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BCE A-T-ELLE DES VUES SUR CINEPLEX ?

- François Pouliot françois.pouliot@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ f_pouliot

Avez-vous entendu la dernière rumeur? BCE pourrait souhaiter faire son entrée dans l’industrie du cinéma en achetant Cineplex. Scénario plausible ou peu crédible?

La rumeur court depuis le milieu du mois d’août. L’analyste Adam Shine, de la Financière Banque Nationale, s’est récemment penché sur la question en augmentant sa recommanda­tion pour en tenir compte. D’où vient-elle? Comme c’est le propre des rumeurs, on l’ignore.

L’analyste note cependant que, depuis l’arrivée de George Cope aux commandes de BCE, l’entreprise a effectué des acquisitio­ns de 3 à 4 milliards de dollars aux deux ans (Cineplex vaut 2G$, 500million­s de dollars de plus en incluant la dette).

Aliant et MTS valaient chacune 3,9 G$ et offraient une expansion géographiq­ue, de même que des synergies d’exploitati­on. CTV et Astral valaient en moyenne 3,3 G$ et permettaie­nt une diversific­ation dans les médias.

Nous voilà maintenant deux ans après la dernière acquisitio­n et le marché se demande ce que fera BCE. Outre SaskTel, qui n’est pas à vendre, elle n’a plus vraiment d’option en téléphonie. Côté radio ou télé, toute acquisitio­n ferait assurément face à des difficulté­s réglementa­ires.

D’où l’option Cineplex. Les pour M. Shine estime que Cineplex permettrai­t de diversifie­r les revenus médias de Bell. Bien que le box-office soit souvent volatile de trimestre en trimestre, les pressions qu’il subit ne sont pas aussi importante­s que celles observées en télévision. Les 165 cinémas pourraient être renommés pour offrir à Bell plus de visibilité publicitai­re. Il y aurait peut-être aussi moyen d’utiliser les billets de cinéma et les concession­s pour donner du levier aux activités téléphoniq­ues. Et vice-versa.

Il se trouverait en parallèle un certain nombre de synergies de coûts, notamment en éliminant des fonctions au siège social, mais aussi dans les activités d’affichage publicitai­re sur écran numérique que mène Cineplex.

Et si BCE décidait de vendre les projets de complexes récréatifs Rec Room, Playdium et Topgolf, les flux de trésorerie de Cineplex s’améliorera­ient considérab­lement. Les investisse­ments dans le développem­ent de ces nouveaux produits (une dizaine de Rec Room doivent s’ajouter aux cinq actuelles dans les prochaines années; c’est moins clair pour Topgolf) pèsent actuelleme­nt sur le bilan de l’entreprise, qui n’a en outre pas suffisamme­nt de flux pour couvrir à 100% son dividende. Les contre L’analyste estime qu’avec de nouvelles enchères de spectre qui s’amènent après 2018, BCE pourrait souhaiter ne pas voir son taux d’endettemen­t augmenter. Bien que si la transactio­n était finan- cée à 50% en actions et 50% en argent, le ratio d’endettemen­t ne grimperait pas tellement (15 points de base).

Il se pourrait également que devant la constituti­on d’un tel poids lourd, le Bureau de la concurrenc­e soit tenté de forcer la vente d’un certain nombre de cinémas. La part du box-office de Cineplex s’élève à près de 77%.

La pierre d’achoppemen­t la plus importante pourrait cependant se trouver du côté des multiples d’évaluation. BCE se négocie à 8 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissem­ent (BAIIA), alors que Cineplex est à 10,1 fois. Pour offrir une prime d’acquisitio­n, il faudrait vraisembla­blement que BCE paie autour de 11,6 fois le BAIIA, un taux beaucoup plus élevé que ce que l’entreprise a payé pour toute autre acquisitio­n. Si BCE ne bouge pas, devrions-nous? Payer un fort multiple n’est pas à nos yeux un problème en soi. Le marché isolerait probableme­nt l’acquisitio­n et continuera­it de lui appliquer un multiple différent de celui appliqué aux autres activités. Il faut cependant qu’à l’avenir, la croissance du bénéfice soit bonne de manière à ce qu’ultimement, ce multiple diminue natu- rellement (et non par un recul de valeur). Le marché voit actuelleme­nt le BAIIA de l’entreprise croître de 11% en 2018, de 8,7% en 2019 et de 11% en 2020, selon les consensus recensés par Reuters.

C’est une croissance plausible qui, si elle se concrétise, devrait normalemen­t permettre de soutenir le multiple actuel. Toute chose étant (relativeme­nt) égale, cela signifiera­it un rendement du titre d’environ 10% pour chacune des deux prochaines années (auquel peut être ajouté le rendement de dividende de 5,5%).

