Personnalité internationale
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Giselle Leung, directrice, The Global Impact Investing Network (GIIN)
Personnalité internationale —
DIANE BÉRARD – Quelle est la différence entre l’investissement responsable et l’investissement d’impact? GISELLE LEUNG
– L’investissement responsable et l’investissement socialement responsable emploient des filtres pour aligner la stratégie de l’investisseur et ses valeurs. Ce sont les filtres ESG: Environnement, Social et Gouvernance. L’investisseur responsable regarde comment les gestionnaires se comportent par rapport aux critères ESG. L’investisseur d’impact, quant à lui, affiche une démarche plus active, et non d’exclusion. Il recherche des entreprises dont le modèle d’affaires consiste à apporter des solutions à des enjeux sociaux ou environnementaux, par exemple le logement abordable ou les énergies durables.
D.B. – Quels critères définissent l’investissement d’impact? G.L.
– D’abord, l’intention. L’impact sociétal positif doit avoir été voulu et planifié par l’entreprise qui s’en réclame. Il doit être le fruit de son action délibérée. Quant au gestionnaire de portefeuille, il procède à une vérification diligente de l’impact et conserve ce réflexe dans tous ses investissements similaires. L’investissement d’impact couvre les mêmes classes d’actifs que l’investissement traditionnel et, comme lui, offre un spectre étendu de rendements. Enfin, l’impact est mesuré et les indicateurs sont définis au moment du lancement du projet.
– GIIN est un OSBL lancé il y a huit ans. Notre mission consiste à accroître la portée et l’efficacité de l’investissement d’impact. Nous menons une vigie d’information et des activités de recherche, et nous offrons des outils ainsi que des ressources aux investisseurs qualifiés et non qualifiés. Plus de 250 organisations de 30 pays partagent leur expérience sur notre plateforme. Nous sommes financés par l’abonnement, les dons et le financement gouvernemental.
D.B. – Quelle est la sphère d’influence de GIIN? G.L.
– Nous veillons à ce que le marché soit bien positionné pour répondre à la demande pour l’investissement d’impact à mesure que celle-ci se manifeste. Les États et les entreprises nous appellent souvent en renfort pour comprendre la nature de l’investissement d’impact et les besoins de ce type d’investisseurs.
D.B. – En mars dernier, vous avez publié une vision du futur de l’investissement d’impact et des recommandations pour les marchés financiers. Dites-nous-en plus. G.L.
– Nous estimons que six catégories d’actions sont requises pour dessiner des marchés financiers plus inclusifs et plus pérennes. D’abord, établir des principes et des standards pour l’investissement d’impact. Ensuite, changer les paradigmes qui guident le comportement et les attentes des investisseurs pour refléter la responsabilité de la finance envers la société. Il faut aussi dessiner des outils et des services incluant l’impact. Développer des produits financiers qui répondent aux besoins et aux préférences d’un large spectre d’investisseurs. Accroître le nombre de professionnels de l’investissement rompus à l’investissement d’impact ainsi que le pipeline d’occasions d’investissement, tout cela par l’éducation. Enfin, déployer des politiques et une réglementation qui lèvent les barrières et incitent à choisir l’investissement d’impact.
D.B. – Du 8 au 11 juillet prochain, Rome accueillera la troisième édition de la conférence du Vatican sur l’investissement d’impact. Quel est l’intérêt de l’Église catholique pour l’investissement d’impact? G.L.
– Les hôtes de cette conférence sont le Dicastère pour le service du développement humain intégral et Catholic Relief Services. Le premier a été créé en 2016 par le pape François. Le Dicastère s’intéresse aux questions liées à la charité, au développement, aux migrants, à l’environnement et à la santé. Le pape a maintes fois énoncé la nécessité que l’économie soit au service d’un développement humain inclusif. Quant au Catholic Relief Services, c’est une association humanitaire de l’Église catholique des États-Unis. L’Église catholique s’intéresse au concept de financement mixte ( blended finance), soit l’utilisation stratégique de financement du développement et des fonds philanthropiques pour mobiliser les flux de capitaux privés vers les marchés émergents. Cette démarche vise des résultats positifs pour les investisseurs et les collectivités touchées.
