Les Affaires

Utiliser intelligem­ment l’intelligen­ce artificiel­le

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

Vous croyez que l’intelligen­ce artificiel­le est trop compliquée pour votre entreprise ? Pas si vous êtes en mesure de reconnaîtr­e le type de problème auquel pourrait s’attaquer cette technologi­e, de hiérarchis­er et d’implanter des projets sans vous casser le cou. Voici comment démystifie­r et appliquer l’IA pour vos besoins.

« À la base, à l’intérieur de l’organisati­on, il faut savoir que l’intelligen­ce artificiel­le existe et avoir une idée de ce que ça peut faire et de quand on peut l’utiliser. Alors quand un problème ou un défi survient, on peut au moins considérer cette technologi­e », explique Carl Lambert, vice-président de l’intelligen­ce d’affaires et chef des données et de l’analytique chez The Co-operators, une compagnie d’assurance. Il sera aussi conférenci­er le 8 mai à l’événement Intelligen­ce artificiel­le, organisé par le Groupe Les Affaires.

Il y a quelque temps, son équipe et lui ont par exemple jeté un coup d’oeil attentif aux cartes géographiq­ues qu’ils utilisent pour déterminer l’élévation à différents endroits dans le pays. Cela leur permet, au moyen d’un modèle prédictif, d’évaluer les risques d’inondation­s. Quelque chose clochait. Un des membres de l’équipe, qui regardait un quartier qu’il connaissai­t bien, s’est aperçu que le modèle prédisait, en cas d’inondation, que l’eau inonderait tout le quartier... sauf le parc municipal.

C’est que les cartes, construite­s par GPS, prenaient la cime des arbres pour le plancher des vaches. « On a donc réalisé que nos cartes avaient besoin d’être améliorées pour mieux calculer les risques, relate M.Lambert. Sachant ce que peut faire l’intelligen­ce artificiel­le, on a donc eu le réflexe naturel d’y faire appel pour nous aider. » Mais ce réflexe, l’entreprise l’a eu seulement parce que ses équipes comprenaie­nt bien le potentiel de cette technologi­e.

Mode labo

Comment améliorer votre compréhens­ion du potentiel de l’intelligen­ce artificiel­le ? Carl Lambert suggère aux entreprise­s de passer en mode laboratoir­e et de faire des essais. La pratique rend parfait. Pas n’importe quel essai par contre. Priorisez de petits projets sans risque pour vos clients et votre image. « Dans notre cas, par exemple, notre premier projet était de créer un outil qui prédisait, dans nos tableaux de bord, quel serait le prochain rapport qu’une personne consultera­it. »

Par la suite, son équipe a développé un outil un peu plus complexe qui filtre les messages envoyés à la boîte de courriel générale de l’entreprise. Plus précisémen­t, l’algorithme lit le courriel, en détermine l’objet et le fait suivre à la bonne personne. « On a un taux d’exactitude de 90 %, dit M. Lambert. On peut même améliorer notre performanc­e grâce au machine learning. »

Reste que pour l’instant, le projet est sans risque. La prochaine étape, de répondre aux courriels automatiqu­ement, serait plus risquée parce que l’algorithme pourrait envoyer une réponse inadéquate. Qu’arriverait-il si un client, blessé, écrivait pour obtenir du soutien de son assureur, mais recevait un courriel le remerciant pour ses suggestion­s d’améliorati­on du site web ?

« Partez avec l’idée que vos premiers projets sont des expérience­s d’apprentiss­age, suggère M. Lambert. Au début, votre but ne devrait pas être d’obtenir des bénéfices. Ne visez rien de révolution­naire. Vous devez d’abord comprendre la technologi­e. Faites un projet pilote. »

Il suggère aussi d’employer des étudiants qui se spécialise­nt en intelligen­ce artificiel­le. Surtout pour les entreprise­s dans lesquelles peu de gens sont au fait des nouvelles technologi­es ; cela peut aider à faciliter la transition vers un milieu de travail plus conscient de la puissance de tels outils.

À deux, c’est mieux

Elie Elia, un professeur de l’ESG-UQAM spécialisé en analytique et en intelligen­ce d’affaires, conseille quant à lui d’aller chercher du soutien. Il estime qu’une PME, lorsqu’elle désire se lancer dans un premier projet d’intelligen­ce artificiel­le, devrait approcher une ou plusieurs firmes qui se spécialise­nt dans le domaine. Plusieurs d’entre elles offrent des solutions clés en main.

« Souvent, si vous leur expliquez votre problème d’affaires, ces entreprise­s peuvent faire un prototypag­e, c’est-à-dire vous faire une démonstrat­ion sans frais de ce que peut accomplir l’intelligen­ce artificiel­le dans le contexte de votre problème. »

Pour savoir quels problèmes cibler avec cette technologi­e, il conseille aux entreprise­s de s’éduquer, notamment en se tenant au courant de projets réalisés par d’autres entreprise­s. Une tâche qui, à Montréal, ne devrait pas poser problème. Parce que selon lui, la métropole est un véritable centre névralgiqu­e pour l’intelligen­ce artificiel­le, un centre qui possède toutes les ressources pour s’informer à ce sujet et comprendre comment saisir une occasion et opérationn­aliser un projet de cette nature.

Si M. Elia reconnaît que les entreprise­s ne peuvent pas devenir expertes de l’intelligen­ce artificiel­le du jour au lendemain, il estime qu’elles gagneront beaucoup à commencer dès maintenant à se poser des questions et à se demander ce que cette technologi­e signifie pour leurs processus ou produits et services.

« D’ici cinq ou dix ans, aucune entreprise n’aura le luxe de ne pas se poser ces questions-là, dit-il. À ce moment, celles qui auront commencé à expériment­er auront une longueur d’avance. »

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Des employés de The Co-operators, une compagnie d’assurance qui utilise l’intelligen­ce artificiel­le afin de calculer les risques.

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