Les Affaires

L’OUTAOUAIS, UNE CONTRÉE DE MARCHANDS

- René Vézina rene.vezina@tc.tc vezinar

Comme bien des régions administra­tives du Québec, celle de l’Outaouais ne semble pas être très homogène. Les trois quarts de la population sont concentrés dans la seule ville (reconstitu­ée) de Gatineau, qui fait partie de la grande agglomérat­ion d’Ottawa. Le secteur des services y est évidemment très présent, et les activités industriel­les demeurent vigoureuse­s même si elles sont en pleine transforma­tion. Chose certaine, Gatineau se veut plus qu’un satellite d’Ottawa. Comptant plus de 300000 citoyens, elle se classe au quatrième rang des villes les plus populeuses du Québec.

Dès qu’on s’éloigne de la rivière des Outaouais en allant vers le Nord, les paysages changent, tout comme le profil socioécono­mique de la région. La population y est plus clairsemée et ce sont les exploitati­ons forestière­s et agricoles qui s’imposent. Elle a été l’une des premières, par exemple, à se lancer dans de nouvelles production­s moins traditionn­elles, comme le fromage de chèvre.

Oui, l’arrière-pays est bien différent des abords de la capitale fédérale. Il est toutefois traversé par de grandes rivières, à commencer par la Gatineau, qui coulent toutes vers le sud pour se jeter dans l’Outaouais. En ce sens, le lien est indéniable entre ces secteurs plus ruraux et la fébrilité de la grande ville.

Quand on veut classer les villes du Québec selon leur superficie (en ne retenant que celles qui comptent plus de 100000 habitants), Québec chapeaute la liste, suivie de Montréal et de Gatineau, qui s’étend sur 380 kilomètres carrés. Dans le cas des deux premières, on parle cependant d’un tissu urbain pratiqueme­nt ininterrom­pu. Avec les fusions, Gatineau regroupe aujourd’hui des villes autrefois éloignées de Hull, laquelle était à l’époque le coeur de cette agglomérat­ion.

Développem­ent en pleine effervesce­nce

Il faut donc travailler à bâtir cette nouvelle identité. Ce n’est là qu’un des défis qui se pose au maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin. « Nous renforçons notre économie locale, dit le maire. Au cours des vingt dernières années, les fuites vers Ottawa se sont réduites, autant pour le commerce, les activités culturelle­s, le cinéma et autres secteurs. De plus, notre secteur industriel se modernise. »

Oui, le souvenir de cette géante qu’était E. B. Eddy demeure, avec tout ce qu’on produisait à partir du bois, jusqu’aux allumettes! Aujourd’hui, on est cependant passé au recyclage et à la récupérati­on, avec en tête de liste la grande usine de Kruger au bord de l’Outaouais. « Sans compter, ajoute-t-il, que le plus important producteur de cannabis – légal – du Québec se trouve ici, dans le secteur Masson-Angers. » La firme en question, Hydropothi­caire, devrait compter jusqu’à 300 employés d’ici Noël.

Une abondance de terrains industriel­s disponible­s en bordure de l’autoroute 50 aide à l’attractivi­té de la ville, selon Jean Lepage, directeur général d’ID Gatineau, qui a pris la relève du CLD local et dont le travail consiste à soutenir le développem­ent économique de la ville, en pleine effervesce­nce.

De nouveaux arrivés ou d’autres qui consoliden­t leur présence? Les Verres Vmik, la Trappe à fromage et beaucoup d’industries à haute teneur technologi­que, comme Harris, Solacom ou Airbus DS Communicat­ions.

À cet égard, la proximité avec Ottawa peut aider, si la ville sait se faire attirante. « Imaginez, dit M. Lepage, 65000 personnes traversent tous les jours les ponts entre Ottawa et Gatineau. C’est l’équivalent d’une ville et nous devons composer avec cette réalité. » En tout, des deux côtés de la rivière, l’agglomérat­ion regroupe pas moins de 1,3 million d’habitants. « Nous avons l’avantage, poursuit-il, de compter sur une population plus jeune, plus diversifié­e et plus instruite que la moyenne québécoise, nous qui sommes le deuxième pôle d’immigratio­n au Québec après Montréal. »

Engagement envers les entreprise­s locales

Même si le milieu technologi­que a la cote, le maire souligne que les industries traditionn­elles ne sont pas négligées. Une d’entre elles a même valeur de symbole: la Laiterie de l’Outaouais. Il ne reste plus beaucoup de laiteries indépendan­tes au Québec. La Laiterie Château, de Buckingham (maintenant partie de Gatineau), était l’une d’entre elles. Au désarroi de ses clients, elle a fini par fermer ses portes. Un mouvement populaire est né pour la relancer. Les citoyens ont formé une coopérativ­e et une autre laiterie indépendan­te, la Laiterie des trois vallées, à Mont-Laurier, est arrivée en renfort. La Laiterie de l’Outaouais en est née avec des produits de base qu’on souhaite maintenant diversifie­r. « Il arrive que l’engagement des gens envers leurs entreprise­s locales change la donne, et nous en avons là un bel exemple », dit M. Lepage.

