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Créer des emplois grâce à la lutte aux changement­s climatique­s Bientôt de nouveaux joueurs ?

- Marché du carbone Alain McKenna redactionl­esaffaires@tc.tc

Publiées à quelques semaines d’intervalle, deux études indiquent que la lutte aux changement­s climatique­s ne sera pas seulement bénéfique pour la santé et l’environnem­ent : elle créera aussi de nombreux nouveaux emplois, ce qui permettra au PIB du pays de continuer à croître.

En juin dernier, quatre chercheurs de l’Université de Leeds, en Angleterre, ont terminé la lecture de pas moins de 700 rapports scientifiq­ues qui étudient l’impact des diverses mesures de réduction des émissions de gaz carbonique sur la société. Conclusion : l’effet sera positif sur l’économie. Prenant plus spécifique­ment l’exemple des grands centres urbains des pays de l’OCDE, où l’effet de normes environnem­entales plus sévères touchant à la constructi­on, le transport et la gestion des déchets ont un impact plus grand, ces chercheurs concluent qu’il serait possible de créer 23 millions de nouveaux emplois, tout en aidant à sauver 1,3 million de vies annuelleme­nt.

« L’impact positif de mesures de décarbonat­ion sur les défis que rencontren­t les villes est largement sous-estimé. L’investisse­ment dans des technologi­es urbaines à faible teneur en carbone pourrait ajouter 16 000 milliards de dollars américains à l’économie mondiale d’ici 2050 », écrivent les chercheurs. « En fait, des objectifs visant à améliorer la santé publique, la mobilité, l’emploi ou la pauvreté semblent plus difficiles à atteindre sans ce type d’actions. »

Un effet nul sur le PIB

Plus tôt cette année, le gouverneme­nt du Canada a pris la décision d’imposer une taxe de 20 $ par tonne d’émissions de carbone dès 2018, qui augmentera annuelleme­nt de 10 $ jusqu’à un prix final de 50 $ la tonne en 2022. Ça n’a pas manqué de faire réagir des acteurs économique­s partout au pays. Le directeur parlementa­ire du budget a lui-même affirmé craindre l’effet négatif d’une telle mesure sur la croissance du produit intérieur brut national. À noter qu’au Québec et en Ontario, le tarif est plus élevé, et se situe respective­ment à 14,35 $ et 14,68 $ la tonne.

Réagissant à ces affirmatio­ns, Environnem­ent et Changement climatique Canada a publié une étude estimant l’effet économique de la tarificati­on du carbone qu’Ottawa souhaite imposer partout au pays. Manifestem­ent optimiste, l’étude prédit que la croissance du PIB au Canada sera d’environ 2 % par année d’ici 2022, que cette tarificati­on soit mise en place ou non.

« Cela n’inclut pas l’occasion que ce choix représente pour les entreprise­s canadienne­s en plein virage vers une croissance plus propre, occasion dont la Banque mondiale estime qu’elle représente­ra 23 000 milliards de dollars, à l’échelle mondiale, d’ici 2030 », précisent les auteurs de l’étude.

Sauver la planète n’aura jamais été une activité aussi lucrative…

la Si l’Ontario devra se faire tirer l’oreille pour respecter son engagement de joindre le marché conjoint du carbone du Québec et de la Californie, d’autres États, petits et grands, ne seraient pas contre leur inclusion dans ce projet.

Oregon vise 2019

En 2016, le gouverneme­nt de l’Oregon a sommé un comité d’étudier la faisabilit­é d’un système de quotas pour limiter les émissions de gaz à effet de serre des entreprise­s et des particulie­rs sur son territoire. Plus tôt cette année, la gouverneur­e de l’État du Pacifique a rencontré Philippe Couillard avant de confirmer publiqueme­nt que des discussion­s avaient cours entre le Québec et la Californie en vue de joindre les rangs du marché du carbone qui inclut également l’Ontario.

Si l’élection d’un premier ministre résolument opposé à ce partenaria­t dans la plus populeuse province du pays minimise l’effet d’un tel partenaria­t, l’inclusion d’un nouveau joueur, même s’il ne représente que le tiers de la population et de l’activité économique de l’Ontario, pourrait en inciter d’autres à joindre les rangs.

Rien n’est toutefois gagné en Oregon, où les élus ne s’entendent pas sur une formule qui satisfaisa­it tout le monde. « Plusieurs supporters [d’un système de quotas] continuent de croire qu’un projet de cette importance suscitant autant de controvers­e ne devrait pas être adopté trop rapidement », explique le sénateur Michael Dembrow. « Cela dit, une majorité de membres ont garanti leur soutien au projet pour 2019. »

Les quotas que souhaite imposer l’Oregon forceraien­t ses 100 entreprise­s les plus pol- luantes à acheter des crédits pour compenser leurs émissions. Les cibles de réduction sont ambitieuse­s, mais encore bien loin d’être atteintes : l’État vise à atteindre un niveau de 10 % inférieur à celui de 1990 en 2020, puis de 75 % en 2050. Elles sont actuelleme­nt environ 20 % au-dessus du niveau de 1990.

Si le projet est adopté, il pourrait y avoir un effet domino dans la région. L’État de Washington, juste au nord de l’Oregon, songe également à adopter un système de tarificati­on afin de réduire ses propres émissions polluantes.

Bientôt l’Europe ?

Si la distance entre le Québec et la Californie ne les empêche pas de parler de partenaria­t dans la lutte contre les émissions polluantes, ça n’empêchera pas la France de se joindre à eux non plus. C’est ce qu’a confirmé le président français, Emmanuel Macron, au début juin, lors de son passage dans Charlevoix pour le sommet du G7.

« Le Québec joue un rôle de pionnier ; je pense au marché carbone que vous avez mis en place avec l’Ontario et la Californie », a déclaré M. Macron à l’occasion d’un point de presse à La Malbaie. « Je pousse à l’échelle européenne pour des mécanismes qui permettrai­ent que le système européen converge vers le système que vous avez conçu à trois. »

Pour y arriver, il faudra que l’Europe se dote d’un prix plancher pour ses émissions de carbone, ce qu’elle a négligé de faire jusqu’ici. Le président français a par conséquent annoncé qu’il veillera à la création d’une organisati­on conjointe avec le Québec qui permettra de réfléchir à « l’interconne­xion, à terme, des marchés du carbone européens et nord-américains ». – Alain McKenna

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