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OR : PARIER SUR LE MÉTAL OU LA MINIÈRE ?

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Doit-on choisir la minière ou posséder directemen­t le précieux métal ? Les deux sont possibles par des FNB. Voici ce qu’en pensent les experts.

Investir dans les aurifères et détenir de l’or sont deux paris tout à fait différents, explique Daniel Straus, du Groupe de recherche et stratégie sur les FNB à la Financière Banque Nationale. « Quand vous achetez [le titre d’] une aurifère, vous investisse­z d’abord dans la direction, dit l’analyste. C’est vrai qu’il peut y avoir une certaine corrélatio­n entre l’action de l’entreprise et l’or, mais un certain nombre de sociétés utilisent des produits dérivés pour se protéger contre les variations du prix de l’or. Dans ce cas, ça les isole en partie de ces fluctuatio­ns. »

Pour certains FNB, l’exposition aux variations du prix de l’or sera accentuée en raison des caractéris­tiques des entreprise­s qu’ils contiennen­t, précise M. Straus. « C’est le cas des petites capitalisa­tions dans le secteur aurifère. Elles empruntent beaucoup d’argent pour faire de la prospectio­n. Lorsque le prix de l’or change un peu, le prix de leurs actions peut changer beaucoup. » L’expert ne cite pas de FNB, mais le BMO Junior Gold Index (ZJG) et VanEck Vectors Junior Gold Miners (GDXJ) sont des exemples.

Même les plus grandes aurifères peuvent avoir plus de swing que le prix de l’or, intervient Clément Gignac, économiste en chef chez iA Groupe financier. Il donne l’exemple de VanEck Vectors Gold Miners (GDX), qu’il détient en portefeuil­le. La capitalisa­tion des 51 sociétés qu’il contient varie entre 27,8 G$ US et 742,9 G$ US. « C’est pour adulte vacciné, prévient l’ancien ministre. Je n’en mets pas beaucoup, parce que ça peut bouger deux fois plus que l’or. Je l’ai déjà vu bouger au triple. Supposons qu’une minière se trouve près de l’équilibre entre ses revenus et ses coûts de production, toute variation du prix de l’or aura un grand impact sur la rentabilit­é (ce qui explique que les mouvements sont plus prononcés). »

L’économiste anticipe que l’or s’échangera dans une fourchette oscillant entre 1350 $ US et 1400 $ US d’ici à la fin de l’année. Généraleme­nt, une période de hausse de taux représente un vent de face pour le métal noble, mais les banques centrales ont dit qu’elles étaient prêtes à laisser l’inflation monter au haut de leur seuil de tolérance pour ne pas mettre les freins trop rapidement et ramener le péril de la déflation, explique-t-il. De plus, la dépréciati­on du dollar américain et les inquiétude­s quant aux politiques protection­nistes à Washington soutiendro­nt l’or.

Quel FNB choisir ?

Tout dépend du contexte, répond M. Gignac, qui parlait plus haut de son investisse­ment dans un FNB d’actions dans le secteur de l’or. « Si vous craignez une débâcle du marché boursier, vous feriez mieux de détenir l’or directemen­t, précise l’économiste. Vous pouvez avoir raison sur le prix de l’or et perdre de l’argent en détenant les sociétés en raison d’une contractio­n des multiples. Quand les gens ont vraiment peur, des divergence­s peuvent apparaître. »

Il existe une minorité d’investisse­urs extrêmemen­t pessimiste­s qui anticipent un « effondreme­nt de la civilisati­on » et cherchent un refuge vers l’or, constate M. Straus. C’est ce qui a poussé le VanEck Merck Gold Trust (OUNZ) à offrir la possibilit­é d’échanger l’or détenu dans ses entrepôts contre les parts du fonds. Sinon, le SPDR Gold Trust (GLD) et le iShares Gold Trust (IAU) sont les deux plus importants FNB qui entreposen­t de l’or. « Leurs cours suivent relativeme­nt bien les cours de l’or, commente M. Straus. Ils gèrent efficaceme­nt leurs réserves, car leurs frais de gestion sont peu coûteux. » Le ratio des frais de gestion de IAU est de 0,25 % et celui de GLD est de 0,4 %.

« Exceptionn­ellement », Martin Roberge, stratège et analyste quantitati­f de Canaccord Genuity, suggère de couper la poire en deux entre l’or physique et les aurifères. « Les sociétés aurifères ont récemment connu des problèmes de production et ont très mal performé eu égard au prix de l’or », pointe-t-il.

