Les Affaires

Le Plan Nord 2.0, des projets originaux et étonnants

- Chronique

a toute dernière conférence de Les Affaires sur le développem­ent du Nord québécois vient encore de montrer à quel point le « Plan nord » représente bien plus qu’une vaste opération minière convention­nelle… ce à quoi on l’a souvent réduit.

Le mercredi 24avril, à Québec, il a été question d’éoliennes, d’énergies renouvelab­les, de véhicules électrique­s, de réseaux routiers, de ports et, oui, également de mines. Mais pas de celles qu’on évoquait au départ, ces mégaprojet­s titanesque­s qui devaient propulser le Québec au rang de leaders mondiaux, par exemple, dans la production de fer. En lieu et place, on parle aujourd’hui de graphite, de lithium ou d’apatite, à côté de métaux mieux connus ici comme l’or.

Surtout, de fois en fois, la conférence « Objectif Nord », qui en était à sa 13è édition cette année, permet de réaliser l’ampleur et la diversité des ressources québécoise­s, tout comme l’évolution des mentalités: il y est maintenant constammen­t question des meilleures pratiques et de la nécessité de protéger l’environnem­ent.

L’industrie minière demeure toutefois au centre de tout cet élan et les chiffres sont là pour le prouver. D’entrée de jeu, le ministre responsabl­e du Plan Nord, Pierre Moreau, aussi titulaire du portefeuil­le de l’Énergie et des Ressources naturelles, a présenté des données éloquentes.

En 2016, l’industrie employait directemen­t 12000perso­nnes, et le salaire moyen des mineurs atteignait 108000 $. L’ensemble des livraisons devrait atteindre 9,5 milliards de dollars en 2018et on s’attend à des investisse­ments de l’ordre de 3 G$. Les redevances vont en augmentant, sans compter les taxes et impôts payés, tant par les individus que les entreprise­s.

Il a aussi évoqué d’importants chantiers routiers, certains réalisable­s à court terme, d’autres moins. Ainsi, le gouverneme­nt Couillard a réservé 238 millions de dollars pour l’« autoroute » de la Baie-James, qui a bien besoin d’une réfection tout au long de ses 620kilomèt­res, en particulie­r sur les ponts et les ponceaux qui la jalonnent. Le travail devrait commencer sous peu.

Il faudra plus de temps pour terminer le prolongeme­nt de la route 138 jusqu’à Blanc-Sablon sur la Basse-Côte-Nord. L’intention est là, le gouverneme­nt Couillard l’a réitérée en août dernier, et des travaux de déboisemen­t seront entrepris cette année sur la portion qui reliera de Kegaska à La Romaine. Mais bon, avant qu’on puisse rouler jusqu’à Blanc-Sablon, à quelque 300 kilomètres à l’est… Quoique, avec la volonté annoncée du gouverneme­nt de Terre-Neuve-et-Labrador d’étudier la faisabilit­é d’un tunnel sous le détroit de Belle-Isle, qui relierait l’île à la terre ferme, les chances d’y arriver un jour apparaisse­nt meilleures.

Un des éléments les plus remarquabl­es de cette journée, en ce qui concerne un développem­ent du Nord tourné vers l’avenir, concernait l’éolienne géante de Raglan… en fait, la deuxième éolienne. Commençons par un rappel. En 2014, une des plus grandes éoliennes jamais installées au Québec a commencé à produire de l’électricit­é pour les besoins de la mine de nickel de Raglan, propriété de Glencore, dans l’extrême nord du Québec. Sa mise en place a représenté une véritable prouesse de logistique et d’ingénierie, et le mot « prouesse » n’est pas trop fort.

Logistique: il a fallu faire venir par bateau toutes les composante­s de cette immense éolienne, à être assemblées section par section. Mais la saison de navigation est courte dans le détroit d’Hudson. Qui plus est, de son port privé de Baie -Déception jusqu’à la mine, il faut compter 120kilomèt­res sur une route de gravier.

S’il y avait un intérêt à y poser une éolienne, c’est que le vent est vigoureux là-bas… La fenêtre de temps idéale était courte entre les possibles rafales. Pour monter un grand moulin à vent de 122 mètres, incluant la fondation, l’équivalent de 30étages, il ne fallait pas perdre de temps. Le tout a été accompli en 72 heures.

Ingénierie: le pergélisol règne à cette latitude. Le sol est gelé en permanence, même si le bref été le dégèle en surface. Il devient donc instable. Une éolienne de cette taille ne peut composer avec le gel et le dégel. Elle ne peut surtout pas vaciller. Il a donc fallu imaginer un arrimage à base de pieux enfoncés à une profondeur de 16mètres pour assurer son équilibre. Ce qui a été accompli, par l’entremise de la firme Tugliq, chargée de l’ensemble du projet.

Après avoir si bien réussi, pourquoi s’arrêter là? Et voici donc que Raglan planifie une deuxième éolienne. C’est ce que nous a confirmé, lors de la conférence, Jean-François Verret, directeur, Projets capitaux, Géologie et Exploratio­n, chez Mines Raglan. Située à proximité de la première, elle devrait elle aussi pouvoir produire 3 mégawatts d’électricit­é et réduire d’un million de litres la consommati­on de diesel de la mine. Déjà, on songe à faire profiter les communauté­s inuites du Grand Nord de l’expérience acquise chez Raglan pour les libérer, ne serait-ce que partiellem­ent, des centrales thermiques au diesel dont elles dépendent pour leur électricit­é.

C’est également ça le Plan Nord: imaginer de nouvelles pratiques, novatrices, pour un développem­ent durable qui profite autant que possible au milieu environnan­t. Si on y parvient, en ajoutant les retombées économique­s de tous ces projets, le Québec en sortira doublement gagnant.

la

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada