Les Affaires

PRÊT POUR LA RÉGLEMENTA­TION EUROPÉENNE ?

- Denis Lalonde denis.lalonde@tc.tc C @@ DenisLalon­de

Les entreprise­s québécoise­s sont-elles prêtes à risquer une amende pouvant atteindre 20 millions d’euros (30 M$) ou 4 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial ?

C’est ce qui pourrait arriver à celles qui ne se sont pas encore conformées au nouveau Règlement général pour la protection des données (RGPD), en vigueur dans l’Union européenne (UE) depuis le 25 mai.

Par le RGPD, la Commission européenne affirme vouloir accorder aux citoyens un meilleur contrôle sur leurs données à caractère personnel. Elle estime aussi que les entreprise­s de l’UE ne seront pas défavorisé­es par rapport à celles qui sont implantées sur un autre territoire.

De l’aveu de la Commission, les nouvelles normes de l’UE en matière de protection des données sont les plus strictes du monde. Qui plus est, ces normes exigent « des entreprise­s établies en dehors de l’UE qu’elles appliquent les mêmes règles que celles qui sont installées dans l’UE dans le cas où elles offrent des biens et des services dans le domaine des données à caractère personnel ou surveillen­t le comporteme­nt de personnes dans l’Union ».

Établir un diagnostic

Nicolas St-Sauveur, avocat en droit commercial au bureau de Québec de BCF, estime que les entreprise­s québécoise­s et canadienne­s doivent en premier lieu faire un diagnostic de tout ce qui entoure la collecte, la rétention, l’utilisatio­n, la modificati­on et la suppressio­n des données personnell­es. « Pourquoi on parle du RGPD aujourd’hui ? C’est que c’est la loi la plus contraigna­nte encadrant l’utilisatio­n de données à caractère personnel. Si on s’y conforme, il y a de fortes chances qu’on satisfasse toutes les autres », dit-il.

M. St-Sauveur ajoute que la date du 25 mai était importante pour toutes les entreprise­s qui collectent des données en Europe, mais qu’il ne s’agit pas d’une date butoir. « J’ai discuté avec des collègues européens et tout le monde n’est pas prêt là-bas non plus. L’important, si une entreprise doit fournir des rapports aux autorités, sera de démontrer qu’elle a commencé à mettre différents mécanismes en place », explique-t-il.

La Commission nationale de l’informatiq­ue et des libertés (CNIL), autorité administra­tive qui veillera au respect du RGPD en France, a d’ailleurs publié sur son site web un guide en six étapes pour se conformer au règlement.

La tâche n’apparaît pas simple, mais les entreprise­s qui veulent profiter au maximum de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG), entré en vigueur en septembre 2017, ont tout intérêt à s’y conformer. « Pour commencer, les entreprise­s devraient établir un registre des données et aussi mettre en place, dans la mesure du possible, un programme de sensibilis­ation des employés à cette nouvelle loi et aux enjeux de protection des données personnell­es », ajoute Danielle Miller Olofsson, avocate et chef de l’équipe de protection des données chez BCF.

M. St-Sauveur prévient que les entreprise­s qui tarderont à se conformer au RGPD s’exposeront à une amende salée, mais également à un risque de financemen­t. Selon lui, les banques canadienne­s pourraient exiger, avant d’octroyer un prêt, que l’entreprise montre patte blanche en ce qui concerne leur conformité au RGPD. « Le jour où les banques vont cesser de prêter, vous allez voir les entreprise­s se conformer en masse », dit-il.

Une démarche exigeante... mais payante

Sophie Deschênes-Hébert, avocate spécialisé­e en droit du marketing et en protection des renseignem­ents personnels chez Legault Joly Thiffault, estime que les entreprise­s qui ont déjà fait les travaux nécessaire­s pour se conformer aux lois sur la protection des renseignem­ents personnels en vigueur au Québec et au Canada ont déjà accompli une bonne partie du travail.

« C’est certain que la réglementa­tion européenne est plus contraigna­nte, mais les lois reposent toutes sur le principe du consenteme­nt. Les entreprise­s qui n’ont pas effectué les travaux pour se conformer aux lois en vigueur ici vont trouver la démarche plus exigeante », dit-elle.

District M, une entreprise de Montréal qui offre des plateforme­s qui permettent de faire le lien entre les annonceurs et les éditeurs et des services de publicité programmat­ique, dit avoir travaillé un peu plus de six mois à se conformer au RGPD. L’entreprise qui compte plusieurs clients en Europe se devait d’effectuer ces travaux. « Le travail des éditeurs est un peu plus complexe. Ce sont eux qui sont sur la ligne de front et qui doivent s’assurer de gérer le consenteme­nt des individus en ligne », explique Dominic Fortin, directeur des technologi­es de l’informatio­n chez District M.

M. Fortin souligne qu’un élément important prévu dans le règlement stipule que les éditeurs, comme tous les donneurs d’ordres, partageron­t la responsabi­lité d’une violation au RGPD d’un fournisseu­r ou d’un sous-traitant. « Ça comprend les sous-traitants, et aussi les sous-traitants des sous-traitants », précise Mme Deschênes-Hébert.

Un enjeu pour les PME

À la Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te (FCEI), on estime que 10 % des PME membres font affaire en Europe. « Je ne pourrais pas vous dire combien de nos membres sont en conformité avec le RGPD, mais il reste encore beaucoup de travail à faire », confie Martine Hébert, vice-présidente principale de l’organisati­on qui compte 110 000 membres. La FCEI entend demander au Commissari­at à la protection de la vie privée du Canada de développer des outils pour aider les entreprise­s canadienne­s à se conformer au règlement. « Ça va devenir un enjeu de plus en plus important à mesure que les sociétés du pays vont vouloir saisir des occasions qui sont liées à l’AECG entre le Canada et l’Europe », dit-elle.

Sur le site web du Commissari­at, un document daté de février indique qu’il existe des principes fondamenta­ux communs entre le RGPD et la Loi sur la protection des renseignem­ents personnels et les documents électroniq­ues du Canada, tout en admettant que les lois sont « différente­s ». Le Commissari­at précise dans le même document qu’il n’est pas responsabl­e d’assurer la conformité au RGPD.

la

 ??  ?? Les entreprise­s qui veulent profiter au maximum de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne ont tout intérêt à se conformer au nouveau RGPD.
Les entreprise­s qui veulent profiter au maximum de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne ont tout intérêt à se conformer au nouveau RGPD.

Newspapers in French

Newspapers from Canada