Contrat social
Le transport routier vous a coûté 5 271$ en 2015. Que vous ayez une auto ou pas, que vous conduisiez ou non, c’est une moyenne. De plus, il y a fort à parier que la facture sera encore plus salée cette année. Les coûts liés au transport par automobile au Québec ont augmenté de 33% de 1995 à 2015 (en dollars constants). La population, elle, de 15% seulement.
Cette hausse est pour la première fois documentée dans le détail grâce à la publication, la semaine dernière, d’un rapport de la Fondation David Suzuki et de Trajectoire Québec. J’ai accepté d’animer le lancement de cette étude, le 30 janvier, parce qu’elle constitue à mon sens un outil essentiel pour éclairer les dirigeants sur les choix à venir en matière de transport. Pour qu’on commence à investir dans les solutions plutôt que dans le problème, pour reprendre les mots de Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal, en préface du rapport.
C’est un enjeu de société et, par conséquent, un enjeu économique. Les signataires de l’étude soulignent que celle-ci arrive dans un climat favorable: le gouvernement du Québec prévoit déposer une politique de mobilité durable en avril, les entreprises dénoncent les pertes de productivité causées par les retards des employés ou des marchandises qui sont « pris dans le trafic », et la population en général est excédée d’être l’otage de la circulation.
« L’arrivée de la Caisse [de dépôt et placement] dans le secteur du transport, avec le REM, a aussi opéré un changement, a souligné Karel Mayrand, directeur pour le Québec de la Fondation David Suzuki. Avant, on parlait du transport en commun comme du transport des communs. Maintenant, on trouve ça beau, un tramway, le transport collectif est perçu comme l’avenir. » La Caisse contribue à transformer l’économie du Québec, il est vrai, et c’est d’ailleurs le sujet de notre manchette dans ce numéro.
M. Mayrand estime que l’escalade des coûts impose un nouveau contrat social : cesser de promettre un réseau routier gratuit et accessible, mais plutôt des moyens de se rendre d’un point A à un point B en un certain temps. Une promesse séduisante, mais irréalisable avec le réseau actuel du transport collectif. Pour la tenir, il faudra vraisemblablement que des entreprises saisissent l’occasion d’affaires.
Anecdote: le 1er février, j’ai pris l’autobus pour me rendre au travail. À un kilomètre de ma destination, la porte arrière refuse obstinément de rester fermée. Comme beaucoup d’autres passagers, je décide de continuer à pied. Tout en marchant, j’entends la conversation d’une jeune femme derrière moi. « Depuis que je prends ma voiture pour venir travailler, ça me prend 30-45 minutes plutôt que 2h. J’ai tellement de temps en rentrant chez moi, je me peux plus! » Le nouveau contrat social, ce n’est pas gagné.
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