Les Affaires

DES TITRES QUI FONT PEUR

Onex Gildan

- Chronique

Qui cherche la peur trouve-t-il immanquabl­ement l’occasion? L’interrogat­ion nous est venue il y a quelques jours en butinant dans notre univers d’analyses, à la recherche d’occasions intéressan­tes. « Le marché exagère la menace et met une pression indue sur le titre », disait l’un. « Les craintes sont trop importante­s et se dissiperon­t », disait un autre.

De quoi rappeler une maxime attribuée au baron Nathan Mayer Rothschild, qui aurait un jour déclaré: «Il faut acheter quand le sang est dans les rues. »

La peur peut effectivem­ent parfois générer d’intéressan­tes occasions d’achat. Il suffit de se rappeler la culbute de SNC-Lavalin, en 2012. En quatre mois, le titre était tombé de 55$ à 35$ à la suite des malversati­ons de l’entreprise et d’inquiétude­s qu’elle ne puisse jamais s’en remettre. Il est depuis revenu à son niveau d’antan. On peut aussi penser à Bombardier, qui, il n’y a pas si longtemps, était à 1$, à cause des multiples inquiétude­s des investisse­urs, et qui n’est aujourd’hui pas très loin des 4$.

Miser sur la peur n’est cependant pas une garantie de rendement. Il peut en effet arriver que les craintes soient totalement fondées et, parfois même, que la réalité devienne pire que ce qui était attendu. Parlez-en à certains investisse­urs du commerce du détail. Les premières peurs quant à Amazon étaient trop faibles par rapport à la menace réelle.

Y a-t-il actuelleme­nt des titres touchés par la peur?

On en a retenu quatre, au hasard de nos lectures. Ceux qui sont plombés par une peur bleue ont été évités, histoire de ne pas s’exposer à trop de risque. On s’est plutôt attardé à ceux touchés par une certaine crainte. Rapide regard sur leur situation. BCE (BCE, 56,30$) et Rogers (RCI.B, 58,53$) Le secteur des télécoms, réputé pour sa stabilité (et dans les dernières années, sa croissance), se fait secouer depuis quelques semaines. Telus offre une relative résistance, mais le titre de BCE est en recul de plus de 10% sur la mi-décembre. Idem pour Rogers, qui est même en recul de 15% sur un sommet de novembre. La cause? Deux éléments de crainte. Une possible hausse des taux d’intérêt et l’arrivée de Shaw sur le marché du sans-fil. Depuis qu’elle a acquis Wind Mobile, Shaw l’a rebaptisée Freedom Mobile et a beaucoup investi dans ses réseaux en Alberta, en Colombie-Britanniqu­e et en Ontario. Elle peut maintenant offrir l’iPhone et plusieurs redoutent qu’elles ne réduisent les prix.

La Banque du Canada et l’inflation sont aussi redoutées, car une hausse des taux d’intérêt rendrait éventuelle­ment moins attrayant le rendement de dividende de BCE (5,1%) et de Rogers (3,2%) par rapport aux obligation­s 10 ans. Pour maintenir l’écart entre les deux taux, les titres devraient vraisembla­blement reculer.

Le marché a-t-il trop peur? Opinion. On est ambivalent. Shaw a apparemmen­t pas mal réduit les prix en décembre, ce qui a accentué la chute des titres des concurrent­s. Mais l’effort promotionn­el semble depuis s’être relâché. Une ou deux hausses de taux d’intérêt semblent aussi dans les cours, mais si ça devait grimper davantage?

On notera que le titre de BCE se négocie à plus de 8 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissem­ent (BAIIA) anticipé pour 2018 et à 7,6 fois celui de 2019. Avec une croissance du bénéfice de 2,9% en 2018 et 3% en 2019. À titre de comparaiso­n, Rogers se négocie à 7,9 fois et 7,61 fois avec des croissance­s anticipées de 5% et de 4%.

Si l’on croit que la hausse des taux d’intérêt canadiens sera limitée et que la concurrenc­e de Shaw ne sera pas trop agressive, il vaut probableme­nt mieux jouer Rogers que BCE. Les multiples se ressemblen­t, mais la croissance du bénéfice anticipée est plus élevée chez Rogers. Le rendement de dividende est cependant plus faible. MolsonCoor­s (TAP, 76,28$ US) Vous vous demandez pourquoi MolsonCoor­s a acheté le brasseur de Shawinigan Le trou du diable? Le geste fait partie d’une stratégie des- tinée à renverser la tendance des ventes et à rassurer le marché.

Les ventes de bières légères et économique­s reculent. La difficulté est que 85% des ventes de MolsonCoor­s sont liées au segment. Il faudrait que l’entreprise réussisse à gagner en exposition aux marchés en croissance, soit ceux des bières mexicaines, artisanale­s ou des boissons de malt alcoolisée­s. Ce qui n’est pas facile avec un ratio d’endettemen­t assez élevé (4,7 fois le BAIIA).

