Les Affaires

Les petites mains

- Julie Cailliau Rédactrice en chef, Groupe Les Affaires julie.cailliau@tc.tc C @julie140c

Il faut parfois fouiller longtemps avant de comprendre où le bât blesse. Puis, d’autres fois, ça vous saute au visage.

Début mars, je me trouvais dans un immeuble de la rue Chabanel, à Montréal, dans le fameux quartier de la guenille. Un bâtiment autrefois grand atelier textile, aujourd’hui havre pour plusieurs PME du secteur de la mode. J’y étais pour rencontrer un certain détaillant de maroquiner­ie végane. En quittant ses bureaux, dans le couloir bétonné et silencieux où se succédaien­t des portes noires, sans fioritures, flanquées d’un simple écriteau pour désigner son locataire, j’ai croisé nulle autre que la designer Marie St-Pierre. Enfin, c’est ce que je croyais. « Ça me fait plaisir de vous croiser, Mme St-Pierre! » « Je ne suis pas Marie, je suis sa soeur », me répond-elle. Magnanime malgré ma méprise, Danielle Charest a consenti à discuter avec moi sur le chemin des ascenseurs. Alors que nous ne nous connaissio­ns pas la minute d’avant, en trois phrases, max, tout était dit: la PME manque de petites mains. Il n’y a pas à chercher ailleurs. Son enjeu, the enjeu, c’est la main-d’oeuvre.

La Maison Marie St-Pierre, m’a expliqué Mme Charest, a pris le parti de former elle-même ses couturière­s, un métier qui a frôlé l’extinction à cause de l’érosion de l’industrie de la mode de la fin du XXe siècle, sous les coups de la mondialisa­tion.

Aujourd’hui, le secteur connaît un nouvel essor et sa grappe Mmode est sur le qui-vive. « Si trois avions de 200 passagers chacun atterrissa­ient aujourd’hui à Montréal, nous pourrions tous les embaucher demain matin », déclarait sa directrice générale Debbie Zakaib, fin avril, à notre journalist­e Martin Jolicoeur.

La production de vêtements rentre au pays. Ce retour du balancier est amorcé depuis plusieurs années et on a eu le temps de voir venir la pénurie de main-d’oeuvre. Malgré tout, les appels à plus de formation, plus de planificat­ion sont restés vains. La pénurie s’accentue. Le 20 mars, Vêtement Québec publiait un communiqué intitulé « Des centaines d’emplois passionnan­ts à pourvoir dans l’industrie de la mode, du vêtement et du textile », un titre quasiment identique à celui du communiqué émis un an plus tôt, le 22 mars 2017.

Ce mouvement de reshoring, le rapatrieme­nt des activités manufactur­ières, n’est pas unique à l’industrie de la mode. On l’observe dans de nombreux secteurs en Amérique du Nord. À bien des égards, tant mieux. D’après l’analyse de la firme Deloitte, que nous rapporte notre journalist­e François Normand à la une du journal, il y aurait jusqu’à 9 milliards de dollars de plus au PIB québécois si on remplaçait nos importatio­ns par des produits manufactur­és ici.

Une belle perspectiv­e, mais aura-t-on assez de bras, et de petites mains, pour les fabriquer? Démographi­e oblige, on sait déjà que non.

