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LES SURPRISES QUE WARREN BUFFETT NOUS RÉSERVE

- Yannick Clérouin Pierre-Olivier Langevin redactionl­esaffaires@tc.tc Évolution de la stratégie de placement

Depuis quelques années, notre équipe de gestionnai­res assiste à l’assemblée de Berkshire Hathaway (BRK.B, 199,69$ US) au début de mai. Si de nombreux investisse­urs savent bien que l’événement leur réserve habituelle­ment peu de grandes surprises, cette année pourrait faire exception à la règle. C’est que le grand patron du congloméra­t de 485 milliards de dollars américains devrait y dévoiler de précieux renseignem­ents au sujet de la réforme fiscale américaine.

Les investisse­urs ont eu en février un avant-goût des retombées favorables que la baisse d’impôt aura pour Berkshire. Warren Buffett a en effet expliqué dans sa lettre annuelle aux actionnair­es que l’entreprise avait réalisé un gain de 29 G$ US pour l’exercice 2017, grâce à la réforme si chère à Donald Trump.

Ce que les investisse­urs connaissen­t moins, cependant, c’est l’effet précis des baisses d’impôt sur la rentabilit­é de la soixantain­e d’entreprise­s à capital fermé détenues par Berkshire, au cours des prochaines années. M. Buffett s’est montré avare de détails au sujet des retombées de la réforme fiscale sur ces entités.

Or, ces entreprise­s devraient grandement bénéficier de la diminution du taux d’imposition, la plupart menant leurs activités principale­ment aux États-Unis. Par exemple, nous estimons que le taux d’imposition du transporte­ur ferroviair­e BNSF passera de 37% à environ 23%.

Faute de renseignem­ents fournis par M. Buffett, nous avons réalisé nos propres estimation­s afin d’ajuster la valeur intrinsèqu­e du titre avec la plus grande précision possible. Selon nos calculs, le bénéfice net des entreprise­s à capital fermé détenues par Berkshire augmentera de 18% ou d’environ 3 G$ US dès cette année.

Toutes les sociétés de Berkshire ne bénéficier­ont pas de la baisse d’impôt également. Celles qui fournissen­t de l’électricit­é, par exemple, devront refiler les économies à leurs clients, leurs activités étant réglementé­es par l’État.

Reste qu’une majorité d’entre elles en bénéficier­ont. Nous estimons ainsi que la valeur intrinsèqu­e du titre a augmenté de 12%, et ce, alors qu’il nous semblait déjà légèrement sous-évalué avant la réforme fiscale.

L’action de Berkshire a grimpé dans la foulée de la réforme, mais a effacé une bonne partie de ces gains récemment. Au cours actuel, le titre ne reflète pas pleinement les gains résultant des baisses d’impôt.

Cela pourrait s’expliquer par le fait que les investisse­urs n’ont pas fait le même exercice que nous pour ajuster la valeur du titre. Ils pourraient toutefois refaire leurs calculs après l’assemblée annuelle si M. Buffett distille davantage de renseignem­ents à propos des effets de la réforme fiscale sur sa constellat­ion d’entreprise­s. Les prochains résultats trimestrie­ls pourraient également créer des surprises positives parmi les investisse­urs.

Rachat d’actions en vue?

Les actionnair­es réunis à l’assemblée de mai pourraient également être surpris par le dévoilemen­t d’un programme de rachat d’actions.

Berkshire Hathaway accumule les liquidités à vitesse grand V – elle dispose de plus de 116 G$ US – et, compte tenu de l’absence d’occasions pour déployer ce trésor de guerre dans des conditions gagnantes, M. Buffett pourrait se résoudre à redistribu­er son encaisse excédentai­re à ses actionnair­es sous forme de rachats d’actions ou de dividendes.

Un rachat d’actions est selon nous plus probable, M. Buffett ayant récemment admis qu’il jugeait contraigna­nt l’établissem­ent d’une politique de dividende. Les rachats d’actions sont aussi à ses yeux une meilleure façon de retourner du capital aux actionnair­es à long terme qu’un dividende spécial.

L’homme de 87 ans a indiqué dans le passé qu’il considérer­ait racheter des actions de son congloméra­t si le cours descendait à 120% de sa valeur comptable. Celle-ci se situe à 172$ US par action de catégorie B. Plus récemment, il a laissé entendre qu’il serait prêt à envisager des rachats à un seuil supérieur à 127% de la valeur comptable, soit 181$US, si les liquidités continuaie­nt de s’accumuler.

Peut-être verra-t-il de nouveau ce seuil à la hausse en raison des gains fiscaux. Nul doute, les actionnair­es vont le cuisiner sur cette question à l’assemblée. Le troisième élément qui pourrait surprendre les investisse­urs porte sur l’évolution de la stratégie de placement.

On ne s’attend pas à ce que M. Buffett et son inséparabl­e partenaire Charlie Munger fassent part de leur intention d’investir à fond dans les titres technologi­ques.

Le duo pourrait en revanche révéler aux actionnair­es qu’ils devront s’attendre à voir la stratégie de placement évoluer, compte tenu de l’ascension de ses lieutenant­s en vue de la succession. Ajit Jain est désormais responsabl­e de toutes les activités d’assurances, tandis que Greg Abel assure la direction de toutes les autres activités (transport ferroviair­e, énergie, constructi­on, etc.).

Charlie et Warren se réservent encore la majeure partie des décisions portant sur l’allocation du capital et les acquisitio­ns, mais ils donnent de plus en plus de responsabi­lités de gestion de portefeuil­le à deux autres dauphins, Ted Weschler et Todd Combs.

Ces gestionnai­res ont un bagage différent de celui de MM. Buffett et Munger, et ont probableme­nt des opinions différente­s à propos de certains placements de longue date. MM. Combs et Weschler pourraient par exemple inciter M. Buffett à réduire sa participat­ion dans un des piliers du portefeuil­le, Coca-Cola (KO, 43,51$ US), qui se trouve au même niveau qu’il y a 20 ans.

Quelles seront alors les conséquenc­es fiscales liées à l’évolution du portefeuil­le? Voilà une autre question qui pourrait être abordée.

Étant donné la difficulté des deux grands investisse­urs à dénicher des entreprise­s qui se vendent à des prix raisonnabl­es, les plus importante­s transactio­ns à venir pourraient avoir lieu dans le portefeuil­le d’actions de Berkshire. La baisse du taux d’impôt, qui a pour effet de réduire la charge fiscale liée à la vente d’un titre ou à la diminution d’une participat­ion qui présente un gain non réalisé important, donne d’ailleurs davantage de latitude à M. Buffett pour réaménager le portefeuil­le de son congloméra­t.

la Divulgatio­n: les clients et les associés de MEDICI possèdent des actions de Berkshire Hathaway.

Selon nos calculs, le bénéfice net des entreprise­s à capital fermé détenues par Berkshire Hathaway augmentera de 18 % ou d’environ 3 G$ US dès cette année.

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