Terres rares : la reprise des prix ne stimule pas l’industrie d’ici
66 M$ pour contribuer à la relance de la mine qui devrait produire quelque 20000 tonnes de carbonate de lithium.
Nemaska Lithium, qui développe la propriété Whabouchi, située à environ 300 kilomètres de Chibougamau, a pour sa part décalé l’exploitation de la mine et de son usine de Shawinigan, qui doit produire 16000 tonnes annuellement. Les activités doivent débuter respective- ment aux derniers trimestres de 2018 et 2019.
Enfin, la société minière australienne Sayona Mining souhaite amorcer, en 2019, la construction de la mine Authier, en Abitibi. L’entreprise en avait fait l’acquisition à l’été 2016, de la société montréalaise Glen Eagle Resources.
Un important nouveau projet de phosphate
À Lac-à-Paul, dans la région du Saguenay–Lac-Saint- Jean, la société Arianne Phosphate s’affaire à développer l’un des plus importants nouveaux projets de phosphate au monde. L’entreprise souhaite profiter de la haute qualité de son gisement, dont la teneur en concentré d’apatite d’environ 39 % est plus élevée que les autres sites miniers mondiaux qui s’élèvent à environ 32%, pour faire sa marque dans l’industrie alimentaire et celle des engrais.
« Nous avons grandement progressé ces derniers mois pour trouver des clients potentiels et du financement », souligne Jean-Sébastien David, chef des opérations d’Arianne Phosphate, qui prévoit amorcer en 2019 la construction de la mine et de l’usine, au coût de 1,2 milliard de dollars, et faire ses premières livraisons de phosphate en 2021.
L’entreprise Mason Graphite, qui travaille au développement du gisement de graphite du Lac Guéret, à environ 285 kilomètres au nord de Baie-Comeau, indique aussi avoir franchi des étapes importantes menant à la construction de la mine et de l’usine, qui pourrait amorcer sa production au début de 2019.
La société minière, qui prévoit des investissements de 200 M$ dans ce projet, vient en effet de verser un dépôt en argent pour confirmer une commande d’équipements requis pour l’usine de traitement.
« C’est une étape importante, car se sont des équipements clés qui exigent de longs délais de livraison », explique Benoît Gascon, président et chef de la direction de Mason Graphite.
Le projet du Lac Guéret, d’une capacité d’environ 50 000 tonnes de concentré par an, contribuera à environ 10 % de la production mondiale. La seule mine de graphite actuellement en activité en Amérique du Nord, celle de Lac-des-Îles près de Mont-Laurier, doit cesser ses activités en 2021.
Le Québec compte actuellement trois autres projets de mine de graphite : le projet Matawinie, à Saint-Michel-des-Saints, le projet Lac Knife, près de Fermont, et le projet Miller à Grenville.
la Malgré la reprise des prix des terres rares (17 métaux précieux présents dans les technologies de pointe), les projets d’exploration au Québec sont soit abandonnés, soit sur la glace ou soit dans une phase de développement à très long terme, montre une enquête de Les Affaires.
« On constate la même chose que vous », laisse tomber Josée Méthot, PDG de l’Association minière du Québec (AMQ), qui représente les principales minières de la province.
Le Québec n’a jamais produit de terres rares. Avant 2012 (années où les prix de sont effondrés), on fondait beaucoup d’espoir, dans l’industrie et au gouvernement, dans le potentiel du sol québécois qui est riche en terres rares.
Les États-Unis ont dominé l’industrie jusqu’en 1982 environ. Depuis les années 1990, le marché est toutefois contrôlé par la Chine, qui produit près de 95 % de ces métaux (incluant la deuxième transformation en oxydes de terres rares), selon le quotidien français Les Échos.
En fait, le seul exploitant non chinois dans le monde est la minière australienne Lynas Corporation. Le minerai de terres rares est produit en Australie, mais il est transformé en oxydes de terres rares en Malaisie. Ces oxydes – qu’ils soient produits en Malaisie ou en Chine – sont ensuite vendus à des utilisateurs finaux, en Europe ou en Asie, afin de fabriquer, par exemple, des aimants permanents que l’on retrouve dans les moteurs des voitures électriques.
Pourquoi les projets ne décollent pas
Selon l’AMQ, la situation au Québec tient à deux facteurs. Premièrement, les coûts de production des terres rares en Chine sont très bas, notamment en raison de l’absence de normes environnementales. Cette concurrence chinoise rend très difficile l’entrée de nouveaux joueurs sur le marché mondial.