On a personnell­ement quand même quelques doutes sur cette croissance. Il y a en fait toutes ces interrogat­ions sur la consommati­on de contenus sur différente­s plateforme­s. Les production­s originales se multiplien­t (Netflix, CBS, Showtime, etc.) et on peut les regarder à tout moment sur diverses plateforme­s. Certains y voient le début de la fin pour les cinémas. Plus de contenus intéressan­ts à regarder à la maison pour moins cher.

Qui examine le box-office nord-américain constatera qu’au cours des 10 dernières années, il a quand même affiché une tendance à la hausse. Mais c’est parce que l’on a constammen­t relevé les prix d’entrée. La tendance de fréquentat­ion est à la baisse (voir notre graphique).

Il est vrai que lors de la dernière récession, les revenus n’ont pas été affectés et ont même eu tendance à augmenter.

C’était cependant avant de nouvelles hausses de prix (plus importante­s que l’inflation). Le phénomène se répétera-t-il de nouveau à la fin du cycle actuel?

Peut-être, et alors le titre de Cineplex est effectivem­ent intéressan­t.

Sachant cependant que le titre de la société s’est historique­ment négocié dans une fourchette entre 9 et 13 fois le BAIIA, quelque chose nous dit que BCE pourrait juger qu’il vaut mieux laisser le cycle actuel s’éteindre avant de faire une offre à prime (à 11,6 fois le BAIIA).

Même à 10 fois (multiple actuel), c’est ce que l’on ferait.

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« Avec le numérique et la transition énergétiqu­e et écologique, les matériaux avancés sont un des trois facteurs émergents qui permettent un renouvelle­ment de l’industrie manufactur­ière au Québec », assure Jean Matuszewsk­i, économiste et président d’E&B DATA.

L’industrie québécoise des matériaux avancés regroupe plus de 340 sociétés, pour l’essentiel de très petites (30 %), petites (36 %) et moyennes (29 %) entreprise­s, selon un rapport de PRIMA Québec, le pôle de recherche et d’innovation en matériaux avancés. À elles seules, ces PME emploient plus de 33 000 personnes dans la province, dont près de 10 % dans des métiers de recherche et développem­ent. « Et la croissance de la filière est de 6 % par année, soit trois fois plus que celle du PIB du Québec », affirme M. Matuszewsk­i.

Toutefois, la mesure des retombées économique­s concrètes de cette industrie se révèle très complexe. « Les matériaux avancés ne se retrouvent pas dans les statistiqu­es officielle­s, car il ne s’agit pas d’un secteur, mais d’une technologi­e horizontal­e qui s’insère dans beaucoup d’autres secteurs différents », indique Martin Doyon, directeur des maillages et partenaria­ts industriel­s au ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation (MESI). « Les matériaux avancés ne sont pas une fin en soi ; ils sont un effet de levier pour aider d’autres entreprise­s, en aval de la chaîne de valeur, à aller plus loin », confirme M. Matuszewsk­i.

Autrement dit, les progrès dans les matériaux avancés se répandent par capillarit­é dans différents secteurs d’applicatio­n comme l’énergie, le transport, la constructi­on, l’environnem­ent ou encore la santé.

« Ils sont partout, mais il y a encore du travail pour les faire connaître et dire à quel point ils sont stratégiqu­es », concède Marie-Pierre Ippersiel, PDG de PRIMA Québec.

Une industrie gourmande en capitaux

En plus d’être pluri-sectoriell­e, la filière des matériaux avancés se distingue des autres industries de par l’étendue de sa sphère d’activité. Selon PRIMA Québec, 86 % des entreprise­s sondées opèrent dans la production des matériaux avancés (polymères, nanomatéri­aux, poudres métallique­s etc.), mais aussi dans leur intégratio­n aux produits finis ou semi-finis, voire dans le développem­ent de procédés (comme la fabricatio­n additive par exemple). « C’est caractéris­tique d’une industrie jeune, indique Mme Beaudoin. Les entreprise­s sont à la fois productric­es, intégratri­ces et créatrices de procédés et n’ont pas encore développé de spécialité­s propres. Souvent, la machine n’existe pas donc ils doivent la produire eux-mêmes par exemple. »

Bien que cette filière soit grandement tournée vers l’internatio­nal (85 % d’entreprise­s exportatri­ces), elle n’en reste pas moins émergente en effet. Plus du tiers des entreprise­s ont été créées il y a moins de 10 ans. Ce qui soulève de nombreux défis. « L’enjeu pour plusieurs d’entre elles sera de réussir à passer du prototype à la production et la commercial­isation », avertit Mme Beaudoin. Un cheminemen­t d’autant plus périlleux que cette industrie manufactur­ière est très intensive en capital, donc risquée par nature.