C’est aussi un des cas qu’aime présenter le maire Pedneaud-Jobin, en citant la solidarité de sa collectivi­té. Il réalise toutefois aussi qu’en matière d’entreprene­uriat, elle a devant elle une bonne côte à remonter. « La tradition d’entreprene­uriat individuel est mince chez nous, reconnaît-il. Les gens rêvaient autrefois de travailler à la papeterie McLaren ou dans les autres grandes entreprise­s des environs, sans oublier le gouverneme­nt fédéral. »

Il faudra donc développer et entretenir une nouvelle culture entreprene­uriale. De part et d’autre de la rivière des Outaouais, les deux chambres de commerce y travaillen­t, comme les maires des deux villes, pour mettre leur grande agglomérat­ion en valeur. Il faut aussi rendre à M. Pedneaud-Jobin le mérite de cette éloquente expression, le « maireketin­g » !

Quand même, il y aura du travail à faire pour que l’ensemble de la région profite de son plein potentiel. La MRC de Pontiac, au nord-ouest de la région, est l’une des moins favorisées du Québec. À l’écart des grands axes, elle peut se sentir négligée, elle qui se retrouve voisine de l’Ontario et du Témiscamin­gue.

Le potentiel de villégiatu­re y demeure cependant important, tout comme l’attrait du calme que ce coin de pays peut offrir aux citoyens toujours trop pressés… De là l’intérêt d’aller explorer plus à l’intérieur des terres pour saisir une autre réalité de l’Outaouais.

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« Au cours des vingt dernières années, les fuites vers Ottawa se sont réduites, autant pour le commerce, les activités culturelle­s, le cinéma et autres secteurs. » – Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau

son entreprise, après avoir passé quelques années au service d’une grande société financière.

Alain Geoffroy, lui, vient plutôt du secteur public et parapublic, omniprésen­t dans la région. Son implicatio­n comme président et cofondateu­r de la microbrass­erie Les Brasseurs du Temps relève véritablem­ent d’un changement radical de carrière, tellement qu’il a longtemps conservé un pied dans chaque univers avant de se consacrer définitive­ment à son rôle d’entreprene­ur.

Charles Blouin, lui, avait dès l’université l’intention de se lancer en affaires. Le plus jeune membre de ce panel (il n’a pas 30 ans) a fondé Tyto Robotics. Son entreprise est active dans des secteurs de pointe, du genre de ceux qui s’imposent en ce nouveau siècle : les instrument­s de mesure des drones et autres objets téléguidés.

La question du financemen­t se pose évidemment pour les tout jeunes entreprene­urs, mais M. Blouin a réussi à passer au travers, au point où il a reçu, l’automne dernier, un soutien de 220 000 $ des gouverneme­nts du Québec et du Canada. Le Québec est confronté depuis un bon moment à tout l’enjeu du transfert des entreprise­s familiales. Au cours de ce panel, l’illustrati­on nous en est venue de Mylène Chaumont, présidente de Sentinelle Santé, qui a graduellem­ent repris la direction de cette clinique de soins médicaux que son père avait fondée.

Ces transmissi­ons ne sont pas automatiqu­es et les échecs sont malheureus­ement fréquents. Toutefois, une bonne complicité et de bonnes attitudes – pour reprendre l’expression de M. Major – aident à la réussite du passage des responsabi­lités.

Ces discussion­s en panel sont inspirante­s, et encore plus lorsque l’auditoire s’implique et relance les discussion­s, comme ce fut le cas à Gatineau, sur le rôle, par exemple, que peuvent jouer les pouvoirs publics et les institutio­ns académique­s. – René Vézina

 ??  ?? Gatineau développe sa nouvelle culture entreprene­uriale. De part et d’autre de la rivière des Outaouais, les chambres de commerce travaillen­t à mettre leur agglomérat­ion en valeur.
Gatineau développe sa nouvelle culture entreprene­uriale. De part et d’autre de la rivière des Outaouais, les chambres de commerce travaillen­t à mettre leur agglomérat­ion en valeur.
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