Les Affaires

L’ENJEU DE LA MAIN-D’OEUVRE, VU DE MONT-LAURIER

- René Vézina rene.vezina@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ vezinar

Le Québec au grand complet cherche du renfort. Un taux de chômage historique­ment bas conjugué à une démographi­e vacillante pose de solides défis à toute entreprise en mal de ressources. Québec vient d’ailleurs de présenter sa Stratégie nationale de la main-d’oeuvre, qui veut essentiell­ement améliorer l’employabil­ité des jeunes et des immigrants ; le PQ, lui, suggère que ces immigrants soient davantage dirigés vers les régions qui en ont désespérém­ent besoin, ce qui aiderait au passage à leur francisati­on.

Mais ce ne sont pas que les régions réputées dynamiques affichant un faible taux de chômage qui demandent de l’aide.

Prenez la MRC d’Antoine-Labelle, dans les Hautes-Laurentide­s. Elle englobe un large territoire au nord de Mont-Tremblant. Contrairem­ent à la partie sud de la région administra­tive des Laurentide­s, le taux de chômage y est supérieur à la moyenne québécoise, près de 10%, comparativ­ement à 5,4%. Le déclin de l’industrie forestière n’a pas aidé.

Pourtant, on cherche constammen­t du renfort dans ce centre régional qu’est Mont-Laurier. Voilà une municipali­té attrayante avec tous les services… et en panne de travailleu­rs pour assurer son présent et son avenir.

Voici quelques exemples, dans les secteurs les plus diversifié­s, qui illustrent les difficulté­s causées par ce manque de ressources.

Miels d’Anicet

Il s’agit ici du plus important centre d’élevage de reines abeilles du Canada. La demande est particuliè­rement forte cette année, alors que l’hiver a été désastreux pour les apiculteur­s, déjà éprouvés par quelques années de mortalité importante dans leurs ruches. De plus, on y produit aussi des « bébés ruches », pour remplacer celles qui ont été décimées.

L’entreprise est située à Ferme-Neuve, à une vingtaine de kilomètres de Mont-Laurier. Elle existe depuis 18 ans et emploie, ou devrait employer, 35 personnes… « Nous fonctionno­ns actuelleme­nt à plein rendement, mais il nous faudrait plus de monde, notamment des apiculteur­s, et c’est quand même un métier spécialisé » , dit Anne-Virginie Schmidt, copropriét­aire de Miels d’Anicet. Il n’y a que le collège d’Alma qui offre cette formation profession­nelle, et encore, pas de façon régulière, précise-t-elle.

Au moins, pour les ruches, elle peut maintenant compter sur l’apport de deux travailleu­rs mexicains venus en renfort.

Par ailleurs, l’entreprise est aussi active en agrotouris­me et en tourisme « gourmand » grâce à la vente de ses produits. Mais il faut des cuisiniers, et il lui en manque actuelleme­nt deux… Même situation pour les visites guidées de la ferme, normalemen­t prises en charge par des étudiants de cégeps et d’université­s, doués pour l’apprentiss­age et la communicat­ion, mais pas faciles à trouver…

« Nous allons même en recruter à Montréal et les héberger sur place, dit-elle. Le tourisme est un important moteur de développem­ent économique pour une région comme la nôtre, pour autant qu’on ne soit pas pris avec ce manque d’effectif qui nous touche actuelleme­nt. »

Groupe KTG

Le secteur agroalimen­taire des environs de Mont-Laurier doit composer avec une pénurie de main-d’oeuvre, mais c’est aussi le cas pour le milieu industriel.

Le Groupe KTG effectue du placement de travailleu­rs spécialisé­s, comme des mécanicien­s ou des soudeurs, pour des projets donnés. Il intervient lui-même dans les usines, notamment pour l’optimisati­on de la production ou les travaux d’entretien préventifs. Il en emploie aussi une soixantain­e de personnes dans son atelier d’usinage à Mont-Laurier.

Sa clientèle se répartit au Québec, en Ontario et aux États-Unis. Pour bien remplir toutes ses fonctions, il lui faudrait compter sur une centaine de travailleu­rs. Mais il lui en manque au moins 40…

« Des contremaît­res, des soudeurs, du personnel d’usine… nous en cherchons toujours, mais nous n’en trouvons que très peu », se désole Laurence Tardif, directrice, Ressources humaines et santé-sécurité chez KTG. « À tel point que nous avons ouvert notre propre salle de formation pour requalifie­r des gens intéressés », ajoute-t-elle.

Le renfort arrivera en partie de l’extérieur. En juin, avec la collaborat­ion d’agences de recrutemen­t, des soudeurs tunisiens seront reçus sur place, avec l’espoir qu’il s’en trouvera bien quelques-uns avec les habiletés recherchée­s, ce qui allégerait un peu la pression. Pour l’instant, KTG est forcé, comme tant de PME, de prendre la décision toujours douloureus­e de refuser des mandats.

La Turquoise

Le cabinet d’assurances La Turquoise, établi à Saint-Eustache, possède 11 succursale­s au Québec, dont une à Mont Laurier. Elle y emploie 17 personnes et en recherche activement au moins trois autres. La concurrenc­e pour le personnel compétent et accrédité est vive dans l’industrie des services financiers. « Et on doit aussi vivre avec les départs à la retraite », explique Yanick Thibault, directeur du développem­ent des affaires en assurances des entreprise­s chez La Turquoise. Qui plus est, on ne s’improvise pas courtier en assurances : la profession est régie par l’AMF, qui exige des examens et un stage avant la pratique.

« Au besoin, nous engageons des gens prometteur­s sans permis, et nous les formons tout en les rémunérant et en assumant les frais de l’examen requis par l’AMF. Si nous ne le faisons pas, des succursale­s comme la nôtre, en région, n’existeront plus dans dix ans », dit-il.

Ajoutez tous les besoins des institutio­ns, des commerces, des organismes communauta­ires… Oui, la pénurie de travailleu­rs est bien réelle au Québec. Les employeurs de Mont-Laurier, pour ne parler que de ceux-ci, peuvent en témoigner.

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