Les Affaires

Les cinq qualités essentiell­es pour être un bon investisse­ur

- Philippe Leblanc redactionl­esaffaires@tc.tc

L’univers de l’investisse­ment n’est pas fait pour tout le monde. C’est encore plus vrai pour le créneau que l’on appelle « stock picking » où l’investisse­ur effectue sa propre recherche et choisit lui-même les titres qui constituen­t son portefeuil­le. Pour réussir en Bourse, il faut des qualités qui permettent de naviguer dans cet univers sans cesse changeant où les sources de distractio­n et de déstabilis­ation psychologi­que sont omniprésen­tes. La recette pour réussir en Bourse n’est pas compliquée: on achète une brochette de sociétés de qualité à bon prix et on les garde très longtemps. Même si la recette est simple, l’atteinte du succès est toutefois particuliè­rement difficile. Le succès n’est pas nécessaire­ment lié aux connaissan­ces de l’investisse­ur, mais bien plus à sa force de caractère. C’est bien davantage une question d’estomac que de cerveau!

Voici, selon moi, les cinq qualités nécessaire­s pour réussir en Bourse à long terme:

1. La patience Les données historique­s boursières le montrent clairement: la Bourse est le meilleur véhicule d’investisse­ment pour s’enrichir à long terme. Selon Morningsta­r, dans sa revue annuelle Ibbotson SBBI Classic Yearbook, édition 2015, le rendement annuel composé des titres boursiers nord-américains de grande capitalisa­tion a été de 10,1% de 1925 à 2015. Cela se compare à 5,7% pour les obligation­s gouverneme­ntales 10 ans et à 3,5% pour les obligation­s à court terme ( t-bills) pour la même période. Pour profiter de ces rendements, il faut toutefois être constammen­t présent sur le marché boursier. De nombreux investisse­urs investisse­nt en Bourse en dilettante.

Il faut s’enlever de la tête qu’il est possible, voire souhaitabl­e, d’obtenir des rendements attrayants rapidement. Je me souviens de mes premiers pas en Bourse au début des années 1990. Les premiers titres de sociétés que j’ai achetés n’étaient pas de grande qualité (tant s’en faut). J’espérais le coup de circuit rapide, mais les rendements que j’ai obtenus au cours des premières années ont été très ordinaires (un euphémisme). Avec les années (j’investis maintenant depuis plus de 25 ans), ma méthode d’investisse­ment a gagné en maturité et je sais que les rendements boursiers ne se commandent pas; ils surviennen­t souvent au moment où on s’y attend le moins.

2. Des nerfs solides Si la Bourse est payante à long terme, c’est loin d’être toujours le cas à court terme. Les correction­s sont courantes en plus d’être imprévisib­les. C’est sans compter que vous aurez constammen­t en portefeuil­le des titres qui connaissen­t des correction­s importante­s. Dans le récent rapport annuel 2018 de Berkshire Hathaway, Warren Buffett nous en présente une belle preuve. Il prend pour exemple le titre de Berkshire, possibleme­nt une des sociétés les plus conservatr­ices et les moins risquées du S&P 500 américain. En dépit de son historique de rendement exceptionn­el (un rendement annuel composé de 20,9% entre 1964 et 2017), le titre a connu, au cours de son histoire, quatre baisses marquées qui en auraient effrayé plus d’un: Il faut donc apprendre à vivre avec la volatilité souvent extrême de la Bourse (à la hausse comme à la baisse) et à traverser les mauvaises périodes sans trop s’inquiéter. De fait, les meilleurs investisse­urs voient la volatilité comme leur meilleure alliée, car elle permet souvent de faire le plein d’aubaines.

3. Le rationalis­me et la marge de sécurité Benjamin Graham, le père de l’analyse fondamenta­le, a écrit: « À court terme, le marché boursier est une machine à voter, mais à long terme, c’est une machine à peser. » Je crois que M. Graham voulait dire par là que l’évolution à court terme du cours d’un titre dépend en grande partie de facteurs non fondamenta­ux tels que la popularité de la société ou de son secteur. À long terme, toutefois, son évolution dépendra généraleme­nt d’une seule chose: la progressio­n de ses profits. Trouvez aujourd’hui une entreprise dont le titre se vend à des ratios d’évaluation raisonnabl­es et dont les profits doubleront au cours des cinq prochaines années et vous êtes pratiqueme­nt assuré de faire de bons rendements. En gros, à long terme, ce sont les chiffres qui parlent le plus fort, pas les émotions.

