BCE A-T-ELLE DES VUES SUR CINEPLEX ?
Avez-vous entendu la dernière rumeur? BCE pourrait souhaiter faire son entrée dans l’industrie du cinéma en achetant Cineplex. Scénario plausible ou peu crédible?
La rumeur court depuis le milieu du mois d’août. L’analyste Adam Shine, de la Financière Banque Nationale, s’est récemment penché sur la question en augmentant sa recommandation pour en tenir compte. D’où vient-elle? Comme c’est le propre des rumeurs, on l’ignore.
L’analyste note cependant que, depuis l’arrivée de George Cope aux commandes de BCE, l’entreprise a effectué des acquisitions de 3 à 4 milliards de dollars aux deux ans (Cineplex vaut 2G$, 500millions de dollars de plus en incluant la dette).
Aliant et MTS valaient chacune 3,9 G$ et offraient une expansion géographique, de même que des synergies d’exploitation. CTV et Astral valaient en moyenne 3,3 G$ et permettaient une diversification dans les médias.
Nous voilà maintenant deux ans après la dernière acquisition et le marché se demande ce que fera BCE. Outre SaskTel, qui n’est pas à vendre, elle n’a plus vraiment d’option en téléphonie. Côté radio ou télé, toute acquisition ferait assurément face à des difficultés réglementaires.
D’où l’option Cineplex. Les pour M. Shine estime que Cineplex permettrait de diversifier les revenus médias de Bell. Bien que le box-office soit souvent volatile de trimestre en trimestre, les pressions qu’il subit ne sont pas aussi importantes que celles observées en télévision. Les 165 cinémas pourraient être renommés pour offrir à Bell plus de visibilité publicitaire. Il y aurait peut-être aussi moyen d’utiliser les billets de cinéma et les concessions pour donner du levier aux activités téléphoniques. Et vice-versa.
Il se trouverait en parallèle un certain nombre de synergies de coûts, notamment en éliminant des fonctions au siège social, mais aussi dans les activités d’affichage publicitaire sur écran numérique que mène Cineplex.
Et si BCE décidait de vendre les projets de complexes récréatifs Rec Room, Playdium et Topgolf, les flux de trésorerie de Cineplex s’amélioreraient considérablement. Les investissements dans le développement de ces nouveaux produits (une dizaine de Rec Room doivent s’ajouter aux cinq actuelles dans les prochaines années; c’est moins clair pour Topgolf) pèsent actuellement sur le bilan de l’entreprise, qui n’a en outre pas suffisamment de flux pour couvrir à 100% son dividende. Les contre L’analyste estime qu’avec de nouvelles enchères de spectre qui s’amènent après 2018, BCE pourrait souhaiter ne pas voir son taux d’endettement augmenter. Bien que si la transaction était finan- cée à 50% en actions et 50% en argent, le ratio d’endettement ne grimperait pas tellement (15 points de base).
Il se pourrait également que devant la constitution d’un tel poids lourd, le Bureau de la concurrence soit tenté de forcer la vente d’un certain nombre de cinémas. La part du box-office de Cineplex s’élève à près de 77%.
La pierre d’achoppement la plus importante pourrait cependant se trouver du côté des multiples d’évaluation. BCE se négocie à 8 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA), alors que Cineplex est à 10,1 fois. Pour offrir une prime d’acquisition, il faudrait vraisemblablement que BCE paie autour de 11,6 fois le BAIIA, un taux beaucoup plus élevé que ce que l’entreprise a payé pour toute autre acquisition. Si BCE ne bouge pas, devrions-nous? Payer un fort multiple n’est pas à nos yeux un problème en soi. Le marché isolerait probablement l’acquisition et continuerait de lui appliquer un multiple différent de celui appliqué aux autres activités. Il faut cependant qu’à l’avenir, la croissance du bénéfice soit bonne de manière à ce qu’ultimement, ce multiple diminue natu- rellement (et non par un recul de valeur). Le marché voit actuellement le BAIIA de l’entreprise croître de 11% en 2018, de 8,7% en 2019 et de 11% en 2020, selon les consensus recensés par Reuters.
C’est une croissance plausible qui, si elle se concrétise, devrait normalement permettre de soutenir le multiple actuel. Toute chose étant (relativement) égale, cela signifierait un rendement du titre d’environ 10% pour chacune des deux prochaines années (auquel peut être ajouté le rendement de dividende de 5,5%).