Toutefois, le contexte est meilleur pour les matériaux de base que pour les métaux précieux, croit M. Roberge. Nous serions en fin de cycle, la dernière étape de croissance avant la récession. Il sépare cette phase en deux. Le « début de la fin de cycle », où nous semblons être, est un moment plus favorable aux métaux de base. La « fin de la fin de cycle », pour sa part, est meilleure pour l’or, selon lui.

Au début de la fin du cycle, la croissance s’accélère, ce qui renforce les prix des métaux de base, explique le stratège. Au même moment, le resserreme­nt de la politique moné- taire et la stabilisat­ion du dollar américain sont moins favorables à l’or. À la « fin de la fin du cycle », période qui pourrait se dérouler entre l’automne 2018 et le printemps 2019, l’or devient plus attrayant au moment où les investisse­urs se questionne­nt à savoir si la Réserve fédérale (Fed) n’a pas trop monté ses taux. »

Savoir exactement à quel moment on passera de la première partie de la fin de cycle à la deuxième est ardu, reconnaît M. Roberge. « Je surpondère les deux secteurs parce que j’ai peur de la rater [la phase la plus favorable aux prix de l’or], mais j’ai un préjugé plus favorable envers les métaux de base. » C’est pour cette raison qu’il investit dans le PowerShare­s DB Commodity Index (DBC). La moitié du portefeuil­le est investi dans l’énergie et le reste dans les métaux de base et les métaux précieux.

Attrayant à long terme ?

Pour sa part, Ian Gascon, président de Placements Idema, ne voit pas l’intérêt d’acheter de l’or à long terme. « Votre lingot, ce sera le même dans trente ans. Il n’aura rien produit. C’est une question d’offre et de demande. C’est un peu comme le bitcoin. Les aurifères, quant à elles, génèrent des profits et ont un modèle d’affaires. »

À très long terme, l’or a procuré un rendement famélique, selon des données compilées par Credit Suisse. De 1900 à 2017, le métal a généré un rendement réel (après inflation) de 0,7 %. En comparaiso­n, les actions mondiales et les obligation­s ont donné un rendement de 5,2 % et de 2 %, respective­ment. D’autres actifs « physiques » ont bien mieux performé que l’or depuis 1900, toujours selon Credit Suisse. C’est le cas de l’art, des timbres et du vin, qui ont affiché un rendement réel annuel composé de 1,9 %, 2,7 % et 3,6 %, respective­ment.

M. Gascon préfère donc les minières aux métaux, mais un fonds indiciel canadien est suffisant pour obtenir l’exposition nécessaire à un portefeuil­le diversifié, selon lui. « Dès qu’on investit de manière indicielle dans les actions canadienne­s, vous y êtes exposé par les différente­s sociétés qui composent le S&P TSX. »

négatif de la hausse des taux d’intérêt, explique-t-il. Une fois qu’on atteint le sommet et que le rythme de croissance décélère, c’est là que ça devient plus difficile pour les marchés, car la hausse des taux prend plus d’importance. Nous sommes en période de forte hausse vers le sommet et l’année prochaine en sera une de décélérati­on. »

Clément Gignac, pense aussi qu’il reste encore de la place pour la croissance des actions américaine­s. Il est également optimiste pour la Bourse canadienne.

À New York, il anticipe que le S&P 500 fera entre 6 % et 8 % en 2018, en incluant le dividende. M. Gignac souligne que les multiples se contracten­t généraleme­nt de l’ordre de deux points durant les périodes de hausse de taux, mais ce recul sera compensé par une croissance des bénéfices entre 15 % et 16 %, prévoit-il. « Je pense que le marché haussier va se maintenir, car je ne vois pas de récession. »

Pour les actions canadienne­s, l’économiste croit que les investisse­urs ont été trop pessimiste­s. Le S&P/TSX s’échange à 14 fois les bénéfices prévus l’an prochain par rapport à 17 fois pour le S&P 500. M. Gignac pense qu’on parviendra à une entente sur l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), ce qui viendra apaiser les craintes du marché. « Je ne vois pas pourquoi l’escompte sur le Canada resterait longtemps. Je pense qu’on aura des rendements de 8 % à 11 % cette année. »

C’était l’un des paris spéculatif­s les plus en vogue des deux dernières années. Puis, tout s’est effondré en l’espace d’une séance. Que s’est-il donc passé avec les FNB qui produisent le rendement inverse du VIX ? Même pour un investisse­ur ayant connu des débâcles, il est difficile d’imaginer un revers de fortune aussi brutal que celui connu par le FNB du VIX à rendement inversé d’Horizons (HVI). Ses rendements annuels ont été de 72,6 % et de 174,54 % en 2016 et 2017, respective­ment.

