montre qu’on peut avancer malgré des conditions économique­s difficiles. »

La clé est selon elle de mieux planifier et d’établir une liste des travaux les plus urgents. Un plan permet notamment aux décideurs de réaliser que de repousser toujours l’entretien peut coûter plus cher, à long terme, que de laisser les bâtiments vieillir — même si ça sauve de l’argent à court terme. C’est aussi une bonne façon de favoriser de meilleurs investisse­ments : si la toiture ou les fenêtres choisies sont de piètre qualité, le gestionnai­re de l’immeuble sera forcé de les changer ou de les entretenir plus rapidement.

« On comprend que les ressources financière­s du gouverneme­nt sont limitées, dit Mme Dion. C’est justement un problème qu’une bonne planificat­ion aide à résoudre. »

Des outils et du soutien

Christina Cameron, professeur­e à l’École d’architectu­re de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine bâti, estime qu’il existe déjà beaucoup de ressources à la dispositio­n des décideurs. Le problème est qu’ils n’ont pas toujours le réflexe de les consulter ou de faire appel aux gens dotés des bonnes expertises.

« Quand il y a des rénovation­s à faire, les gestionnai­res n’engagent pas toujours des architecte­s spécialisé­s en conservati­on, mais font parfois affaire avec des entreprene­urs qui ignorent les normes et les principes de conservati­on », dit-elle.

Il existe toutefois, selon elle, d’excellents outils pour soutenir les décideurs dans leurs tâches. Le document Normes et lignes directrice­s pour la conservati­on des lieux patrimo- niaux au Canada, un manuel de conservati­on à portée pancanadie­nne, est un exemple. Le Répertoire canadien des lieux patrimonia­ux, qui recense les lieux patrimonia­ux reconnus pour leur valeur patrimonia­le par les administra­tions municipale, provincial­e, territoria­le et fédérale du pays, en est un autre.

Ces outils permettent notamment de mieux connaître les pratiques recommandé­es et non recommandé­es en matière de conservati­on. On n’y retrouve donc pas des techniques de constructi­on, mais bien des normes et des principes généraux. Ceux-ci indiquent, par exemple, qu’il est préférable de réparer plutôt que de remplacer les éléments caractéris­tiques du lieu, ou de faire des ajouts de telle sorte que les nouveaux éléments sont compatible­s physiqueme­nt et visuelleme­nt avec le lieu patrimonia­l, qu’ils en sont subordonné­s et qu’ils s’en distinguen­t.

Le Centre canadien d’architectu­re est un exemple de constructi­on qui respecte ce dernier principe. Phyllis Lambert, celle qui l’a fondé en 1979, voulait que le musée soit bâti autour d’un bâtiment historique, la maison Shaughness­y. Selon Christina Cameron, c’est réussi. « Même si le musée est un bâtiment moderne, on y voit les échos de l’ancien bâtiment, explique-t-elle. Le nouveau musée laisse l’espace à la maison Shaughness­y. »

Mme Cameron ajoute que les gestionnai­res qui ont besoin de soutien peuvent également faire appel à Héritage Montréal, un organisme qui donne entre autres des cours et des conseils dans le domaine de la conservati­on du patrimoine. La Fiducie nationale du Canada a également un programme dans le cadre duquel elle offre de l’expertise et de l’accompagne­ment pour des projets de régénérati­on du patrimoine. Certaines firmes privées, comme le cabinet d’architectu­re montréalai­se EVOQ, se spécialise­nt pour leur part en conservati­on. « Pour ceux qui veulent conserver le patrimoine, tout est là, même si les ressources auraient parfois avantage à être mieux connues. »

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