On a personnellement quand même quelques doutes sur cette croissance. Il y a en fait toutes ces interrogations sur la consommation de contenus sur différentes plateformes. Les productions originales se multiplient (Netflix, CBS, Showtime, etc.) et on peut les regarder à tout moment sur diverses plateformes. Certains y voient le début de la fin pour les cinémas. Plus de contenus intéressants à regarder à la maison pour moins cher.
Qui examine le box-office nord-américain constatera qu’au cours des 10 dernières années, il a quand même affiché une tendance à la hausse. Mais c’est parce que l’on a constamment relevé les prix d’entrée. La tendance de fréquentation est à la baisse (voir notre graphique).
Il est vrai que lors de la dernière récession, les revenus n’ont pas été affectés et ont même eu tendance à augmenter.
C’était cependant avant de nouvelles hausses de prix (plus importantes que l’inflation). Le phénomène se répétera-t-il de nouveau à la fin du cycle actuel?
Peut-être, et alors le titre de Cineplex est effectivement intéressant.
Sachant cependant que le titre de la société s’est historiquement négocié dans une fourchette entre 9 et 13 fois le BAIIA, quelque chose nous dit que BCE pourrait juger qu’il vaut mieux laisser le cycle actuel s’éteindre avant de faire une offre à prime (à 11,6 fois le BAIIA).
Même à 10 fois (multiple actuel), c’est ce que l’on ferait.
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« Avec le numérique et la transition énergétique et écologique, les matériaux avancés sont un des trois facteurs émergents qui permettent un renouvellement de l’industrie manufacturière au Québec », assure Jean Matuszewski, économiste et président d’E&B DATA.
L’industrie québécoise des matériaux avancés regroupe plus de 340 sociétés, pour l’essentiel de très petites (30 %), petites (36 %) et moyennes (29 %) entreprises, selon un rapport de PRIMA Québec, le pôle de recherche et d’innovation en matériaux avancés. À elles seules, ces PME emploient plus de 33 000 personnes dans la province, dont près de 10 % dans des métiers de recherche et développement. « Et la croissance de la filière est de 6 % par année, soit trois fois plus que celle du PIB du Québec », affirme M. Matuszewski.
Toutefois, la mesure des retombées économiques concrètes de cette industrie se révèle très complexe. « Les matériaux avancés ne se retrouvent pas dans les statistiques officielles, car il ne s’agit pas d’un secteur, mais d’une technologie horizontale qui s’insère dans beaucoup d’autres secteurs différents », indique Martin Doyon, directeur des maillages et partenariats industriels au ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation (MESI). « Les matériaux avancés ne sont pas une fin en soi ; ils sont un effet de levier pour aider d’autres entreprises, en aval de la chaîne de valeur, à aller plus loin », confirme M. Matuszewski.
Autrement dit, les progrès dans les matériaux avancés se répandent par capillarité dans différents secteurs d’application comme l’énergie, le transport, la construction, l’environnement ou encore la santé.
« Ils sont partout, mais il y a encore du travail pour les faire connaître et dire à quel point ils sont stratégiques », concède Marie-Pierre Ippersiel, PDG de PRIMA Québec.
Une industrie gourmande en capitaux
En plus d’être pluri-sectorielle, la filière des matériaux avancés se distingue des autres industries de par l’étendue de sa sphère d’activité. Selon PRIMA Québec, 86 % des entreprises sondées opèrent dans la production des matériaux avancés (polymères, nanomatériaux, poudres métalliques etc.), mais aussi dans leur intégration aux produits finis ou semi-finis, voire dans le développement de procédés (comme la fabrication additive par exemple). « C’est caractéristique d’une industrie jeune, indique Mme Beaudoin. Les entreprises sont à la fois productrices, intégratrices et créatrices de procédés et n’ont pas encore développé de spécialités propres. Souvent, la machine n’existe pas donc ils doivent la produire eux-mêmes par exemple. »
Bien que cette filière soit grandement tournée vers l’international (85 % d’entreprises exportatrices), elle n’en reste pas moins émergente en effet. Plus du tiers des entreprises ont été créées il y a moins de 10 ans. Ce qui soulève de nombreux défis. « L’enjeu pour plusieurs d’entre elles sera de réussir à passer du prototype à la production et la commercialisation », avertit Mme Beaudoin. Un cheminement d’autant plus périlleux que cette industrie manufacturière est très intensive en capital, donc risquée par nature.