Deuxièmement, les prix de ces métaux précieux demeurent relativement faibles, malgré leur augmentation récente. La rentabilité des projets est donc très difficile à atteindre actuellement.
Par exemple, le prix de l’oxyde de néodyme (une terre rare stratégique dans la conception d’éoliennes et de voitures électriques) a augmenté de 20% en 2017, à 46,50 $ US le kilogramme, selon Adamas Intelligence.
Le cours a même grimpé à
75$ US à la mi-septembre, mais il est redescendu l’automne dernier. Depuis le début de 2018, le prix a bondi de 11%, pour s’établir à 51,75$. Adamas Intelligence prévoit que le néodyme continuera d’augmenter cette année.
La hausse des prix des terres rares depuis un an tient en grande partie à la demande accrue pour les voitures électriques et les énergies renouvelables, disent les spécialistes. On retrouve aussi ces métaux dans les téléphones intelligents et les équipements électroniques.
Que se passe-t-il sur le terrain?
Malgré tout, l’industrie est déprimée au Québec et ailleurs dans le monde, à l’exception de la Chine et de rares pays comme l’Australie et la Malaisie.
Depuis janvier, la minière montréalaise Minéraux Rares Quest est en faillite technique. La société, qui souhaitait développer un projet de 1,3 milliard de dollars pour extraire des terres rares dans la fosse du Labrador et les transformer dans la région de Bécancour, a dû abandonner son projet.
Des investisseurs internationaux ont déjà jeté l’éponge depuis quelques années. En 2015, le géant japonais Jogmec (Japan Oil, Gas and Metals National Corporation) s’est retiré en douce d’un projet d’exploration de terres rares au nord-est de Schefferville, rapportait Les Affaires en décembre 2017.
En 2010, la société québécoise Exploration Midland (MD.V; 0,85 $), notamment spécialisée dans la découverte de mines d’or, avait conclu un partenariat avec Jogmec pour son projet d’exploration de terres rares Ytterby. Le projet est sur la glace, mais la minière pourrait le relancer si les prix des terres rares remontaient de manière substantielle dans les prochaines années. Exploration Midland n’a pas voulu nous accorder d’entretien pour ce reportage.
En Abitibi-Témiscamingue, la minière Matamec Explorations (MAT.V; 0,035$) a aussi mis son projet de terres rares Kipawa sur la glace. La japonaise Toyota Tsusho a investi dans ce projet, dans lequel elle détient toujours une redevance de 10%. La reprise des prix des terres rares est loin d’enthousiasmer Matamec Explorations. En fait, l’entreprise est en réflexion stratégique. À terme, elle pourrait même quitter ce secteur pour se concentrer sur celui de l’or, son autre domaine d’expertise, confie au bout du fil son président par intérim François Biron. « La stratégie va sûrement s’enligner sur l’or plutôt que sur les terres rares. Comment ça va s’articuler? On ne le sait pas encore », précise-t-il.
Positionner le Québec comme une source non chinoise
C’est un tout autre son de cloche chez Commerce Resources (CCE.V; 0,08$), une société de Vancouver, qui a un projet de terres rares (Ashram) au Nunavik. Elle continue à développer son projet, dont la viabilité ne repose pas sur des cours élevés. « Le prix n’est pas la caractéristique essentielle qui nous incite à poursuivre notre projet et d’y produire un jour des terres rares », affirme le président Christopher Grove.
Selon lui, ce sont la technologie et l’intérêt d’utilisateurs finaux comme Samsung pour de nouvelles sources d’approvisionnement non chinoises qui rendent viable le projet Ashram au Québec.
Pour sa part, la société québécoise Géomega (GMA; 0,08$), qui a un projet d’exploration (Montviel) dans le Nord-du-Québec, a décidé de miser sur la deuxième transformation (en l’occurrence, la production d’oxydes de néodyme) pour exploiter un jour une mine au Québec.
« Même si les prix augmentent de manière significative, nous ne pourrons pas produire du minerai au Québec avec une bonne rentabilité », affirme le président et chef de l’exploitation, Kiril Mugerman.
C’est pourquoi la minière est en train de développer une technologie propre (sans rejets toxiques comme en Chine) afin de produire des oxydes de néodyme à partir du minerai qui serait tiré d’une éventuelle mine au Québec.
Si jamais sa technologie fonctionne parfaitement et que des producteurs d’aimants permanents s’engagent à acheter sa production d’oxydes de néodyme, Géomega pourrait alors mettre en service sa mine dans les années 2020, estime M. Mugerman.
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