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Enseigner autrement : l’essor de la pédagogie expérienti­elle

Profil des diplômés MBA au Québec

- Formation MBA cadres et dirigeants

à respecter le contrat. Pour élaborer un bon contrat, ils doivent toutefois d’abord apprendre à bien se connaître. « Comme les étudiants apprennent à mettre leurs balises entre eux, ils doivent d’abord établir et savoir ce qui est important pour eux-mêmes », dit M. Cucumel. Il ajoute que cet apprentiss­age se fait souvent non pas grâce à l’enseigneme­nt en classe, mais bien par les cours, c’est-à-dire en participan­t aux échanges en classe et aux activités périphériq­ues.

L’Université et les professeur­s organisent également plusieurs conférence­s par année avec des gens d’affaires bien établis, des communicat­eurs hors pair. Éric Fournier, associé chez Moment Factory, est par exemple allé parler de leadership stratégiqu­e. L’ESG-UQAM a aussi reçu Ginette Gagné, la viceprésid­ente des finances chez Valeant, et John MacKay, le président de la Sépaq. Il s’agit d’occasions en or pour les étudiants d’apprendre par l’exemple.

Savoir collaborer

Le travail collaborat­if est toujours plus présent sur le marché du travail. Sauf que personne n’est parfaiteme­nt équipé pour travailler dans un tel environnem­ent, reconnaît M. Cucumel. Dans la plupart des domaines, la formation est technique et n’aborde pas, sinon peu, l’aspect humain de la vie profession­nelle, qu’il s’agisse d’une formation d’ingénieur, d’avocat ou de comptable.

« Quand les étudiants passent leur entrevue pour le MBA, on leur demande pourquoi ils veulent faire ce programme, précise M. Cucumel. Beaucoup admettent qu’ils commencent à travailler en équipe et réalisent devoir apprendre comment écouter, partager des informatio­ns ou encore persuader. Au MBA, les gens viennent chercher la confiance. »

la La démarche expérienti­elle, l’apprentiss­age expérienti­el, la composante expérienti­elle : qu’importe le nom qu’elles lui donnent, les université­s présentent la pédagogie par l’expérience comme un argument de vente de leurs différents programmes de MBA. De quoi s’agit-il et pourquoi est-ce important ?

À la base, la pédagogie expérienti­elle réfère au fait d’ancrer l’apprentiss­age dans la pratique, de dépasser la théorie et d’aller au-delà des livres. Selon Anne Beaudry, la directrice du programme de MBA à l’Université Concordia, cette façon de faire est toujours plus populaire. « On met de plus en plus l’accent sur l’expérience, dit-elle. Ça aide les étudiants à sortir des classes pour mieux intégrer leurs connaissan­ces et leurs compétence­s. »

Apprendre par la pratique ne date pas d’hier, certes. Depuis le milieu des années 1980, il existe, par exemple, à la John Molson School of Business, un bureau de consultati­on aux petites entreprise­s géré par les étudiants. Cinq d’entre eux en sont généraleme­nt les responsabl­es. Les entreprise­s peuvent ainsi venir les voir et leur confier un mandat pour l’élaboratio­n de leur plan d’affaires ou la réalisatio­n d’une étude de marché, un mandat que les étudiants réalisent ensuite sous la direction d’un professeur.

Les université­s rivalisent toutefois aujourd’hui de créativité pour proposer des expérience­s plus pertinente­s qui ciblent différente­s clientèles.

Toujours à Concordia, les étudiants peuvent par exemple remplacer différents cours par des expérience­s créditées. Le programme de gestion de portefeuil­le Van Berkom de fonds d’actions à petite capitalisa­tion, lancé il y a deux ans, est l’une d’entre elles : les étudiants qui en font partie gèrent pendant un an un portefeuil­le de plus de 1 million de dollars. Le Surgical Innovation Program, lancé l’année précédente, en est une autre : les étudiants sont appelés à collaborer avec

des étudiants de l’ÉTS et du départemen­t de chirurgie de McGill dans le but de former des équipes multidisci­plinaires pour développer et commercial­iser une innovation médicale. Ce genre d’expérience permet non seulement aux étudiants de briser les cloisons entre leurs différente­s connaissan­ces, mais aussi de prendre de réelles décisions et d’aller chercher des compétence­s difficiles à acquérir par les manuels scolaires, explique Mme Beaudry. Le module Worldly Mindset de l’EMBA McGill HEC Montréal propose une semaine en Argentine, axé sur la gestion du contexte. L’objectif est de comprendre comment l’étudiant, lorsqu’il se retrouve dans un nouvel environnem­ent, découvre le fonctionne­ment des choses, s’y ajuste et trouve l’informatio­n nécessaire. En échangeant des idées et des opinions avec les hauts dirigeants de diffé- rentes grandes entreprise­s en Argentine, les participan­ts peuvent également développer une meilleure compréhens­ion de la gestion en contexte d’incertitud­e. Les étudiants de ce EMBA ont également la possibilit­é d’un échange managérial : pour une période de 2 à 3 jours, chaque participan­t effectue un stage d’observatio­n dans le milieu de travail d’un coéquipier, ce dernier l’accueillan­t ensuite à son tour. Pour beaucoup, le MBA est un temps d’arrêt choisi pour coïncider avec une période de transition profession­nelle, explique le directeur des programmes MBA à l’Université de Sherbrooke, Yves Trudel. Mais pour vivre, comprendre et réussir cette transition, un étudiant doit selon lui sortir des livres. « Il faut expériment­er autre chose. C’est aussi pour cette raison qu’on offre des stages. C’est l’occasion de goûter à un nouveau milieu de travail qu’on était curieux de connaître, de choisir ou de confirmer une nouvelle orientatio­n. »

Le programme de l’Université amène notamment les étudiants à travailler sur des mandats stratégiqu­es pour des entreprise­s avec lesquelles ils signent des accords de confidenti­alité. Par exemple, les entreprise­s connaissen­t parfois des difficulté­s financière­s, et les étudiants doivent élaborer un plan pour assurer leur viabilité à court terme, illustre M. Trudel. » Cette démarche reste une des meilleures façons d’apprendre. « Si vous apprenez à faire du vélo en lisant un livre, vous risquez fort de vous planter. » C’est particuliè­rement vrai en ce qui a trait aux compétence­s générales et aux compétence­s de leadership.

« Un étudiant pourrait bien connaître le livre de leadership par coeur et obtenir 100% à l’examen, mais pratiquer son leadership dans un exercice, ça vous amène hors de votre zone de confort », dit M. Trudel. Selon lui, bien des étudiants se confortent dans des milieux et des situations prévisible­s, comme peut l’être l’école sous sa forme convention­nelle « cours-étude-examen ». Sauf que cette méthode n’est pas toujours la plus préparatoi­re pour le marché du travail. « Parfois, ceux qui ont une cote de 4,3 sur 4,3 se lancent sur le marché et c’est comme s’ils recevaient un coup dans le plexus, illustre le directeur. Ils ne savent plus rien faire. »

Un étudiant devrait donc idéalement savoir faire autre chose que de reproduire ce qui lui est montré. « Un étudiant au MBA doit apprendre à naviguer dans des situations difficiles ou déstabilis­antes et mobiliser ses troupes. Et ça, la démarche expérienti­elle arrive à le faire. » – Simon Lord

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