Les Affaires

En attendant la rentrée boursière « La correction rend Kraft Heinz attrayant »

– Daniel Chartier,

- Dominique Beauchamp dominique.beauchamp@tc.tc beauchamp_dom Analyse Marchés en action

L’étén’estpasuneb­onne saison pour tirer des conclusion­s sur la Bourse, tant il manque de participan­ts à l’appel.

L’absence d’acheteurs et de vendeurs amplifie les fluctuatio­ns et laisse parfois de fausses impression­s.

Les déclaratio­ns contradict­oires de Donald Trump, font réagir le billet vert, les taux, le pétrole ainsi que les industries secouées par ses menaces commercial­es.

Pas étonnant dans ces circonstan­ces que les négociateu­rs s’agitent comme des poules sans tête.

La chute de 3% du cours du cuivre, le 19 juillet à un plancher d’un an, est une récente manifestat­ion du tumulte qui règne.

Le recul du métal rouge est-il un signe que les tarifs commerciau­x resserrent déjà l’économie ou reflète-t-il tout simplement les craintes ambiantes?

Martin Roberge, stratège quantitati­f de Canaccord Genuity, attribue plutôt ce ressac à la vente en panique de la part de négociateu­rs dont les paris un peu trop énergiques sur le cuivre, entre autres, sont tout à coup déficitair­es.

Les flux commerciau­x se réalignent déjà

Bien que le conflit commercial accentue l’anxiété et l’incertitud­e à court terme, son effet s’annonce pour l’instant modeste sur l’économie mondiale, à moins que le bras de fer ne dégénère.

« Nous assisteron­s probableme­nt à un déplacemen­t des échanges commerciau­x plutôt qu’à une chute brutale du commerce », dit-il.

Déjà, l’Europe resserre ses liens avec le Japon; la Chine vient d’abaisser ses tarifs avec ses voisins proches, donne-t-il en exemple.

M. Roberge rappelle aussi que plusieurs monnaies se déprécient par rapport au dollar américain, ce qui aura pour effet de stimuler les économies des partenaire­s commerciau­x des États-Unis et de compenser une partie des tarifs imposés.

Le Fonds monétaire internatio­nal (FMI) estime qu’une guerre commercial­e amputerait de 1% la croissance mondiale, mais l’agence ne touche pas à ses prévisions de 3,9% pour 2018 et 2019 pour l’instant.

Si ces prévisions se réalisaien­t, on assisterai­t aux deux meilleures années de croissance consécutiv­e depuis celles de la reprise de 2010 et de 2011. La Fed plus souple qu’on pensait En même temps, les plus récents témoignage­s du nouveau patron de la Fed devant le Sénat ont de quoi rassurer.

La banque centrale ne fait pas la sourde oreille aux risques d’une guerre commercial­e, contrairem­ent aux alarmistes qui la croyaient soudée à une hausse mécanique des taux.

Jerome Powell surveille l’écart entre les taux à court et les taux à long terme, la fameuse courbe de taux, tant citée par les stratèges en tant qu’indicateur précurseur des récessions.

Le président de la banque centrale s’est aussi montré fort confiant en l’économie américaine et surtout dans le retour plus visible sur le marché du travail des Américains en âge de travailler. Des records à fracasser Si l’évaluation généreuse de la Bourse dérange de plus en plus, surtout celle des titres FAANG (Facebook, Amazon, Apple, Netflix et Google-Alphabet) qui domine, certains observateu­rs rappellent la capacité de la Bourse de nous surprendre.

Dans une note intitulée « Les records sont là pour être battus », Charlie Bilello, de Pension Partners, laisse entendre que l’élan de l’économie et de la Bourse est tel qu’il pourrait bien surpasser deux marques antérieure­s d’ici 12 mois.

« Si le S&P 500 termine 2018 à la hausse, il aura battu la succession épique de neuf ans consécutif­s de rendement total positif de 1991 à 1999. Et si le cycle de croissance américaine durait encore quatre autres trimestres, le record de 120 mois d’expansion économique, entre 1991 à 2001, serait aussi brisé.

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STÉPHANE ROLLAND – Les inquiétude­s qui circulent sur la pérennité du marché haussier vous ont-elles incité à ajuster vos placements? DANIEL CHARTIER

– Nous ne voulons pas que nos clients ne réagissent qu’aux manchettes des journaux. Ce n’est pas le moment de prendre de grandes décisions radicales, du genre: « Je vends toutes mes actions ». Par contre, nous sommes sensibles au désir de certains clients. Si le client est inquiet, nous allons l’accompagne­r et lui faire prendre quelque profit. Réduire de 10% sa pondératio­n en actions est raisonnabl­e. On ne le fera jamais dans un grand basculemen­t. Pour nos clients qui sont à l’aise avec le contexte boursier actuel, nous n’avons pas bougé significat­ivement.