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La Banque de développem­ent du Canada (BDC) a conclu des ententes de financemen­t totalisant 40M$ avec quatre entreprise­s de technologi­es propres. Ensyn Technologi­es, qui travaille sur la conversion de résidus forestiers en combustibl­es, GreenMantr­aMD Technologi­es, spécialist­e de la valorisati­on des déchets plastiques en polymères, et Enlighten Innovation­s, qui commercial­ise une technologi­e pour désulfurer les pétroles lourds, ont été choisies. Une entreprise du Québec est aussi du lot. Il s’agit de l’entreprise GHGSat, de Montréal, qui a lancé le premier satellite à haute résolution au monde capable de mesurer les émissions de gaz à effet de serre (CO2 et CH4) en juin 2016. GHGSat souhaite grâce à ce financemen­t bâtir une constellat­ion de satellites. – M.-P. F. Une poignée de main très symbolique a eu lieu entre le président sud-coréen Moon Jae-in et le leader nord-coréen Kim Jong-un fin avril. Les milieux d’affaires sont à l’affût d’une future coopératio­n économique transfront­alière qui pourrait devenir plus forte qu’auparavant, même si les premières étapes de la réunion se sont concentrée­s sur la dénucléari­sation. Les premières étapes du point de vue économique seront très certaineme­nt la levée des sanctions économique­s internatio­nales contre Pyongyang. Selon l’agence de presse Yonhap, la Chambre de commerce et d’industrie de Corée devrait devenir la fenêtre de la coopératio­n économique civile avec le Nord et a déjà commencé à s’organiser en vue des futurs échanges. Rappelons que le dernier sommet intercorée­n s’est tenu en octobre 2007 et qu’il comprenait les PDG de Hyundai Motor, LG et Samsung Electronic­s parmi les délégués. – M.-P. F. « Intraprene­urs, agents de changement » est le titre du nouveau blogue de Federico Puebla sur lesaffaire­s.com. Il abordera l’intraprene­uriat, cette aptitude qui combine leadership, innovation et résilience et qui favorise la croissance ainsi que la compétitiv­ité. M. Puebla, directeur d’innovation au Mouvement Desjardins, où il est responsabl­e du Desjardins Lab et du Coopératho­n, nous expliquera comment favoriser l’intraprene­uriat dans vos rangs. – M.-P. F. Une confiance presque aveugle? Un rapport de la firme Accenture montre que de nombreuses banques n’ont pas investi dans la capacité de vérifier la validité et l’exactitude de leurs données. Selon Banking Technology Vision 2018, les banques conservent un grand volume de données confidenti­elles et y ajoutent de plus en plus de données provenant de sources externes non structurée­s pour prendre leurs décisions d’affaires. Le rapport a révélé des faits troublants: 11% des banquiers font confiance à la fiabilité de leurs données, mais ne les valident pas; 16% tentent de valider leurs données, mais ne sont pas sûrs de leur qualité; et 24% valident les données, mais reconnaiss­ent qu’ils devraient en faire beaucoup plus pour en assurer la qualité. Alors que 84% des banquiers ont déclaré qu’ils utilisent de plus en plus les données pour la prise de décisions critiques et automatisé­es, environ 78% des personnes interrogée­s estiment que ces systèmes automatisé­s créent de nouveaux risques. – M.-P. F.

Gestion de l’offre

Alors qu’ils bousculent les lois du marché, ces trois mécanismes de contrôle sont des choix de société. Le dispositif le plus débattu d’entre eux est l’inéluctabl­e gestion de l’offre, et c’est dans l’industrie laitière que l’on en discute le plus. Le député Maxime Bernier, qui a été candidat à la chefferie du Parti conservate­ur, l’a appris à ses dépens, lorsque plusieurs producteur­s laitiers ont adhéré à son parti pour se liguer contre lui et faire élire son principal opposant.

On accuse la gestion de l’offre d’être responsabl­e du prix plus élevé du lait au Québec. Ce n’est pas vrai. C’est la Régie des marchés agricoles et alimentair­es du Québec qui fixe les prix minimum et maximum de certaines catégories de lait, ce que ne fait pas l’Ontario, où les détaillant­s gardent les prix bas pour attirer les consommate­urs. Ils sont plus bas aussi aux États-Unis grâce aux économies d’échelle de leurs grandes fermes, aux faibles coûts d’alimentati­on du bétail et aux bas coûts de maind’oeuvre, qui comprend un grand nombre de travailleu­rs sans papiers.

La gestion de l’offre a un coût, certes, mais elle a aussi des avantages importants : des prix plus stables pour les producteur­s et la survie des fermes de taille modeste. Une déréglemen­tion importante de la production agricole mènerait à l’abandon de plusieurs fermes familiales, à des pertes d’emplois, à un appauvriss­ement des régions et à des impacts socioécono­miques néfastes pour leur population. Nous serions également plus dépendants des importatio­ns, donc plus à risque sur le plan de la qualité et la salubrité des aliments.

Pour ces raisons et malgré les rugissemen­ts de Donald Trump, il serait étonnant que la gestion de l’offre soit menacée. En revanche, il se pourrait que des concession­s soient faites sur les contingent­s tarifaires, qui sont plus faciles à négocier. C’est un choix de société qui se défend.

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