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Personnali­té internatio­nale

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r | diane_berard

Matt Coolidge, cofondateu­r, The Civil Media Company

D.B. – Le 18 septembre, vous mettrez en vente 34 M$ de votre monnaie (CVL token). Elle est destinée au public, pas aux investisse­urs. Expliquez-nous son rôle dans votre stratégie.

M.C. – Nous sommes habitués à la cryptomonn­aie spéculativ­e. Nos acheteurs potentiels, eux, seront soumis à un questionna­ire pour établir leur motivation. Le CVL servira en milieu clos pour les transactio­ns et les interactio­ns entre les lecteurs et les publicatio­ns. L’argent transitera entre le portefeuil­le électroniq­ue des uns et des autres. Ainsi, les journalist­es captureron­t 100% de la valeur de ces transactio­ns, sans aucuns frais retenus par un tiers, comme une institutio­n financière. Notre modèle s’appuie sur le trio journalist­e-publicatio­n-lecteurs.

D.B. – Le CVL remplace-t-il les habituels frais d’abonnement aux publicatio­ns?

M.C. – Non, chaque publicatio­n demeure indépendan­te. Elle reposera sur le modèle d’entreprise de son choix : abonnement, publicité, etc. Le CVL sert plutôt à répartir l’imputabili­té des publicatio­ns envers un journalism­e de qualité entre un grand groupe de citoyens plutôt que de la restreindr­e à un petit groupe de patrons de presse et à leurs actionnair­es. Ainsi, si un lecteur estime qu’une publicatio­n ne respecte pas l’éthique que Civil s’est fixée, il utilise ses CVL pour la remettre en question. Si un nombre suffisant de détenteurs de CVL sont d’accord avec lui, la publicatio­n peut être retirée du site. Dans

Matt Coolidge est cofondateu­r de la plateforme Civil Media Company. Les publicatio­ns seront encadrées par une communauté de détenteurs de cryptomonn­aie, utilisée pour récompense­r les journalist­es ou éjecter les publicatio­ns. M. Coolidge est conférenci­er au Sommet québécois des médias Infopresse, à la mi-septembre. Personnali­té internatio­nale — DIANE BÉRARD – Qu’est-ce que The Civil Media Company?

MATT COOLIDGE – C’est une plateforme qui s’appuie sur la technologi­e de chaîne de blocs ( blockchain) et la cryptomonn­aie pour créer un nouveau modèle d’entreprise en journalism­e. Mais nous ne sommes pas un éditeur. Notre plateforme accueille des publicatio­ns indépendan­tes et leur permet un lien direct avec les lecteurs. Ces derniers deviennent les juges de la qualité de l’informatio­n. Ils peuvent récompense­r ou remettre en question la présence d’une publicatio­n s’ils estiment qu’elle ne respecte pas le code d’éthique, « The Constituti­on », que Civil s’est donné. ce cas, les CVL sont rendus à ceux qui les ont misés. Si les détracteur­s ne sont pas appuyés, ils perdent leurs CVL. Une publicatio­n peut faire appel. Nous avons un comité de 15 experts qui évalueront le dossier. Les détenteurs de CVL sont aussi sollicités lorsqu’une publicatio­n postule pour joindre la plateforme. Ils ont deux semaines pour remettre en question une candidatur­e. Encore une fois, ils doivent le faire en utilisant leur cryptomonn­aie. J’ajouterai que nous avons fixé une valeur maximale de CVL qu’un acheteur peut acquérir, pour éviter tout détourneme­nt du processus démocratiq­ue par un individu ou un groupe d’individus.

D.B. – Le CVL peut servir à donner un pourboire aux journalist­es. Expliquez-nous.

M.C. – Nous pouvons établir une comparaiso­n avec les services de transport partagé. Bien que vous ayez déjà payé votre déplacemen­t par la plateforme, il peut arriver que vous souhaitiez offrir un pourboire au conducteur pour souligner la qualité de sa prestation. Nous croyons que les journalist­es devraient avoir accès à ce service. Surtout dans un contexte où de nombreuses communauté­s se trouvent dans un désert d’informatio­n, forcées de s’abreuver à des sources nationales. Notre plateforme vise, entre autres, le retour des publicatio­ns locales et régionales. On peut donc imaginer un désir des lecteurs d’encourager directemen­t celles-ci, car elles les touchent personnell­ement.

D.B. – Les publicatio­ns qui souhaitent joindre votre plateforme seront soumises à l’approbatio­n des détenteurs de CVL. Mais les 14 premières qui sont hébergées ont suivi un chemin différent. Quel est-il?

M.C. – Nous avons sélectionn­é ces 14 publicatio­ns nous-mêmes. Nous avons approché des journalist­es de grand talent, nous leur avons présenté notre modèle et nous les avons invités à lancer leur publicatio­n. C’est l’histoire du Colorado Sun, formé d’ex-journalist­es du Denver Post spécialisé­s en journalism­e d’enquête. Nous avons investi dans ces 14 publicatio­ns pour leur permettre de décoller. Les prochaines publicatio­ns qui joindront notre plateforme ne seront pas financées. Mais elles auront accès aux outils et aux applicatio­ns que nous développer­ons pour les aider à assurer leur pérennité.

D.B. – D’où viendront vos revenus?

M.C. – Notre structure comporte trois organisati­ons. Civil Foundation est un OBNL qui entretient les liens avec la communauté de lecteurs et qui s’assure du respect de la mission par le code d’éthique. Civil Labs développe des logiciels et des applicatio­ns pour l’écosystème The Civil Media. Nous allons créer notre propre « App Store ». Ces applicatio­ns seront aussi accessible­s aux médias externes, à condition qu’ils respectent nos standards d’éthique. Civil Studio va investir dans des projets d’envergure (baladodiff­usions, documentai­res, grands reportages), un peu à la Netflix.

D.B. – En août, vous avez annoncé un partenaria­t avec l’agence Associated Press. De quoi s’agit-il?

M.C. – Notre partenaria­t comporte deux parties. D’abord, l’Associated Press (AP) octroiera des licences de contenus à toutes les publicatio­ns de la plateforme qui le désirent. Ensuite, l’AP et Civil collaborer­ont pour développer des outils qui reposent sur la technologi­e blockchain pour aider les publicatio­ns à retrouver le flux de leur contenu et à s’assurer que les droits d’auteurs et de licences sont respectés.

D.B. – L’idée d’utiliser une plateforme n’est pas nouvelle. D’autres médias ont leur plateforme ou en utilisent...

M.C. – En effet, mais ce sont principale­ment des sociétés individuel­les. On voit peu de plateforme­s regroupant plusieurs médias indépendan­ts. Quant à celles que les médias utilisent pour promouvoir leur contenu, elles n’ont pas été créées pour servir le journalism­e...

D.B. – Parlons un peu de Facebook...

M.C. – Civil est le contraire de Facebook. Facebook attire des internaute­s avec du contenu, capture leurs infos personnell­es et les revend. Ce n’est pas une plateforme de journalism­e. Elle ne le sera jamais parce qu’elle n’a pas été conçue ainsi. Il faut trouver autre chose afin que ce que reçoivent les journalist­es reflète la valeur du travail qu’ils accompliss­ent. La traçabilit­é que permet la technologi­e blockchain va permettre aux journalist­es d’être rétribués pour l’utilisatio­n de leur contenu.

D.B. – Quel est votre but ultime?

M.C. – Civil ne cherche pas le modèle d’entreprise idéal pour les éditeurs ni les journalist­es, mais pour le journalism­e lui-même.

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