Les Affaires

Peut-il cesser de travailler à temps partiel ?

- Stéphane Rolland stephane.rolland@tc.tc

Clinique retraite — Bien des retraités travaillen­t à temps partiel afin d’épuiser moins rapidement leur épargne. Un lecteur, qui a quitté sa première occupation profession­nelle, se demande à partir de quand il pourra dire: « Bye bye, patron! », une bonne fois pour toutes.

Célibatair­e sans enfant, l’épargnant de 57 ans a accumulé un avoir financier de plus de 800000$. Pour financer une partie de son train de vie, il travaille une trentaine d’heures dans un commerce de détail à un salaire horaire de 13,40$. Il se demande s’il a le capital nécessaire pour arrêter complèteme­nt de travailler. Il estime son coût de vie à 28000$ après impôt et paiement de l’hypothèque.

Du côté de l’épargne, il détient 367000$ dans une société de gestion. Son REER a une valeur de 134000$. Celle de son CELI est de 61500$. Il possède également un portefeuil­le non enregistré de 258000$.

Notre semi-retraité traîne toujours un endettemen­t hypothécai­re. Il lui reste un passif de 98700$ sur une maison dont la valeur est estimée à 130000$. D’importants travaux ont été effectués sur la propriété dernièreme­nt et il n’anticipe pas de dépenses importante­s dans les prochaines années.

La réponse

Notre lecteur peut arrêter de travailler dès maintenant, répond Sylvain Chartier, planificat­eur financier et fiscaliste chez Banque Nationale Gestion Privée 1859. Il a suffisamme­nt d’argent pour financer son coût de vie et a même de la marge de manoeuvre pour accroître ses dépenses.

En maintenant son coût de vie actuel (en dollars d’aujourd’hui), l’épargnant décéderait en fait avec plus d’argent qu’il n’en a aujourd’hui. Autrement dit, les revenus de placement seront supérieurs à ses dépenses de 28000$, après impôt et hypothèque. Pour arriver à cette conclusion, M. Chartier utilise une hypothèse de rendement de 4,8% et un taux d’inflation de 2%.

L’épargne déjà accumulée procure une grande marge de manoeuvre pour les imprévus. En montant le coût de vie à 39000$ (toujours après impôt et hypothèque), l’épuisement du capital aurait lieu en 2052. Cette année-là, notre futur retraité a une probabilit­é de survie de 20%, selon les normes de l’Institut québécois de planificat­ion financière (IQPF). Le but n’est pas d’avoir vidé les coffres à cette date, mais l’exemple illustre la marge de manoeuvre dont dispose le particulie­r.

Pour les placements passifs détenus à l’intérieur d’une société, M. Chartier pense que la réforme Morneau ne représente pas un risque financier. « Probableme­nt pas, répond-il. Les dispositio­ns devraient s’appliquer aux sommes accumulées dans le futur. L’argent est déjà là, il ne devrait pas avoir de conséquenc­e. »

Dans son scénario, le planificat­eur financier amortit le décaisseme­nt de la société sur une période de quinze ans afin de ne pas entraîner un taux d’imposition marginal trop élevé. Pour les autres comptes, M. Chartier préconise généraleme­nt de décaisser d’abord les comptes non enregistré­s, puis les REER (un décaisse- ment minimal est obligatoir­e à partir de 71 ans) et finalement le CELI.

Peu d’optimisati­on accessible

Le scénario demeure simple. M. Chartier a envisagé différente­s avenues d’optimisati­ons, mais la situation ne faisait pas en sorte qu’elles étaient attrayante­s dans ce cas-ci.

Il a évalué la possibilit­é de décaisser d’un coup la société de gestion. Cette mesure a pour but de cesser de payer les frais administra­tifs liés à cette structure. Cependant, la dispositio­n entraînera un revenu annuel plus élevé et, par ricochet, un taux marginal d’imposition plus élevé. « Généraleme­nt, on suggère de le faire lorsque les frais administra­tifs excèdent 35% des revenus de placement, ce qui n’est pas le cas cette fois-ci. »

En principe, le planificat­eur préfère que les retraités remboursen­t le plus rapidement possible leurs dettes. En fait, plus un investisse­ur avance en âge, plus il devrait réduire son risque en augmentant la portion de son portefeuil­le investi en obligation­s. Le potentiel de rendement moins élevé des titres à revenu fixe fait en sorte qu’il devient moins payant d’investir et de retarder le remboursem­ent de la dette. « Comme notre investisse­ur a investi 80% de son portefeuil­le dans les actions, il y a moins d’urgence à rembourser rapidement », précise M. Chartier.

Rappelons que les intérêts sur une hypothèque sont non déductible­s. On peut parfois y parvenir par une pirouette où l’on rembourse sa marge hypothécai­re et on s’endette ensuite pour financer ses placements dans un compte non enregistré. Les intérêts sur l’emprunt seront alors déductible­s d’impôt. Cette stratégie n’est toutefois pas envisageab­le en raison de la taille de l’hypothèque. « Avec une hypothèque complète, les institutio­ns financière­s sont peu enclines à aller de l’avant avec une telle propositio­n », commente-t-il.

Finalement, avec une pondératio­n de 80% en actions dans ses portefeuil­les, le profil d’investisse­ur est très risqué pour un retraité. « Le plan fonctionne­rait toujours même avec un profil de risque plus prudent, car on a un bon coussin, assure M. Chartier. S’il s’aperçoit que sa tolérance au risque est moins grande, le conseil de payer plus rapidement sa dette pourrait prendre plus de poids. »

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