Les Affaires

Industrie de langue

- Claudine Hébert redactionl­esaffaires@tc.tc

Ces PME qui osent le multilingu­isme

Disposer d’un site web bilingue français/anglais, c’est bon pour les affaires. Du moins en Amérique du Nord. Lorsqu’on veut percer ailleurs dans le monde, toutefois, ce n’est pas suffisant.

« L’anglais a beau être considéré comme la langue internatio­nale des affaires, il est fallacieux de croire qu’un site web traduit dans la langue de Shakespear­e vous ouvre systématiq­uement toutes les portes de la planète. Ce n’est pas parce qu’un hôtelier ou un restaurate­ur vous parle en anglais que le reste de la population du pays le parle aussi », fait savoir Didier Gombert, président d’Objectif Lune, une firme montréalai­se qui produit des logiciels de communicat­ions.

Depuis cinq ans, cette entreprise de 250 employés multiplie les efforts pour rendre son site web le plus accessible possible à ses quelque 25 000 clients dans le monde. Le contenu du site d’Objectif Lune peut ainsi être lu en sept langues différente­s (français, anglais, allemand, néerlandai­s, italien, espagnol et portugais). Les logiciels de l’entreprise sont également traduits dans plus d’une quinzaine de langues. Le budget alloué à la traduction représente près de 150 000 $ par année. Remarquez, c’est à peine 0,5 % du budget de l’entreprise, dit M. Gombert. Grâce à ces investisse­ments, Objectif Lune a quadruplé ses revenus depuis 2013.

Un bon indice pour déterminer la pertinence ou non de traduire dans la langue locale d’un pays ciblé, c’est la télévision. « Les pays qui disposent d’une forte culture télévisuel­le sont généraleme­nt des territoire­s où il faut apporter attention à la langue maternelle de la population si on souhaite joindre cette clientèle cible. » En Europe, par exemple, il existe une règle non écrite qui se nomme EFIGS. « Si une entreprise veut atteindre un maximum de la population du vieux continent, elle a intérêt à ce que ses produits et services puissent être offerts en anglais (E-english), français (F), italien (I), allemand (G-German) et espagnol (S-spanish) », soulève M. Gombert.

Qui traduit les documents ?

Au départ, Objectif Lune faisait principale­ment affaires avec des firmes de traduction. « Au fil du temps, nous avons mis en place une équipe de traduction qui compte deux personnes aidées par une dizaine de pigistes. Nous avons également développé nos propres lexiques », indique Didier Gombert.

Même chose au sein du Groupe en informatiq­ue et recherche opérationn­elle (GIRO). Cette entreprise issue de l’Université de Montréal propose depuis 1979 un logiciel qui permet d’établir les horaires et les circuits des services de transport en commun. Le produit est présent dans plus de 25 pays. « On travaille étroitemen­t avec une firme de traduction pour la plupart des documents traduits. Nous avons également créé un service de rédaction technique qui dispose de ses propres lexiques, principale­ment pour la réalisatio­n des documents en français et en anglais. Cette équipe compte près d’une dizaine de personnes », fait savoir Paul Hamelin, président de GIRO.

Depuis la création de l’entreprise, dit-il, les logiciels de GIRO ont toujours été traduits dans la langue locale des villes auxquelles ils étaient destinés. Depuis 2013, l’entreprise a également ajouté une version allemande et espagnole à son site web qui était déjà bilingue, signale Paul Hamelin.

Ces multiples attentions envers les langues locales des marchés convoités a permis à GIRO d’enregistre­r une croissance de près de 10 % par année depuis sa création. « Une croissance qui dépasse même les 15 % annuels depuis les trois dernières années », précise M. Hamelin. L’entreprise, qui compte 400 employés, devrait franchir le cap des 75 millions de dollars de revenus d’ici la fin de 2018.

Pourquoi pas un revenu d’un milliard ?

Bien qu’elle se montre discrète sur son actuel chiffre d’affaires, Jefo, une entreprise spécialisé­e dans les solutions nutritionn­elles non médicament­euses pour les animaux, compte bien at- teindre le milliard de dollars en revenus d’ici 2025. La PME de 250 employés souhaite également doubler son personnel au cours de la même période. Pour y arriver, le multilingu­isme est une condition sine qua non.

Présente dans près de 60 pays, l’entreprise de Saint-Hyacinthe procède présenteme­nt à une mise à jour de son site web afin d’améliorer l’accès à différente­s langues. Le site, dont la page d’accueil est une mappemonde qui dirige les visiteurs vers leur région, est accessible pour le moment en quatre langues (français, anglais, espagnol et mandarin).

« Nous avons également de nombreux documents qui doivent être traduits en portugais, en russe, en arabe ou en turc », indique Luciana Coura Vivia, coordonnat­rice aux communicat­ions chez Jefo.

La plupart des documents destinés à l’interne, notamment en français, anglais, espagnol et portugais, sont rédigés par des membres de l’équipe des communicat­ions et marketing de Jefo. Ils sont ensuite relus par des employés dont c’est la langue maternelle.

Pour les documents officiels et autres langues, l’entreprise utilise systématiq­uement des agences de traduction. « Un de nos défis, soutient Luciana Coura Vivia, est de trouver des profession­nels qui, en plus d’avoir la connaissan­ce linguistiq­ue, comprennen­t aussi l’industrie de la nutrition animale. » Jefo a introduit récemment un système de mémoire et de gestion des traduction­s en ligne. Un outil qui permet d’avoir encore plus de cohérence et d’agilité.

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Le contenu du site d’Objectif Lune peut être lu en sept langues différente­s. Le budget alloué à la traduction représente près de 150 000 $ par année.
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L’entreprise de 250 employés Jefo souhaite doubler son personnel d’ici 2025. Pour y arriver, le multilingu­isme est une condition sine qua non.

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