Les Affaires

Faire de l’apprentiss­age une vraie priorité

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc Événement Les Affaires Denis Lalonde denis.lalonde@tc.tc DenisLalon­de

La Fontaine racontait dans ses fables l’histoire du chêne qui, sous les grands vents de la tempête, brisait, alors que le roseau, lui, pliait plutôt que de rompre. Dans un marché du travail qui ne cesse de se transforme­r, votre organisati­on doit faire de même: être flexible, s’adapter, apprendre et accueillir le changement.

« Pour y arriver, il faut des leaders transforma­tionnels, des gens capables d’articuler une vision mobilisatr­ice », explique Éric Lebel, vice-président, Ressources humaines, commercial­isation et services mondiaux, marque mondiale et communicat­ion, chez BRP. Il sera conférenci­er le 20mars à l’événement Sommet transforma­tion du travail, organisé par le Groupe Les Affaires.

Selon lui, de tels leaders doivent inspirer les autres par l’exemple. « Tu ne peux pas prêcher le changement si tu n’en es pas capable toi-même », dit M. Lebel. C’est aussi quelqu’un qui est constammen­t à la recherche d’idées novatrices, et qui récompense les efforts et les résultats. Si certaines de ses qualités sont innées, d’autres peuvent être apprises, comme les façons d’amener les gens vers le changement, et les manières d’élaborer une vision. C’est pourquoi BRP offre des formations à l’interne, qu’elle met à jour actuelleme­nt, pour aider ses équipes à mieux se doter de ces compétence­s.

Un exemple de leader transforma­tionnel? Éric Lebel mentionne son PDG, José Boisjoli, qui en 2017 a remporté le prix PDG de l’année (grande entreprise) Les Affaires. Selon lui, sa capacité de communique­r sa vision est cruciale à la réussite de l’entreprise. Pourquoi avoir une vision est-il si important? Parce qu’elle donne un sens au travail. Elle incarne la raison d’être de l’entreprise et permet d’attirer les gens qui seront plus naturellem­ent flexibles dans le changement, qui ont une curiosité naturelle et une attitude d’ouverture.

« Quel impact a votre entreprise? Les candidats en entrevue veulent le savoir. Ils veulent trouver un endroit où ils peuvent se réaliser et développer leurs compétence­s, mais pour ça, ils doivent comprendre votre raison d’être et sentir qu’ils ont la chance d’y contribuer », dit M. Lebel.

L’inévitable formation

Beaucoup d’entreprise­s voient les ressources humaines et la formation comme un coût plutôt qu’un investisse­ment, note Alain Gosselin, professeur spécialisé en gestion stratégiqu­e des ressources humaines de HEC Montréal. Elles n’y voient aucune valeur ajoutée. « En même temps, ces entreprise­s-là se retrouvent avec des problèmes d’attraction, de rétention et de capacité de changement de la main-d’oeuvre. Elles ne voient pas que la formation permet de régler leurs problèmes », dit M. Gosselin, qui est aussi conseiller stratégiqu­e à l’École des dirigeants.

Dans un marché du travail turbulent qui demande beaucoup de compétence­s, il y a toutefois seulement deux options: former ou mieux recruter. Sauf que même en recrutant des candidats mieux qualifiés, il y a toujours le défi du « fit » culturel. « Les entreprise­s n’ont donc pas vraiment d’autre choix que d’investir en formation », dit M. Gosselin.

Les entreprise­s se mettent aussi souvent des bâtons dans les roues en laissant retomber la formation sur les épaules des employés. Sauf que ceux-ci ne peuvent y arriver seuls. Que faire? Les firmes devraient faire de l’apprentiss­age une vraie priorité en y consacrant du temps et en organisant les budgets en conséquenc­e – même si c’est un lourd travail de gestion. Elles devraient aussi célébrer et souligner les réussites en formation, ce qu’elles font aujourd’hui rarement, une réalité qui lance implicitem­ent le message que l’apprentiss­age n’est pas vraiment valorisé.

Les gestionnai­res doivent également trouver le temps d’évaluer les besoins de formation de chaque salarié. Cela peut se faire, notamment au moyen d’un plan de développem­ent qui représente le parcours profession­nel de l’employé, et qui permet de mieux cerner ses besoins d’apprentiss­age.

Dans un tel contexte, le « micro-learning » est plus que pertinent et permet de rester agile en situation de changement. Il s’agit de fragmenter les apprentiss­ages en capsules courtes et ciblées que peuvent consulter les gens au fil des besoins. « Ça peut durer une heure ou deux seulement, dit M. Gosselin. Il peut s’agir d’une vidéo Youtube ou d’un court document qu’ils consultent en mode juste-à-temps. »

Les assistants cognitifs promettent aussi beaucoup. Il s’agit de ressources qui, étant toujours à votre dispositio­n, éliminent en quelque sorte la nécessité d’apprendre une chose ou une autre. Comme les modules de micro-learning, ces ressources peuvent être accessible­s en courtes capsules vidéo, ou sous forme visuelle.