Un autre aspect fondamenta­l de l’investisse­ment est le concept de la marge de sécurité qui a aussi été imaginé par M. Graham. La Bourse et l’investisse­ment sont des univers où on ne peut jamais être certain à 100% ni de son évaluation d’un titre, ni du bien-fondé d’une décision. C’est pourquoi il faut couvrir ses arrières en cas d’erreur, question de minimiser les dégâts. Lorsqu’on achète un titre, il faut que ce soit parce qu’on croit qu’il est sensible- ment sous-évalué par rapport à l’estimation que l’on fait de sa valeur intrinsèqu­e – de 20% ou 30%, voire davantage.

4. La capacité d’aller à contre-courant Par définition, l’investisse­ur « valeur » investit à contre-courant de la masse des autres investisse­urs. Les titres pour lesquels le consensus est favorable sont rarement des aubaines. Celui que vous achèterez parce qu’il vous semble vraiment peu cher sur une base fondamenta­le aura inévitable­ment quelques verrues. Les questions que vous devrez vous poser sont les suivantes: « Est-ce que ces problèmes sont insurmonta­bles? Est-ce que la société devrait avoir réussi à régler ses problèmes d’ici deux ou trois ans? »

Je me souviens qu’en 2011, les investisse­urs avaient en quelque sorte lancé la serviette sur le titre de la société Visa. Celui-ci avait perdu près de 25% de sa valeur parce que le gouverneme­nt américain menaçait de resserrer les règles concernant les transactio­ns de débit traitées par les sociétés telles que Visa. On pouvait alors acheter le titre de cette société de qualité à près de 15 fois les bénéfices. En revanche, il fallait aussi accepter de vivre avec l’incertitud­e et le risque lié à la nouvelle réglementa­tion. La société a su traverser cette crise. Aujourd’hui, son titre s’échange à près de 28 fois les bénéfices par action prévus et sa valeur a été multipliée par sept.

5. La capacité d’endurer la critique et l’échec Dans un portefeuil­le bien diversifié, peu importe qu’il compte 25 ou 60 titres, vous aurez toujours des sociétés qui traîneront de la patte. Ce qui compte est l’ensemble du portefeuil­le. L’univers de la Bourse n’est pas fait pour le perfection­niste qui s’attend à avoir raison à tout coup.

Aussi, si votre objectif est d’obtenir des rendements supérieurs au marché dans son ensemble, il faudra inévitable­ment vous démarquer des indices boursiers. Vous choisirez peut-être de détenir un portefeuil­le relativeme­nt concentré de 20 ou 25 titres, ou vous déciderez de ne pas investir dans les titres de secteurs des ressources naturelles que vous jugerez trop cycliques. Se démarquer des indices est à mon avis la seule façon d’avoir une chance de surpasser les indices à long terme. Elle vient toutefois avec un inconvénie­nt certain: vous connaîtrez des périodes de sous-performanc­e par rapport au marché, lesquelles pourront durer assez longtemps. C’est le prix à accepter de payer pour battre le marché à long terme.

Il n’y a pas de recette miracle pour réussir en Bourse. De fait, il y a probableme­nt autant de méthodes pour réussir qu’il y a d’investisse­urs boursiers. La clé est de trouver la méthode qui convient le mieux à votre personnali­té. Mais quelle que soit celle que vous choisirez, vous devrez avoir développé ces cinq qualités pour réussir à long terme.

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En gros, à long terme, ce sont les chiffres qui parlent le plus fort, pas les émotions.

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est gestionnai­re de portefeuil­le chez COTE 100 et éditeur de la «Lettre financière COTE 100». Plusieurs comptes sous la gestion de COTE 100 possèdent des actions de Berkshire Hathaway. Philippe Le Blanc
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