Les petites mains
Il faut parfois fouiller longtemps avant de comprendre où le bât blesse. Puis, d’autres fois, ça vous saute au visage.
Début mars, je me trouvais dans un immeuble de la rue Chabanel, à Montréal, dans le fameux quartier de la guenille. Un bâtiment autrefois grand atelier textile, aujourd’hui havre pour plusieurs PME du secteur de la mode. J’y étais pour rencontrer un certain détaillant de maroquinerie végane. En quittant ses bureaux, dans le couloir bétonné et silencieux où se succédaient des portes noires, sans fioritures, flanquées d’un simple écriteau pour désigner son locataire, j’ai croisé nulle autre que la designer Marie St-Pierre. Enfin, c’est ce que je croyais. « Ça me fait plaisir de vous croiser, Mme St-Pierre! » « Je ne suis pas Marie, je suis sa soeur », me répond-elle. Magnanime malgré ma méprise, Danielle Charest a consenti à discuter avec moi sur le chemin des ascenseurs. Alors que nous ne nous connaissions pas la minute d’avant, en trois phrases, max, tout était dit: la PME manque de petites mains. Il n’y a pas à chercher ailleurs. Son enjeu, the enjeu, c’est la main-d’oeuvre.
La Maison Marie St-Pierre, m’a expliqué Mme Charest, a pris le parti de former elle-même ses couturières, un métier qui a frôlé l’extinction à cause de l’érosion de l’industrie de la mode de la fin du XXe siècle, sous les coups de la mondialisation.
Aujourd’hui, le secteur connaît un nouvel essor et sa grappe Mmode est sur le qui-vive. « Si trois avions de 200 passagers chacun atterrissaient aujourd’hui à Montréal, nous pourrions tous les embaucher demain matin », déclarait sa directrice générale Debbie Zakaib, fin avril, à notre journaliste Martin Jolicoeur.
La production de vêtements rentre au pays. Ce retour du balancier est amorcé depuis plusieurs années et on a eu le temps de voir venir la pénurie de main-d’oeuvre. Malgré tout, les appels à plus de formation, plus de planification sont restés vains. La pénurie s’accentue. Le 20 mars, Vêtement Québec publiait un communiqué intitulé « Des centaines d’emplois passionnants à pourvoir dans l’industrie de la mode, du vêtement et du textile », un titre quasiment identique à celui du communiqué émis un an plus tôt, le 22 mars 2017.
Ce mouvement de reshoring, le rapatriement des activités manufacturières, n’est pas unique à l’industrie de la mode. On l’observe dans de nombreux secteurs en Amérique du Nord. À bien des égards, tant mieux. D’après l’analyse de la firme Deloitte, que nous rapporte notre journaliste François Normand à la une du journal, il y aurait jusqu’à 9 milliards de dollars de plus au PIB québécois si on remplaçait nos importations par des produits manufacturés ici.
Une belle perspective, mais aura-t-on assez de bras, et de petites mains, pour les fabriquer? Démographie oblige, on sait déjà que non.
