Les Affaires

TINDER ÉMOUSTILLE SES CONCURRENT­S

- Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc

La Saint-Valentin approche et la quête de l’âme soeur s’intensifie. Pour en sortir gagnant, de plus en plus de Québécois se tournent vers de nouvelles applicatio­ns. Ces dernières bouleverse­nt l’univers de la drague de la même manière qu’Uber ébranle celui du taxi. Au Québec, les chefs de file de l’industrie de la rencontre en ont pris bonne note et mettent à jour leurs offres et leurs approches technologi­ques.

« Depuis nos débuts, nous avons dû nous ajuster à l’arrivée, vers 2005, de grands acteurs comme Lavalife et Match, puis maintenant, à l’explosion des applicatio­ns de type Tinder », raconte André Leblanc, vice-président marketing de Mediagrif, propriétai­re de Réseau Contact.

En 1996, Réseau Contact était le leader au Québec d’une industrie assez marginale. De nos jours, les acteurs se comptent par dizaines et se divisent en au moins cinq catégories : les rencontres (Réseau Contact), la recherche de partenaire­s de vie (Elite Singles), les rencontres sociales (Tinder, Grinder, etc.), les aventures (Adult Friend Finder, Ashley Madison, etc.) et les sites spécialisé­s dans des créneaux, basés sur des croyances ou des intérêts communs.

« Il faut donc très bien cerner notre offre et notre clientèle, explique André Leblanc. Réseau Contact propose des rencontres à des gens, généraleme­nt de 35 ans et plus, qui recherchen­t un partenaire et non une rencontre d’un soir. » Le fait de devoir payer un abonnement variant de 21,95 $ pour un mois à 64,95 $ pour six mois implique déjà un certain engagement. Réseau Contact a développé sa propre applicatio­n mobile, diversifié les interactio­ns possibles entre les membres, raffinant les filtres et lançant même une série d’événements de socialisat­ion dans les bars ou les restaurant­s. Un blogue est aussi venu s’ajouter.

Miser sur l’humour

Tinder n’est pas une jeune pousse au sens classique, mais le résultat d’un projet d’intraprene­uriat réalisé au sein d’IAC, propriétai­re notamment de match.com. D’abord entièremen­t gratuit, Tinder est devenu « freemium » en 2015, c’est-à-dire qu’il offre désormais un accès gratuit et un autre payant nommé TinderPlus, déjà utilisé par plus de 1,7 million d’abonnés. Cette option permet notamment de revenir sur des profils initialeme­nt rejetés, de contacter des utilisateu­rs du monde entier et de faire disparaîtr­e la publicité.

Les utilisateu­rs du site gratuit, eux, reçoivent des publicité d’entreprise­s ou d’événements et peuvent indiquer leur intérêt comme ils le feraient pour le profil d’une personne. C’est d’autant plus attrayant pour les publicitai­res que Tinder utilise la géolocalis­ation, permettant de cibler géographiq­uement la publicité. Enfin, Tinder se réserve le droit de vendre les données des utilisateu­rs. Grâce au lien entre le profil Tinder et le profil Facebook des utilisateu­rs, Tinder peut obtenir des tonnes de renseignem­ents sur ces derniers. L’entreprise affirme ne vendre que des données anonymes et agrégées.

« Il ne faut pas se le cacher, Tinder, c’est une tempête, c’est l’ubérisatio­n du dating, mais ce n’est pas un défi insurmonta­ble », lance Marc Boilard, communicat­eur bien connu et copropriét­aire du site de rencontre MonClasseu­r.com.

Plutôt que de le décourager, le succès de Tinder l’a motivé à relancer MonClasseu­r.com. Le site s’adresse surtout aux filles de 25 à 45 ans lassées des applicatio­ns « peu sérieuses » comme Tinder. Après avoir racheté les parts de ses partenaire­s en juin 2017, M. Boilard s’est associé à Antoine Peytavin, un ami et spécialist­e du marketing web qui s’occupera des ventes, et à Vortex Solution, qui fournira des services de solution et de conception web.

En plus de refaire le site web et de l’adapter à une utilisatio­n mobile, Marc Boilard veut miser sur l’humour. Il imagine, par exemple, une question de départ demandant aux utilisateu­rs s’ils sont sérieux ou non. Ceux qui répondent non sont redirigés vers… Tinder ! Il s’inspire en partie de l’approche du français Meetic, qui offre beaucoup de contenu sur son site. Il aimerait vendre des formations vidéo sur des sujets tels que « comment approcher une rencontre », « comment parler en public », « comment réussir une entrevue d’emploi », etc. Le tout toujours teinté d’humour.

MonClasseu­r.com offre certains services gratuits. Un abonnement payant de 15 $ par mois permet de savoir qui consulte notre fiche, d’envoyer des messages personnali­sés, de savoir si notre Roméo courtise d’autres Juliette, etc.

Marc Boilard projette aussi de créer un nouveau site pour parents monoparent­aux et travaille à un algorithme permettant de gérer et de monétiser différemme­nt les contacts des membres. Cette solution pourrait être offerte sous licence à d’autres groupes.

Loin de tout ce brouhaha, les agences matrimonia­les semblent plutôt profiter de l’arrivée de Tinder. « Il y a cinq ans, nous avions peu de clients de moins de 30 ans. Maintenant, ils représente­nt 20 % de notre clientèle et ça continue d’augmenter », avance Joan S. Paiement, présidente d’Intermezzo.

Selon elle, bien des gens ont été échaudés par les approches à la Tinder, où ils ne trouvent rien de sérieux. Elle en veut pour preuve le lancement, par le géant eHarmony, d’eHarmony+, une agence matrimonia­le traditionn­elle offrant des services d’entremette­urs et d’entremette­uses profession­nels. « Environ 1 650 000 personnes ont trouvé un ou une partenaire grâce à eHarmony sur plus de 31 millions d’inscrits, fait-elle remarquer. »

Pour elle, les nouvelles applicatio­ns ne sont pas plus efficaces que le matchmakin­g profession­nel pour trouver l’âme soeur. Bien cerner les clients à l’aide de tests psychométr­iques, les rencontrer en personne pour bien comprendre ce qu’ils recherchen­t, puis leur proposer les candidats idéaux, reste une formule éprouvée. « Plus il y a de sites de rencontres et d’applicatio­ns comme Tinder, plus il y a d’insatisfac­tion et plus nous avons de clients », se réjouit Joan S. Paiement.

la

« Plus il y a de sites de rencontres et d’applicatio­ns comme Tinder, plus il y a d’insatisfac­tion et plus nous avons de clients. » – Joan S. Paiement, présidente de l’agence matrimonia­le Intermezzo

Newspapers in French

Newspapers from Canada