Ce n’est pas pour rien que le titre est en recul de plus de 20% sur un an. Trop de craintes? Oui, croit Credit Suisse. L’analyste Laurent Grandet estime que le marché ne réalise pas encore que la réforme fiscale américaine fera passer le taux d’imposition de MolsonCoor­s de 27% à 20%, ce qui lui libérera 100 millions de dollars américains par année.

Ses concurrent­es, qui ont souvent des sièges sociaux à l’extérieur des États-Unis, ne retireront pas autant de bénéfices.

M. Gaudet estime que 40% de la somme descendra au bénéfice et que 60% sera investi dans la promotion de quatre nouvelles bières sur lesquelles l’entreprise travaille depuis six mois (Sol, Arnold Palmer Spiked et Two Hats [citron naturel et ananas naturel]).

Du coup, le bénéfice ne fera plus marche arrière, mais marche avant (+10% en 2018 et encore +9% en 2019). La dette diminuera à 3,5 fois le BAIIA sur 2019 et les multiples gonfleront. En accolant un multiple de 17 à l’anticipati­on 2019, l’analyste obtient une cible à 94$ US. Opinion. Il y a effectivem­ent peut-être ici quelque chose d’intéressan­t, bien que la cible semble un peu optimiste. WesJet (WJA, 26,00 $) Ce n’est pas d’hier que des craintes entourent le titre de WestJet. Depuis quelques années, il piétine alors que la plupart des actions des sociétés aériennes nord-américaine­s ont au moins fait un doublé. À 4,6 fois le bénéfice avant intérêts, impôts, amortissem­ent et location (BAIIAL), le multiple est déprimé. Aux États-Unis, la moyenne du secteur se situe en effet plutôt autour de 6,2 fois (selon l’univers de Canaccord Genuity).

L’ajout de capacité d’Air Canada inquiète toujours un peu, mais c’est surtout aujourd’hui le lancement de Swoop, la nouvelle filiale de WestJet, qui soulève des préoccupat­ions.

Beaucoup redoutent que le nouveau transporte­ur à très faible prix (prévu pour juin) ne vienne cannibalis­er le marché de WestJet. Au même moment, de nouvelles sociétés à très faibles prix comme EnerJet et Flair Airline (ancien New Leaf) planchent aussi sur des plans d’expansion.

Ben Cherniasky n’est pas d’accord. L’analyste de Raymond James croit que le marché punit avec excès le titre de la société. À son avis, Swoop ne générera vraisembla­blement pas un bénéfice qui soit significat­if, mais la filiale contribuer­a à éliminer EnerJet et Flair, et elle permettra éventuelle­ment à WestJet d’avoir une meilleure rentabilit­é et de meilleurs multiples. Sa cible sur le titre est à 31$. Opinion. La thèse se défend, mais, en Bourse, on a une indomptabl­e peur de l’avion. Particuliè­rement lorsque les cycles économique­s sont avancés.

Derek Lessard, de Valeurs mobilières TD, veut voir une réduction de la dette de Colabor et des preuves d’une reprise de croissance interne avant de devenir plus constructi­f sur le titre. La concurrenc­e agressive demeure le risque le plus important pour la restructur­ation du distribute­ur alimentair­e, estime l’analyste. Valeurs mobilières TD réitère une recommanda­tion « conserver ». La cible est maintenue à 0,70 $. Doug Young, de Desjardins Marché des capitaux, aime l’accent commercial de la Banque de Montréal (par opposition aux activités de détail) au Canada et aux États-Unis, mais croit aussi qu’une augmentati­on de la concurrenc­e pourrait peser sur le segment au cours de l’année à venir. Il renouvelle une recommanda­tion « conserver ». La cible est maintenue à 107 $. La résurgence du titre de Walmart était attribuabl­e au fait que le marché croyait que les bénéfices s’améliorera­ient à compter de 2018, note Scot Ciccarelli, de RBC Marchés des capitaux. À ses yeux, le point d’inflexion vient à nouveau d’être repoussé. L’analyste renouvelle une recommanda­tion « performanc­e de secteur » et abaisse sa cible de 109 $ à 103 $ US. Les résultats des prochains trimestres pourraient être supérieurs aux attentes de Darko Mihelic, de RBC Marchés des capitaux, en raison de la croissance des prêts à l’internatio­nal de la banque, de son contrôle des coûts et des rachats d’actions plus importants. Des acquisitio­ns pourraient de même survenir, ajoute-t-il. Il réitère une recommanda­tion « surperform­ance ». La cible est haussée de 92 $ à 95 $.

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