D.B. – Peut-on dresser un profil type de l’investisseur d’impact? G.L.
– C’est un groupe hétérogène. On y trouve des caisses de retraite pour qui l’investissement d’impact s’inscrit dans une stratégie de diversification, tout en répondant aux demandes des déposants. De nombreuses fortunes familiales ( family offices) s’intéressent aussi à l’investissement d’impact.
D.B. – Trouve-t-on plus d’occasions d’investissement d’impact dans les pays émergents que dans les économies matures? G.L.
– L’offre est également répartie entre ces deux types d’économies. Aux États-Unis, par exemple, elle existe depuis quatre décennies déjà. Les projets sont particulièrement nombreux dans le secteur du logement abordable ainsi que dans celui des services financiers aux clientèles sous-servies. Dans les économies matures, on trouve aussi bon nombre de projets immobiliers d’efficacité énergétique.
D.B. – Plusieurs gestionnaires de fonds affirment qu’ils proposeront l’investissement d’impact à leurs clients lorsque la réglementation sera plus facilitante. Que pensez-vous de cette affirmation? G.L.
– La réglementation joue un rôle critique dans le développement de l’investissement d’impact. Prenons le cas du devoir fiduciaire des investisseurs institutionnels. Il est évident que si celui-ci est élargi de façon claire nous assisterons à une croissance de l’appétit de ce type d’investisseurs.
D.B. – Que pouvez-vous nous dire de cette réglementation? G.L.
– En 2013, alors qu’elle occupait la présidence du G8, la Grande-Bretagne a déployé un chantier sur l’investissement social. C’était un signal lancé au marché de l’intérêt des États pour ce type de financement. Depuis, ce chantier s’est étendu aux membres du G20. Ils se penchent sur les mesures incitatives les plus efficaces pour favoriser le développement de l’investissement d’impact.
D.B. – Que pensez-vous de la lettre que Larry Fink, PDG du gestionnaire d’actifs BlackRock, a adressée aux entreprises dans lesquelles il investit pour les inciter à avoir un impact extrafinancier et une utilité sociétale? G.L.
– C’est un signal intéressant. On en a beaucoup parlé, mais il est trop tôt pour prédire l’influence de cette lettre et les changements qu’elle pourrait déclencher.
D.B. – On évoque souvent le rôle des caisses de retraite dans le déploiement de l’investissement d’impact. Est-ce une des cibles de GIIN? G.L.
– Oui, l’initiative GIIN pour l’investissement d’impact institutionnel vise l’éducation, l’information et la création d’une communauté de pratiques.
– Giselle Leung, directrice, The Global Impact Investing Network (GIIN) Le 6 juin dernier, GIIN a dévoilé les résultats de son huitième sondage, interrogeant 229 investisseurs d’impact majeurs, qui représentent un actif de 228 G $ US. Il révèle que le tiers des investisseurs traditionnels ont commencé des activités d’investissement d’impact. En 2019, GIIN lancera des principes généraux d’investissement d’impact.
fait le point.
Heineken (HEINY, 49,87 $ US) : les pays émergents à la rescousse
Pour les grands brasseurs, la planche de salut passe par les marchés émergents, pense Jordan Waldrep, gestionnaire de portefeuille du Vice Fund, un fonds américain spécialisé dans l’alcool, le tabac, les jeux de hasard et l’industrie militaire. « Il n’y a plus beaucoup d’occasions de croissance dans les pays développés, explique-t-il en entrevue. Mais dans les marchés émergents, où la classe moyenne s’accroît et où l’urbanisation améliore l’accès aux produits de qualité, il y a des occasions. »
M. Waldrep croit que le brasseur Heineken (HEINY), qui vient de faire l’acquisition de Kirin, au Brésil, se démarque à cet égard. Au premier trimestre, les ventes de la société dans les pays émergents ont augmenté de 9%, affichant une croissance particulièrement vigoureuse au Mexique et au Vietnam (aux alentours des 20%).