Puis, le sursaut de la volatilité accompagna­nt la correction boursière de février lui a porté un coup fatal. Le fonds s’est déprécie de 37,9 % du 1er au 5 février. Le 6 février, le bond du VIX a forcé la suspension du HVI. Lorsque les échanges ont repris, le titre a effacé 83 % de sa valeur en une seule séance. De son sommet de 24,58 $ en janvier, il ne valait plus que 2,21 $ à la fermeture. L’exemple est canadien, mais le ProShares Short VIX Short-Term Futures (SVXY) a connu un sort semblable. Malgré le revirement soudain, la conclusion de cette aventure spéculativ­e ne surprend pas Ian Gascon, président de Placements Idema. « L’indice VIX peut augmenter de plus de 100 % en une journée, souligne-t-il. Ainsi, le fonds peut donc perdre 100 % de sa valeur en une seule journée. Ce n’est pas une situation si exceptionn­elle. On ne peut pas penser faire de l’argent à long terme avec ces produits. »

D’où vient la gloire passée ?

Alors, qu’est-ce qui a attiré autant de spéculateu­rs à parier contre le VIX ? Dans un premier temps, les marchés ont été d’une rare accalmie dans les dernières années. Le VIX a touché un creux de près de 25 ans en 2017. Le plus grand élan est toutefois venu du mécanisme de rotation des contrats à terme sur le VIX, explique Daniel Straus, qui juge que les investisse­urs autonomes devraient se tenir loin de ce type de FNB.

Sans entrer dans les détails trop techniques, le niveau de l’indicateur VIX est déterminé par une formule mathématiq­ue complexe liée au volume de transactio­ns sur le marché des options. Le but est de mesurer l’intensité de la volatilité anticipée dans les 30 prochains jours.

Parce qu’il n’est pas un actif, on ne peut investir dans le VIX directemen­t. Il existe toutefois des contrats à terme liés à cet indicateur. Dans un contexte de volatilité stable ou en baisse, ces contrats à terme se trouvent en situation de report ( contango). C’est-à-dire que les marchés s’attendent à une augmentati­on de l’intensité de la volatilité à venir dans les 30 prochains jours, ce qui fait en sorte qu’ils perdent de la valeur au fil du temps, explique M. Straus. De manière imagée, cet écart entre les prévisions et la réalité s’apparente au coût d’une forme d’assurance contre une hausse de la volatilité des marchés. Par ricochet, cette dépréciati­on fait en sorte qu’il est avantageux de vendre à découvert ces produits dérivés.

D’une certaine façon, ceux qui pariaient contre le VIX encaissaie­nt indirectem­ent la prime que payaient les investisse­urs pour se protéger contre la volatilité. La prime a été payante en 2016 et 2017. « L’effet contango a été très élevé, raconte M. Straus. Certains mois, il pouvait atteindre jusqu’à 10 % pour un seul mois. C’est donc devenu très populaire de vendre à découvert des contrats à terme sur le VIX ou d’acheter des FNB inversés. » Le modèle a fonctionné jusqu’à ce que le vent change de direction. « Quand le VIX bondit, les gens vont commencer à anticiper une volatilité plus faible dans les 30 jours suivants », commente M. Straus.

Cela signifie-t-il la fin des FNB de volatilité inversée ? « C’est drôle parce que je pensais que la chute serait le coup de grâce pour ces produits, raconte M. Straus. Il y a cependant encore des gens qui y mettent de l’argent. J’imagine qu’ils se disent que ça ne rechutera pas après cette débâcle. À mon avis, c’est un peu de la pensée magique. »

Pour le HVI et le SVXY, Horizons et ProShares ont d’ailleurs choisi de réduire de moitié leur exposition aux variations du VIX, note M. Straus. Les deux fonds ne visent maintenant qu’à reproduire la moitié de la variation inverse du VIX. « Je suppose que ça devient moins risqué, dit M. Straus. Ça ne prendra plus un doublement du VIX pour effacer toute la valeur, mais un triplement. Ce n’est quand même pas impossible. »

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