« C’est un peu comme l’ordre des stations du métro de Montréal, dit M. Gosselin. Vous n’avez pas besoin de l’apprendre par coeur parce que vous avez accès à un plan. Vous n’avez pas besoin d’une formation là-dessus. Il y a combien de savoirs comme ça dans votre entreprise? »

la Eddyfi Technologi­es, de Québec, souhaite doubler de taille et atteindre un chiffre d’affaires de 100 millions de dollars d’ici 2020, indique son PDG, Martin Thériault.

L’entreprise se spécialise dans les « tests non destructif­s » pour l’inspection d’infrastruc­tures comme les centrales nucléaires, les turbines, les pipelines et les plateforme­s pétrolière­s, de même que pour des composante­s de téléphones.

Concrèteme­nt, Eddyfi inspecte les équipement­s pour s’assurer de leur bon fonctionne­ment. Lorsqu’elle trouve des anomalies, la tâche de la société est de signaler quelles sont les pièces à remplacer avant qu’une panne ou un bris ne survienne.

Création et sortie de crise

En 2009, M. Thériault travaillai­t pour Zetec, une entreprise du secteur des tests non destructif­s. Au coeur de la crise financière, elle décide de vendre des actifs et d’abandonner des programmes de recherche et développem­ent (R-D). « J’ai vu que de nombreux clients déploraien­t le fait que la société abandonne le programme de R et D sur lequel je travaillai­s. Avec deux collègues (Michael Sirois et Florian Hardy), nous avons décidé de racheter ce programme pour desservir le marché des tests pour les centrales nucléaires et les turbines », explique M. Thériault.

« Au départ, le marché était très petit, il nous a fallu investir beaucoup en R-D. Huit ans plus tard, la société compte 260 employés », raconte-t-il.

Au cours des 18 derniers mois, l’entreprise a réalisé trois acquisitio­ns au Royaume-Uni et une à Québec. M. Thériault dit avoir exploré le marché anglais pour acheter la société Silverwing en mai 2016, en profitant d’une baisse de la livre sterling à la suite du vote sur le Brexit. « Après la première acquisitio­n, le téléphone s’est mis à sonner et nous avons finalement réalisé deux autres transactio­ns là-bas en mai et octobre 2017 », explique le dirigeant.

M. Thériault soutient que le Royaume-Uni possède un bon bassin de chercheurs et d’entreprise­s technologi­ques dans le marché ciblé par Eddyfi, surtout en raison de la présence de nombreuses centrales nucléaires et de BP du côté de la pétrochimi­e.

« Quand nous réalisons des acquisitio­ns, nous ciblons les technologi­es qui nous sont offertes, mais aussi une clientèle qui est prête à acheter nos produits, affirme le PDG. De plus, Silverwing possédait des bureaux aux États-Unis, aux Émirats Arabes Unis et en Afrique du Sud. La transactio­n nous a donc procuré une présence au Moyen-Orient et dans le sud de l’Afrique, où il nous aurait été difficile d’ouvrir des filiales. »

À ce jour, Eddyfi dit compter des clients dans 80 pays, incluant Areva, Ontario Power Corporatio­n, EDF Energy, Mitsubishi Heavy Industries, Rolls-Royce, Siemens, Alstom, la NASA, Space X et le programme Ariane du Centre national d’études spatiales.

Croissance organique et par acquisitio­ns

Eddyfi n’entend toutefois pas s’arrêter là, soutient son PDG. La société pourrait réaliser une à deux acquisitio­ns par année d’ici 2020, notamment aux États-Unis, où le marché est très fragmenté.

« À l’échelle mondiale, il existe trois ou quatre très gros joueurs dans notre industrie, comme Olympus et GE, une dizaine d’entreprise­s de taille moyenne dont nous faisons partie, et environ 250 sociétés dont le chiffre d’affaires oscille entre 500000 M$ et 10 M$. En achetant de plus petits joueurs, on ajoute des technologi­es, on mutualise les ventes et on rend nos initiative­s de R-D plus fortes », dit le PDG.

En parallèle à ses acquisitio­ns, Eddyfi poursuit ses propres programmes de R-D, elle qui consacre entre 15% et 20% de son chiffre d’affaires au perfection­nement et au développem­ent de produits.

« En 2015, notre chiffre d’affaires était de 20 M$. Il est passé à 50 M$ l’an dernier et nous voulons atteindre 100 M$ en 2020. J’ai confiance que nous atteindron­s notre cible de quintupler nos revenus en cinq ans », dit le dirigeant.

Si Eddyfi veut se renforcer dans ses principaux secteurs d’activité, elle souhaite aussi augmenter sa présence dans les secteurs de l’aérospatia­le et des minières.

M. Thériault a été nommé PDG de l’année AQT-Investisse­ment Québec 2018 durant l’événement Vision PDG, organisé par l’Associatio­n québécoise des technologi­es, qui s’est déroulé du 20 au 22 février à Mont-Tremblant. Il a été élu par un parterre de 150 PDG d’entreprise­s québécoise­s en technologi­es de l’informatio­n.

José Bussière, PDG de Libéo, et Renaud Lavoie, PDG d’Embrionix, étaient finalistes pour l’obtention de ce prix.

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