Philip Gorman, de Morningstar, croit que la marque Heineken se trouve dans un segment « premium » et qu’elle jouit d’une loyauté plus forte par rapport à ses concurrents. Une faiblesse de Heineken par rapport à Anheuser-Busch In Bev (BUD), le plus important brasseur au monde, réside dans sa plus petite taille. En raison de celle-ci, l’entreprise néerlandaise génère un retour sur l’investissement inférieur à celui d’AB InBev, estime M. Gorman.
Robert Ottenstein, d’Evecore ISI, commence à songer à se montrer plus optimiste étant donné son opinion favorable en ce qui a trait aux perspectives dans les pays émergents. Par contre, il pense qu’AB InBev pourrait accroître la pression concurrentielle dans les marchés principaux de Heineken: Vietnam, Mexique et Nigéria. Il reste donc sur les lignes de côté.
Augmentation des ventes au Mexique et au Vietnam AB InBev (BUD, 96,80 $ US): des analystes gardent foi en Budweiser
La baisse de 28% de l’action depuis son sommet de l’automne 2016, a de quoi donner quelques maux de tête aux actionnaires d’ABInBev, mais des analystes gardent espoir. Des 10 qui suivent le titre du plus important brasseur au monde, 7 ont une recommandation d’achat, contre 1 « conserver » et 2 « vendre », selon une recension de Reuters.
Si le marché est difficile, la force opérationnelle du producteur de la Budweiser est un atout pour le titre, juge PhilipGorham, de Morningstar. La société, qui a la réputation de mener d’agressives recherches de synergies dans les sociétés qu’elle achète, a « une très efficace stratégie de gestion de coûts », selon lui. L’acquisition de SABMiller en 2016 pour l’équivalent de plus de 100 G$ US offrirait des occasions en ce sens.
Pour sa part, James Edwardes Jones, de RBC Marchés des capitaux, voit le verre à moitié plein. L’analyste, qui a une recommandation « performance de secteur » sur le titre, résume bien les forces et les faiblesses de la multinationale. « Nous sommes déchirés, écrit-il. Nous savons qu’il y a du bon: le contrôle des coûts, la réduction de la dette, mais nous savons aussi qu’elle ne s’est pas montrée douée pour accroître ses volumes de ventes.
Pendant que la bière perd son élan, les vins et les spiritueux gagnent en popularité. En 2006, la bière représentait 65% de la consommation d’alcool des jeunes Américains de 21 à 27 ans, selon des données d’AB InBev. Cette proportion a chuté à 43 % en 2016.
L’intérêt des jeunes pour les spiritueux est bénéfique à une entreprise comme Brown-Forman (BF.B), le fabricant du Jack Daniel. « La croissance s’annonce vigoureuse tandis que nous sommes à la huitième année de la renaissance du whisky, commente Vivien Azer, de Cowen. En comparaison, le dernier cycle de la vodka a duré 35 ans (de 1975 à 2010). »
Le problème est que l’investisseur paie cher ce succès anticipé. Le titre s’échange à près de 30 fois les prévisions de bénéfice des 12 prochains mois. Des 18 analystes qui le suivent, seulement quatre ont une recommandation d’achat, 14 sont sur les lignes de côté et deux suggèrent la vente, selon Reuters. « La croissance sera vraisemblablement forte, mais on voit difficilement comment les prévisions pourraient être revues à la hausse pour justifier le multiple actuel », commente Nik Modi, de RBC Marchés des capitaux. L’analyste note également que l’imposition d’un tarif européen de 25 % sur le bourbon américain rend les espoirs encore plus difficiles à satisfaire.
En septembre 2015, Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale, avait recommandé le titre à notre table ronde automnale. Il aimait ses « fortes marques de commerce » et les perspectives de croissance dans les marchés émergents. Il a depuis pris ses profits pour aller chercher de « meilleures occasions ». « Si quelqu’un peut se démarquer dans cette industrie, c’est Brown-Forman, affirme-t-il en entrevue. Ce qui me freine, c’est que l’évaluation est très élevée. Par contre, il faut noter que l’année 2017 a été difficile, ce qui peut faire en sorte que les multiples paraissent élevés lorsqu’on les juge en se fiant au passé. »
Constellation Brands (STZ, 231,50 $ US) : la favorite des analystes
Avec son portefeuille diversifié, Constellation Brands (STZ) semble la mieux outillée pour étancher la soif des investisseurs, selon le consensus des analystes.
