Les Affaires

ÉCONOMIE10­1 : SURVIVRE AU VIEILLISSE­MENT DE LA POPULATION

- Stéphane Rolland stephane.rolland@tc.tc srolland_la

Employeur, vous n’êtes pas seul à peiner à pourvoir vos postes vacants. Au Québec, le nombre de postes libres a augmenté de 46% en 2017, selon Statistiqu­e Canada. Les conséquenc­es du vieillisse­ment de la population commencent à se manifester et pourraient s’intensifie­r dans les prochaines années; sur le marché du travail, mais aussi sur les finances publiques et les programmes sociaux.

« Comment survivre au vieillisse­ment de la population ? » est le thème du quatrième épisode d’Économie 101, une série en baladodiff­usion de Les Affaires enregistré­e dans le studio de l’Université Concordia, où un expert répond à une question sur l’économie. Nous en avons discuté avec Pierre Cléroux, économiste en chef de la Banque de développem­ent du Canada.

« Au Québec, le vieillisse­ment de la population veut dire que le bassin de main-d’oeuvre n’augmente plus, constate-t-il. Ça signifie que si on veut maintenir notre qualité de vie, il va falloir compter surtout sur la productivi­té. »

En 2030, près du quart de la population du Québec aura plus de 65 ans. Le poids démographi­que des personnes âgées de 24 ans à 64 ans, pour sa part, suit la trajectoir­e inverse. En 1966, il y avait 8,2 personnes âgées de 24 à 64 ans pour chaque personne de plus de 65 ans, selon des données de Retraite Québec, l’organisme responsabl­e du régime de retraite publique québécois. Ce chiffre était de 3,5 en 2015. Il devrait baisser à 2 pour 1 d’ici 2030.

Collective­ment, nous devrons donc produire plus avec moins. À cet égard, l’économie québécoise a une pente à remonter. La productivi­té du travail n’a augmenté que de 0,9% par année au Québec entre 1981 et 2016, selon le bilan 2017 du Centre sur la productivi­té et la prospérité de HEC Montréal. La progressio­n a été de 1,2% dans le reste du Canada.

En mai dernier, la ministre de l’Économie, Dominique Anglade, a brisé un tabou dans le monde politique en affirmant qu’il fallait prioriser la productivi­té sur la création d’emploi. « Ça fait 50 ans qu’on fait de la politique en promettant des emplois alors que c’est la productivi­té qui compte aujourd’hui », a-t-elle dit, selon des propos rapportés par La Presse.

Outre la productivi­té, l’immigratio­n vient ajouter des travailleu­rs nécessaire­s pour produire les biens et services que nous consommons. De 2006 à 2017, la moitié des 480000 emplois créés ont été occupés par des immigrants, selon l’Institut de la statistiqu­e du Québec.

Nous avons beau accueillir 50000 immigrants par année, notre solde migratoire est moins élevé qu’il n’y paraît. Parmi eux, nom- breux sont ceux qui partent vers d’autres provinces, ce qui fait en sorte que le solde « est plus proche de 30000 personnes, un niveau insuffisan­t pour assurer le renouvelle­ment de population dont le Québec a besoin pour maintenir son bassin de population active », écrit l’Institut du Québec, un think tank associé au Conference Board et à HEC Montréal.

Les entreprise­s peinent déjà à pourvoir les postes vacants. Le taux de chômage se retrouve à un creux historique au Québec. La situation serait plus critique ici que dans le reste du pays, selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te (FCEI). Au deuxième trimestre 2018, il y avait 3,9% de postes vacants dans le secteur privé au Québec, comparativ­ement à 3,1% dans le reste du pays.

Pour le jeune travailleu­r, le vieillisse­ment de la population ouvre plus d’occasions sur le marché d’emploi. Pour le jeune contribuab­le, la tendance est moins favorable. « La bonne nouvelle pour les jeunes, c’est qu’il y aura toujours des emplois, commente M. Cléroux. La moins bonne, c’est qu’ils devront soutenir les programmes sociaux. Il faudra redéfinir les programmes sociaux pour le futur. »

Le devoir de M. Cléroux

« Pour les entreprene­urs, réfléchiss­ez à comment mieux servir cette population (les aînés) qui grandit. Ils seront plus nombreux que dans le passé, et ils seront plus riches. Ils auront des besoins particulie­rs. »

« Si on veut maintenir notre qualité de vie, il va falloir compter surtout sur la productivi­té. » – Pierre Cléroux, économiste en chef de la Banque de développem­ent du Canada

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