Des industriels et des chercheurs main dans la main
Autre singularité de l’industrie des matériaux avancés : la forte coopération entre industriels et chercheurs académiques, notamment pour l’accès aux expertises et à des équipements de pointe. « Il y a un effet de grappe très fort : la quasi-totalité des entreprises est en lien avec des centres de recherche universitaires ou collégiaux », s’étonne M. Matuszewski.
Martin Doyon y voit le reflet d’une caractéristique québécoise historique : la culture de la collaboration. « Cela est d’autant plus avantageux que ces projets ont lieu dans les universités ou les collèges, donc impliquent des étudiants qui peuvent se former sur ces sujets et devenir une main-d’oeuvre précieuse à l’avenir », poursuit-il. Assurément, les matériaux avancés créent le futur de multiples façons.
la L’industrie des matériaux avancés se caractérise par de nombreux projets de recherche collaborative entre les universités et les entreprises. Relativement récent, mais en plein essor, ce modèle, appuyé par les gouvernements, est aussi primordial pour les uns que pour les autres.
D’après un sondage de PRIMA Québec, le pôle de recherche et d’innovation en matériaux avancés, la quasi-totalité (99 %) des entreprises québécoises spécialisées dans les matériaux avancés effectue de la recherche en externe, notamment auprès des centres universitaires ou collégiaux. Il s’agit d’une grande particularité de cette industrie.
La raison ? « Il est tout simplement impossible de s’acheter les équipements de pointe nécessaires, à plusieurs milliers, voire millions de dollars, ainsi que l’expertise et le savoir-faire qui y sont liés », justifie Philippe Babin, le président d’Aeponyx, un fabricant de puces semi-conductrices optiques qui travaille avec quatre universités différentes.
« La recherche en matériaux nécessite des équipements extrêmement chers, qui sont devenus un secteur de recherche en soi », confirme Gilles L’Espérance, professeur à Polytechnique de Montréal et directeur du Centre de caractérisation microscopique des matériaux, le (CM)².
Une externalisation de la R-D
L’Institut national de la recherche scientifique (INRS) dispose par exemple de près de 100 millions de dollars d’équipement au total, la plus importante installation du Québec en nanofabrication. Sans compter le personnel hautement qualifié qui sait les utiliser, qui est tout aussi précieux, sinon plus. « Ce n’est pas parce que je vous donne un four que vous saurez cuisiner. L’important, c’est le cuistot et ses recettes », illustre Mohamed Chaker, directeur du Laboratoire de micro et nanofabrication de l’INRS. « Les industriels viennent nous voir pour obtenir des propriétés concrètes de matériaux, et nous, on va développer les procédés pour y arriver. » Le Québec compterait ainsi plus de 500 chercheurs actifs dans les centres de recherche publics et 25 chaires de recherche industrielle en matériaux avancés.
« On les prend pour acquis, mais il ne faut pas oublier que derrière chaque matériau, il y des personnes qui ont fait un cahier des charges pour concevoir un procédé », dit M. L’Espérance
Un retournement du modèle en 20 ans
Une façon pour les entreprises d’externaliser leur R-D et donc de limiter les risques. « Cela n’aurait pas de sens d’embaucher toute cette expertise spécifique située dans les universités, d’autant que tu ne sais pas jusqu’à quel point tu en auras besoin », souligne Nicolas Duplessis, directeur des partenariats stratégiques chez Kruger Biomatériaux.
« Même IBM, une des entreprises les plus innovantes au monde, travaille avec des universitaires, tellement les sujets sont spécialisés », remarque Philippe Bébin, titulaire de la chaire de recherche industrielle du CRSNG sur les matériaux avancés. Grâce à cet appui technoscientifique, les industriels ont ainsi pu résoudre un problème (73 %), mettre au point un nouveau procédé (58 %) ou un nouveau produit (71 %), selon Prima Québec.
« Pourtant, il y a une vingtaine d’années, il y avait plus d’infrastructures chez les industriels que dans les universités », dit M. Chaker. Ce profond retournement provient notamment de la création, en 1997, de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), à l’origine pour inverser l’exode des cerveaux, qui a investi plus de 7,6 milliards de dollars, dont 1,8 G $ au Québec, dans des installations et des outils