Dans le secteur de l’alcool, il s’agit de la plus importante position du Vice Fund, dévoile son gestionnaire de portefeuille. « Dans l’industrie, c’est très important de se trouver dans les bons segments et c’est le cas de Constellation Brands, croit M. M. Waldrep. Leurs marques sont alignées avec les goûts des milléniaux, dont le pouvoir d’achat est en croissance. » Sonia Vora, de Morningstar, abonde dans le même sens. Elle ajoute que la population hispanophone aux États-Unis représente 40% de leur clientèle et ce groupe démographique est en croissance. Constellation, qui distribue les marques Corona et Modelo aux États-Unis, vend 6 des 15 bières importées les plus vendues chez nos voisins du sud. Même si le vin et les spiritueux (40% des ventes de STZ) gagnent en popularité auprès des consommateurs, Mme Vora pas n’est aussi enthousiaste que pour les bières de Constellation (60% des ventes). Elle souligne que le marché du vin est fragmenté et que les consommateurs sont peu loyaux aux marques. Elle cite un rapport du Wine Intelligence qui affirme que 75% des buveurs de vin font leur choix en fonction des promotions. « Ces actifs sont donc moins robustes que ceux de la bière. Les spiritueux sont attrayants, mais ne comptent que pour 5% des ventes, ces marques n’ont pas d’impact matériel. » M. Schwartz n’a que des bons mots pour l’entreprise, mais il met les investisseurs en garde contre le multiple élevé de l’entreprise, qui est à 21,5 fois les bénéfices des douze prochains mois. « C’est l’une des rares sociétés qui performe très bien dans le secteur, mais l’évaluation est simplement trop chère. »
Contrairement à M. Schwartz, qui a un style « valeur », Veronika Hirsch, d’Arrow Capital, à Toronto, ne se formalise pas du multiple. En tant que gestionnaire de portefeuille de style « croissance », elle trouve normal de payer pour le fort potentiel. Une opinion que partage la majorité des analystes interrogés par Reuters. Des 22 qui suivent le titre, 17 ont une recommandation d’achat et seulement cinq suggèrent de le conserver. Mme Hirsch aime le côté innovant de l’entreprise, qui sait anticiper les tendances du marché. Elle donne en exemple l’acquisition d’une participation de 9,9% dans le producteur de marijuana Canopy Growth (WEED) pour un montant de 245 M$. La transaction ouvre la porte à une possible création de boissons infusées à la marijuana, lorsque la loi le permettra. « Ce n’est pas une des raisons pour laquelle il faudrait acheter le titre maintenant, mais c’est un exemple de la manière dont les réflexions de la direction sont en avance sur les autres, précise-t-elle au bout du fil. C’est sûr que les retombées ne se verront peut-être pas avant plusieurs années, mais j’étais heureuse de les voir réagir rapidement. » La diversification est d’autant plus astucieuse que la légalisation de la marijuana pourrait gruger des parts de marché de l’alcool, souligne Mme Hirsch. Dans les États américains où la marijuana a été légalisée, les ventes de bières ont diminué de 4,4%, selon un rapport de Cowen & Company. Quand les deux options sont légales, certains consommateurs semblent choisir de diversifier leur source de « buzz ».
Si la légalisation du cannabis risque d’avoir des contrecoups, ceux-ci se feront tout de même sentir avec modération, pense M. Waldrep. « La préoccupation est rationnelle, mais elle est exagérée. Une fois la marijuana légalisée, c’est vrai que les consommateurs auront les deux options légales. S’ils préfèrent la marijuana à l’alcool, certains en consommeront davantage au détriment de l’alcool. Par contre, la grande majorité des revenus qui seront générés par l’industrie légale du cannabis proviendront du marché noir. Ça ne se fera pas par un transfert massif des dépenses en alcool. »
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