Les Affaires

Macroécono­mie

- Mathieu D’Anjou redactionl­esaffaires@tc.tc

Le pétrole retournera-t-il à 100 $ US le baril ?

Comme les places boursières, les prix des matières premières profitent actuelleme­nt de l’améliorati­on des perspectiv­es économique­s mondiales et de l’enthousias­me des investisse­urs. Les prix du pétrole Brent et du West Texas Intermedia­te (WTI) ont ainsi respective­ment bondi à plus de 70$ US et de 65$ US le baril, des niveaux qui n’avaient pas été observés depuis 2014. Au rythme où vont les choses, on peut se demander s’il faut se préparer à revoir bientôt un pétrole à 100$ US le baril et à une hausse spectacula­ire des prix de l’essence.

En plus de l’accélérati­on de l’économie mondiale qui soutient la demande de pétrole, la remontée récente des prix s’est appuyée sur d’autres facteurs, dont une augmentati­on des tensions au Moyen-Orient et un recul du dollar américain. Le changement le plus fondamenta­l depuis la fin de 2016 est cependant la discipline des pays de l’Organisati­on des pays exportateu­rs de pétrole (OPEP) et d’autres importants producteur­s, dont la Russie. En limitant l’offre de pétrole, ces pays ont réussi à faire complèteme­nt disparaîtr­e l’important surplus sur le marché mondial du pétrole et même à ramener un léger déficit pour l’ensemble de l’année 2017. Les stocks mondiaux de produits pétroliers ont ainsi reculé l’an dernier pour la première fois depuis 2013.

À première vue, on pourrait penser que l’OPEP et ses alliés ont gagné leur pari et qu’ils pourront bientôt recommence­r à augmenter leur production tout en profitant de prix plus élevés. La réalité est toutefois plus complexe puisque les grands gagnants de la situation actuelle semblent plutôt être les producteur­s américains de pétrole. Ces derniers ont recommencé à investir massivemen­t au cours des derniers trimestres et la production américaine de pétrole connaît une progressio­n spectacu- laire qui devrait l’amener bientôt à un nouveau sommet historique. Elle a ainsi déjà rattrapé celle de l’Arabie Saoudite et pourrait s’approcher de celle de la Russie, le premier producteur mondial, d’ici la fin de 2018.

Pas de risque de pénurie à court terme

Les dernières prévisions de l’Agence internatio­nale de l’énergie (AIE) laissent ainsi entrevoir une poussée de 1,5 million de barils par jour (mbj) de la production pétrolière en Amérique en 2018, qui dépasserai­t à elle seule la progressio­n attendue de 1,3 mbj de la demande mondiale. Loin de s’amplifier, le déficit de 2017 devrait ainsi faire place à un marché du pétrole équilibré en 2018. Dans ce contexte, un relâchemen­t des efforts de l’OPEP et de la Russie ou une poussée supplément­aire des cours pétroliers, qui risquerait de freiner la progressio­n de la demande mondiale, ouvrirait la porte à une nouvelle période de surplus et à une rechute des cours pétroliers.

À notre avis, les efforts de plusieurs pays producteur­s et les perspectiv­es économique­s favorables justifient le retour des prix du pétrole WTI aux environs de 60$ US le baril. L’absence de risque de pénurie pour les prochains trimestres, surtout dans un contexte où les capacités non utilisées de l’OPEP représente­nt une marge de sécurité importante, permet toutefois de conclure qu’une poussée au-dessus de ce niveau n’est pas justifiée par des facteurs fondamenta­ux.

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EXPERT INVITÉMath­ieu D’Anjou, CFA, est économiste principal aux Études économique­s du Mouvement Desjardins.

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