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La Banque de développement du Canada (BDC) a conclu des ententes de financement totalisant 40M$ avec quatre entreprises de technologies propres. Ensyn Technologies, qui travaille sur la conversion de résidus forestiers en combustibles, GreenMantraMD Technologies, spécialiste de la valorisation des déchets plastiques en polymères, et Enlighten Innovations, qui commercialise une technologie pour désulfurer les pétroles lourds, ont été choisies. Une entreprise du Québec est aussi du lot. Il s’agit de l’entreprise GHGSat, de Montréal, qui a lancé le premier satellite à haute résolution au monde capable de mesurer les émissions de gaz à effet de serre (CO2 et CH4) en juin 2016. GHGSat souhaite grâce à ce financement bâtir une constellation de satellites. – M.-P. F. Une poignée de main très symbolique a eu lieu entre le président sud-coréen Moon Jae-in et le leader nord-coréen Kim Jong-un fin avril. Les milieux d’affaires sont à l’affût d’une future coopération économique transfrontalière qui pourrait devenir plus forte qu’auparavant, même si les premières étapes de la réunion se sont concentrées sur la dénucléarisation. Les premières étapes du point de vue économique seront très certainement la levée des sanctions économiques internationales contre Pyongyang. Selon l’agence de presse Yonhap, la Chambre de commerce et d’industrie de Corée devrait devenir la fenêtre de la coopération économique civile avec le Nord et a déjà commencé à s’organiser en vue des futurs échanges. Rappelons que le dernier sommet intercoréen s’est tenu en octobre 2007 et qu’il comprenait les PDG de Hyundai Motor, LG et Samsung Electronics parmi les délégués. – M.-P. F. « Intrapreneurs, agents de changement » est le titre du nouveau blogue de Federico Puebla sur lesaffaires.com. Il abordera l’intrapreneuriat, cette aptitude qui combine leadership, innovation et résilience et qui favorise la croissance ainsi que la compétitivité. M. Puebla, directeur d’innovation au Mouvement Desjardins, où il est responsable du Desjardins Lab et du Coopérathon, nous expliquera comment favoriser l’intrapreneuriat dans vos rangs. – M.-P. F. Une confiance presque aveugle? Un rapport de la firme Accenture montre que de nombreuses banques n’ont pas investi dans la capacité de vérifier la validité et l’exactitude de leurs données. Selon Banking Technology Vision 2018, les banques conservent un grand volume de données confidentielles et y ajoutent de plus en plus de données provenant de sources externes non structurées pour prendre leurs décisions d’affaires. Le rapport a révélé des faits troublants: 11% des banquiers font confiance à la fiabilité de leurs données, mais ne les valident pas; 16% tentent de valider leurs données, mais ne sont pas sûrs de leur qualité; et 24% valident les données, mais reconnaissent qu’ils devraient en faire beaucoup plus pour en assurer la qualité. Alors que 84% des banquiers ont déclaré qu’ils utilisent de plus en plus les données pour la prise de décisions critiques et automatisées, environ 78% des personnes interrogées estiment que ces systèmes automatisés créent de nouveaux risques. – M.-P. F.
Gestion de l’offre
Alors qu’ils bousculent les lois du marché, ces trois mécanismes de contrôle sont des choix de société. Le dispositif le plus débattu d’entre eux est l’inéluctable gestion de l’offre, et c’est dans l’industrie laitière que l’on en discute le plus. Le député Maxime Bernier, qui a été candidat à la chefferie du Parti conservateur, l’a appris à ses dépens, lorsque plusieurs producteurs laitiers ont adhéré à son parti pour se liguer contre lui et faire élire son principal opposant.
On accuse la gestion de l’offre d’être responsable du prix plus élevé du lait au Québec. Ce n’est pas vrai. C’est la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec qui fixe les prix minimum et maximum de certaines catégories de lait, ce que ne fait pas l’Ontario, où les détaillants gardent les prix bas pour attirer les consommateurs. Ils sont plus bas aussi aux États-Unis grâce aux économies d’échelle de leurs grandes fermes, aux faibles coûts d’alimentation du bétail et aux bas coûts de maind’oeuvre, qui comprend un grand nombre de travailleurs sans papiers.
La gestion de l’offre a un coût, certes, mais elle a aussi des avantages importants : des prix plus stables pour les producteurs et la survie des fermes de taille modeste. Une déréglemention importante de la production agricole mènerait à l’abandon de plusieurs fermes familiales, à des pertes d’emplois, à un appauvrissement des régions et à des impacts socioéconomiques néfastes pour leur population. Nous serions également plus dépendants des importations, donc plus à risque sur le plan de la qualité et la salubrité des aliments.
Pour ces raisons et malgré les rugissements de Donald Trump, il serait étonnant que la gestion de l’offre soit menacée. En revanche, il se pourrait que des concessions soient faites sur les contingents tarifaires, qui sont plus faciles à négocier. C’est un choix de société qui se défend.
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