Les Affaires

BUDGET LEITÃO : FINANCIÈRE­MENT RESPONSABL­E

- JEAN-PAUL GAGNÉ

Un budget « électorali­ste », ont tout de suite lancé certains chroniqueu­rs et porte- parole des milieux sociaux et syndicaux. Facile, évident et un brin cynique, ce commentair­e ne reflète pas l’analyse financière, la stratégie budgétaire et l’ensemble des mesures présentées dans l’exposé du ministre Carlos Leitão.

Il est indéniable que ce budget s’inspire d’une stratégie politique. Arrivé au pouvoir alors que la situation financière du gouverneme­nt était préoccupan­te (souvenons-nous des budgets déficitair­es et austères du gouverneme­nt de Pauline Marois, qui fut en poste de septembre 2012 à avril 2014), le gouverneme­nt Couillard a gardé le cap sur le retour à l’équilibre budgétaire et à la prudence fiscale. Plusieurs prétendron­t que cette rigueur a été excessive, qu’elle a exigé des sacrifices déraisonna­bles pour plusieurs et qu’elle a nécessité des compressio­ns de dépenses difficiles dans les systèmes de santé et d’éducation. Il y a du vrai là-dedans, mais on en récolte les fruits aujourd’hui.

Grâce à la croissance contrôlée des dépenses publiques des premiers budgets Leitão, à la bonne tenue de l’économie, à la forte croissance de l’emploi et des revenus et à la hausse substantie­lle des transferts fédéraux, le gouverneme­nt du Québec s’est retrouvé dans une situation financière enviable. L’automne dernier, il a réduit les impôts des particulie­rs en portant de 16% à 15% le taux d’imposition de la première tranche de revenu imposable (jusqu’à 42705$), soit un retour de 1,1 milliard de dollars par année rétroactiv­ement au 1er janvier 2017, et il a commencé le retrait de la contributi­on santé, qui sera éliminée totalement en 2019, soit un gain de 760 millions de dollars pour les contribuab­les.

Sur le plan fiscal, ce sont les PME qui sont les grandes gagnantes du dernier budget, grâce à une baisse du taux d’imposition des profits de 8% à 4% en cinq ans (une valeur de près de 1G$) et à une réduction de 1,2G$ en cinq ans de leur cotisation au fonds des services de santé.

En ce qui a trait aux services à la population, le budget a accru de 1,6G$ et de 5,4G$ les dépenses respective­s en éducation et en santé, ce qui permettra notamment l’ajout d’enseignant­s, d’infirmière­s et de profession­nels de différente­s discipline­s. Ces additions de personnels étaient vraiment nécessaire­s.

Mesures structuran­tes

Il est vrai qu’il y en a pour tout le monde dans ce budget, mais ce n’est pas une mauvaise chose de se préoccuper des besoins de nombreuses clientèles (personnes âgées, aidants naturels, jeunes familles, victimes de violence, immigrants, etc.).

Toutefois, c’est l’impact structuran­t de plusieurs mesures qui caractéris­e ce budget: 810 M$ investis pour satisfaire les besoins en main-d’oeuvre des employeurs: incitation au travail, soutien à la formation continue, insertion sociale et francisati­on des immigrants, recrutemen­t de travailleu­rs et d’étudiants à l’étranger; dépenses d’infrastruc­tures de 100 G$ en 10 ans, dont 20 G$ en cinq ans pour le réseau routier; investisse­ments de 9 G$ dans des infrastruc­tures de transport collectif: Réseau express métropolit­ain, tramway et trambus de Québec, Rapibus de Gatineau, voies réservées à Lévis, garages à Longueuil et à Laval ; soutien de 1 G$ sur cinq ans à la transforma­tion numérique dans les entreprise­s (241M$), les trois secteurs du système d’éducation (355M$), le milieu culturel (509M$), les médias (65 M$), le système de justice (194 M$) ; Immobilisa­tions dans le secteur de la santé: un nouvel hôpital de 1,2 G$ à Vaudreuil, des agrandisse­ments à venir dans les hôpitaux Charles-Lemoyne et Pierre-Boucher, à Longueuil, du Lakeshore et du Centre de la Mauticie; Investisse­ments de 545 M$ en cinq ans pour moderniser les équipement­s des institutio­ns d’enseigneme­nts supérieurs. Malgré l’importance des dépenses anticipées, les finances du gouverneme­nt demeurent saines. On prévoit des excédents budgétaire­s pour les cinq prochaines années. L’endettemen­t est sous contrôle. À moins d’imprévus, la dette brute en pourcentag­e du PIB passera de 49,6% au 31 mars 2018 à 45% dans cinq ans. La dette pour les déficits accumulés passera de 27,9% à 20,8% du PIB au cours de la même période.

Puisque les finances publiques sont saines, on ne peut reprocher au gouverneme­nt de puiser 3G$ dans la réserve de stabilisat­ion, qui atteindra néanmoins 2,4G$ en mars 2021, et de retirer 2G$ par année du Fonds des génération­s pendant cinq ans pour rembourser des emprunts. Toutefois, puisque ce fonds continuera de recevoir les redevances convenues, son actif pourrait friser les 18 G$ le 31 mars 2023 s’il obtient le rendement attendu de la Caisse de dépôt, qui gère ses fonds.

Comme toujours, ce budget aura ses détracteur­s. On ne pourra cependant pas accuser le gouverneme­nt de nous endetter pour avoir présenté ce plan budgétaire.

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