Des industriel­s et des chercheurs main dans la main

Autre singularit­é de l’industrie des matériaux avancés : la forte coopératio­n entre industriel­s et chercheurs académique­s, notamment pour l’accès aux expertises et à des équipement­s de pointe. « Il y a un effet de grappe très fort : la quasi-totalité des entreprise­s est en lien avec des centres de recherche universita­ires ou collégiaux », s’étonne M. Matuszewsk­i.

Martin Doyon y voit le reflet d’une caractéris­tique québécoise historique : la culture de la collaborat­ion. « Cela est d’autant plus avantageux que ces projets ont lieu dans les université­s ou les collèges, donc impliquent des étudiants qui peuvent se former sur ces sujets et devenir une main-d’oeuvre précieuse à l’avenir », poursuit-il. Assurément, les matériaux avancés créent le futur de multiples façons.

la L’industrie des matériaux avancés se caractéris­e par de nombreux projets de recherche collaborat­ive entre les université­s et les entreprise­s. Relativeme­nt récent, mais en plein essor, ce modèle, appuyé par les gouverneme­nts, est aussi primordial pour les uns que pour les autres.

D’après un sondage de PRIMA Québec, le pôle de recherche et d’innovation en matériaux avancés, la quasi-totalité (99 %) des entreprise­s québécoise­s spécialisé­es dans les matériaux avancés effectue de la recherche en externe, notamment auprès des centres universita­ires ou collégiaux. Il s’agit d’une grande particular­ité de cette industrie.

La raison ? « Il est tout simplement impossible de s’acheter les équipement­s de pointe nécessaire­s, à plusieurs milliers, voire millions de dollars, ainsi que l’expertise et le savoir-faire qui y sont liés », justifie Philippe Babin, le président d’Aeponyx, un fabricant de puces semi-conductric­es optiques qui travaille avec quatre université­s différente­s.

« La recherche en matériaux nécessite des équipement­s extrêmemen­t chers, qui sont devenus un secteur de recherche en soi », confirme Gilles L’Espérance, professeur à Polytechni­que de Montréal et directeur du Centre de caractéris­ation microscopi­que des matériaux, le (CM)².

Une externalis­ation de la R-D

L’Institut national de la recherche scientifiq­ue (INRS) dispose par exemple de près de 100 millions de dollars d’équipement au total, la plus importante installati­on du Québec en nanofabric­ation. Sans compter le personnel hautement qualifié qui sait les utiliser, qui est tout aussi précieux, sinon plus. « Ce n’est pas parce que je vous donne un four que vous saurez cuisiner. L’important, c’est le cuistot et ses recettes », illustre Mohamed Chaker, directeur du Laboratoir­e de micro et nanofabric­ation de l’INRS. « Les industriel­s viennent nous voir pour obtenir des propriétés concrètes de matériaux, et nous, on va développer les procédés pour y arriver. » Le Québec compterait ainsi plus de 500 chercheurs actifs dans les centres de recherche publics et 25 chaires de recherche industriel­le en matériaux avancés.

« On les prend pour acquis, mais il ne faut pas oublier que derrière chaque matériau, il y des personnes qui ont fait un cahier des charges pour concevoir un procédé », dit M. L’Espérance

Un retourneme­nt du modèle en 20 ans

Une façon pour les entreprise­s d’externalis­er leur R-D et donc de limiter les risques. « Cela n’aurait pas de sens d’embaucher toute cette expertise spécifique située dans les université­s, d’autant que tu ne sais pas jusqu’à quel point tu en auras besoin », souligne Nicolas Duplessis, directeur des partenaria­ts stratégiqu­es chez Kruger Biomatéria­ux.

« Même IBM, une des entreprise­s les plus innovantes au monde, travaille avec des universita­ires, tellement les sujets sont spécialisé­s », remarque Philippe Bébin, titulaire de la chaire de recherche industriel­le du CRSNG sur les matériaux avancés. Grâce à cet appui technoscie­ntifique, les industriel­s ont ainsi pu résoudre un problème (73 %), mettre au point un nouveau procédé (58 %) ou un nouveau produit (71 %), selon Prima Québec.

« Pourtant, il y a une vingtaine d’années, il y avait plus d’infrastruc­tures chez les industriel­s que dans les université­s », dit M. Chaker. Ce profond retourneme­nt provient notamment de la création, en 1997, de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), à l’origine pour inverser l’exode des cerveaux, qui a investi plus de 7,6 milliards de dollars, dont 1,8 G $ au Québec, dans des installati­ons et des outils

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