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Personnali­té internatio­nale

– Jack Amend,

- Chronique Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r | diane_berard

Jack Amend, cofondateu­r, Web Neutral Project

Personnali­té internatio­nale —

DIANE BÉRARD – Les données, les photos et les vidéos téléchargé­es au travail et à la maison consomment 7 % de l’électricit­é mondiale. Comment votre entreprise réduitelle cette empreinte? J.A.

– Web Neutral Project s’attaque à l’empreinte carbone des sites web. Nous allégeons les sites en comprimant les données et les vidéos et en supprimant les applicatio­ns inutiles. Plus un site est lourd, plus le trafic y est énergivore. En allégeant votre site nous en améliorons aussi la performanc­e, donc l’expérience des utilisateu­rs. Nous transféron­s aussi l’hébergemen­t du site et des applicatio­ns mobiles vers nos serveurs alimentés à l’énergie solaire. Les serveurs sont responsabl­es de 20 % de l’empreinte carbone mondiale du secteur de TI, or moins de 10 % d’entre eux sont alimentés par une source d’énergie renouvelab­le.

D.B. – De quelle façon la réduction est-elle ventilée? J.A.

– Comprimer les données et les vidéos permet une réduction de 30% à 40 % des émissions de GES. Transférer le trafic vers des serveurs alimentés à l’énergie solaire soustrait 20 % à 30 %. Il reste de 20 % à 30 %, que nous éliminons en achetant des crédits carbone ou en investissa­nt dans des projets qui compensent les émissions de GES résiduelle­s.

D.B. – Comment évaluez-vous l’empreinte carbone d’un site web? J.A.

– Nous employons Google Analytics pour connaître la taille de votre site, le nombre de pages vues par mois et les appareils utilisés par vos internaute­s. Nous nous appuyons ensuite sur des recherches universita­ires sur l’intensité énergétiqu­e du transfert de données pour estimer vos émissions de GES mensuelles.

D.B. – Vous avez créé la certificat­ion carboneutr­e EcoWeb, que les entreprise­s peuvent afficher sur leur site. D’où l’idée vient-elle? J.A.

– Tout a débuté avec mon entreprise précédente, Lab300, une agence de design et de marketing numérique. En plus de ces services, nous offrions à nos clients la possibilit­é d’héberger leur site sur nos serveurs alimentés à l’énergie solaire. Certaines organisati­ons nous ont demandé « comment pourrions-nous promouvoir notre geste auprès de nos clients? Nous aimerions bien que ça se sache. » C’est ainsi que l’idée a germé d’une certificat­ion carboneutr­e.

D.B. – Sur quoi cette certificat­ion repose-t-elle? J.A.

– Nous sommes associés à des experts des pratiques numériques durables ( digital sustainabi­lity) tels que Gary Cook, analyste senior des TI chez Greenpeace. Son rapport « Clicking Clean; Who is winning the race to build a green internet? » nous a beaucoup inspiré. Ce document évalue la performanc­e environnem­entale des TI de différente­s organisati­ons. La version 2017 nous apprend, entre autres, que parmi les moteurs de recherche, Google obtient un A et la chinoise Baidu s’en tire avec un F, pour son alimentati­on au charbon. Du côté des médias sociaux, Facebook récolte un A alors que Pinterest s’en tire avec un F, par manque de transparen­ce et d’engagement quant à l’empreinte carbone de ses TI. Nous avons mis un an et demi à établir la méthodolog­ie et les mesures pour notre certificat­ion EcoWeb.

D.B. – À quoi ressemble votre tarificati­on pour cette certificat­ion? J.A.

– Notre tarificati­on repose sur le nombre de pages vues. Jusqu’à 10000 pages par mois, notre service coûte 10 $ US par mois ou 110 $ US par année; jusqu’à 20000 pages, le coût mensuel grimpe à 20 $ US ou 220 $ US par année, et s’il atteint jusqu’à 50000 pages, vous déboursere­z 40 $ US ou 440 $ US par année. Notre service comprend la pastille à afficher sur votre site ainsi qu’une page personnali­sée, accessible à tous les internaute­s, qui détaille vos activités et vos efforts de réduction de GES. Les prix pour la certificat­ion SolarWeb, soit l’hébergemen­t sur nos serveurs alimentés à l’énergie solaire, sont semblables.

D.B. – Depuis le lancement de votre service en mai 2017, quel a été votre impact? J.A.

– Nous avons certifié 150 organisati­ons, ce qui nous a permis d’éliminer 621 000 livres de Co .

2 Selon l’agence américaine de protection de l’environnem­ent, c’est l’équivalent du Co produit par un

2 véhicule ayant parcouru 1,8 million de kilomètres ou la consommati­on de 34 432 gallons d’essence.

D.B. – Combien faut-il de temps pour certifier une organisati­on? J.A.

– Pour une organisati­on de taille moyenne, nous y consacrons entre 10et 12heures. Pour une entreprise de la taille d’Unilever, il faut une semaine.

D.B. – Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser aux pratiques numériques durables? J.A.

– C’est une combinaiso­n de préoccupat­ions sociales et de nécessité économique. J’ai étudié en science politique et en relations internatio­nales. J’ai appris à programmer par moi-même, ce qui m’a permis de créer des sites web pour financer mes études. C’est la nécessité économique. Une fois diplômé, j’avais le choix entre une carrière en droit ou l’univers politique. Aucun ne m’inspirait. J’ai donc poursuivi mes activités de design web avec un penchant pour les mandats liés à la responsabi­lité sociale et l’impact positif. En travaillan­t avec des organisati­ons ayant ces préoccupat­ions, je me suis intéressé à toutes les formes d’impact, dont l’impact environnem­ental. C’est ainsi que j’ai exploré les pratiques numériques durables.

D.B. – Quel est le principal défi d’une entreprise comme la vôtre? J.A.

– Nous devons rendre notre mission « comestible » pour un public à qui on parle déjà beaucoup d’environnem­ent. En visant l’impact des TI, on rajoute une couche à toutes les sources de pollution déjà évoquées. Nous voulons éviter d’être moralisate­urs. Culpabilis­er les organisati­ons et les citoyens m’apparaît moins efficace que leur démontrer qu’ils peuvent contribuer à la solution.

D.B. – En 2017, vous avez été boursier de la fondation Echoing Green. Un honneur décerné, entre autres, à Michelle Obama en 1993. De quoi s’agit-il? J.A.

– Depuis trente ans, la fondation Echoing Green a décerné des bourses à plus de 700 agents de changement à l’échelle internatio­nale. J’ai remporté les honneurs 2017 dans la catégorie Climat. Il y a eu 3000 demandes et 30 boursiers.

D.B. – Quelle sera la prochaine étape pour Web Neutral Project? J.A.

– Nous souhaitons que la certificat­ion EcoWeb devienne un standard reconnu, comme Energy Star. Nous visons son inclusion dans les normes climatique­s de l’Union européenne, par exemple.

D.B. – Les transactio­ns en cryptomonn­aies sont très énergivore­s. Avez-vous des clients dans ce secteur? J.A.

– Pour l’instant, nous n’en avons aucun. Mais il nous apparaît incontourn­able que ce secteur se convertiss­e à l’énergie renouvelab­le.

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