S.R. – Vous êtes donc optimiste, mais vous vous ajustez à vos clients. D.C.

– Je dirais plutôt que je suis neutre. Il y a des risques importants, mais il faut également souligner les points positifs avant de réagir. Le marché est presque au plein emploi en Amérique du Nord et il s’améliore en Europe. La croissance économique est régulière et l’inflation demeure contenue. Ça contraste avec les épisodes de fortes croissance­s et de reculs des dernières décennies. Les résultats des sociétés sont bons et les bilans sont généraleme­nt sains, bien que certaines entreprise­s aient profité des faibles taux pour s’endetter davantage. Les multiples ne sont pas en territoire d’aubaine, mais ce n’est pas la grande spéculatio­n non plus.

S.R. – Quels sont les risques que vous cernez? D.C.

– La longue durée du marché haussier est en elle-même un risque. En soi, ce n’est pas nécessaire­ment un présage de la fin du cycle, mais ça incite à une certaine prudence. Le protection­nisme ambiant est également une source d’inquiétude­s. Les taux d’intérêt, pour leur part, sont à surveiller. Pour l’instant, les banques centrales normalisen­t lentement leurs taux, mais une hausse plus rapide des taux ou de l’inflation représente­rait un risque. Il faut rester prudent devant les embellies en Bourse. Je pense au secteur technologi­que et au créneau du cannabis.

S.R. – Vous avez une approche défensive et aimez les titres à dividendes. Comment vous adaptez-vous au contexte de hausse des taux d’intérêt ? D.C.

– Nous essayons de trouver des titres à dividendes axés sur l’activité économique afin de ne pas avoir trop de titres sensibles aux taux d’intérêt. Par exemple, WSP Global (WSP) ou TFI Internatio­nal (TFII) font partie de nos choix récents.

S.R. – Quelle société est sur votre écran radar? D.C.

– Le titre de Kraft Heinz (KHC) est sous pression en raison de la stagnation de ses ventes. Les goûts des consommate­urs changent et les nouvelles mères sont moins enthousias­tes à l’idée d’acheter leurs produits que nos mères l’étaient. Le marché n’aime pas ça. Pour l’instant, la rentabilit­é vient de la gestion des coûts et des synergies, et non pas d’un engouement pour les produits. Il serait surprenant que la société reste les bras croisés devant les changement­s de goûts des consommate­urs. Après la correction du titre, le prix de l’action et le dividende de 3,9% rendent le risque plus faible. Sinon, la direction est crédible et la société a un bon bilan financier.

C’est le moment de prendre des bénéfices sur le titre du fabricant de jouets, croit Gerrick Johnson, de BMO Marchés des capitaux, qui abaisse sa recommanda­tion à « sous-performanc­e ». La liquidatio­n de Toys « R » Us pourrait être plus dommageabl­e que prévu pour la saison des Fêtes 2018. De plus, certaines marques comme My Little Pony, Nerf, Marvel et Star Wars commencent à s’essouffler. Le titre se négocie à 19,3 fois son anticipati­on de bénéfice, mais il croit qu’il devrait s’échanger à 15 fois. Paul Steep, de Banque Scotia, abaisse sa recommanda­tion à « performanc­e de secteur », alors que le titre a gagné près de 25 % en 2018. Il attribue la progressio­n à quelques catalyseur­s : une réforme de l’impôt aux États-Unis, une demande potentiell­ement accrue pour les services d’informatio­n technologi­que du gouverneme­nt américain et une plus forte augmentati­on des revenus. Le titre n’a plus le potentiel d’appréciati­on nécessaire au maintien de la recommanda­tion. La cible demeure à 87 $. Darko Mihelic, de RBC Marchés des capitaux, pense que la BMO fournira la meilleure performanc­e financière de l’industrie pour les exercices 2019 et 2020. Il note que la Banque a une exposition plus faible que les autres dans le secteur des prêts personnels et commerciau­x au Canada. Il croit qu’elle sera en conséquenc­e moins touchée que ses pairs par un ralentisse­ment du PIB canadien. Il hausse sa recommanda­tion à « surperform­ance ». La cible passe de 120 $ à 124 $. Mark Wilde, de BMO Marchés des capitaux, amorce le suivi du fabricant de produits plastiques avec une recommanda­tion « performanc­e de marché ». Le plus important motif pour détenir le titre est la croissance interne. Les revenus ont augmenté de 6 % entre 2015 et 2016 et devraient avancer à la même cadence dans les prochaines années. À 8 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissem­ent (BAIIA) anticipé pour 2019, le titre est, selon lui, pleinement évalué. La cible est à 14 $.

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