Les Affaires

Vos données dorment, faites-les travailler

- Événement Les Affaires Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

Avoir les bonnes données et les compétence­s pertinente­s pour les analyser est à la base d’une exploitati­on avantageus­e de l’intelligen­ce artificiel­le (IA). Pour une entreprise qui se lance pour la première fois, que faut-il savoir à ce sujet? Comment structurer ses données, et comment acquérir le savoir-faire nécessaire?

Landr est une PME montréalai­se fondée en 2013. Elle offre plusieurs services, mais elle est surtout reconnue pour son service en ligne de matriçage ( mastering) de pièce musicale, soit l’étape finale de production d’une chanson qui consiste à la polir pour qu’elle sonne bien sur différents types d’appareils audio.

Cette étape est normalemen­t réalisée par un ingénieur de son, mais Landr y arrive en faisant plutôt appel à l’IA. Comment? Elle a créé un algorithme qui « écoute » la chanson dont il faut faire le mastering, qui en détecte le genre, et qui lui assigne ensuite, en fonction de celui-ci, mais aussi en fonction de ses caractéris­tiques particuliè­res, des réglages sur mesure.

« C’est important de déterminer le genre de chanson parce que l’on ne fera pas le même mastering s’il s’agit d’une sonate au piano que s’il s’agit d’une chanson de death metal suédois », explique le directeur de l’ingénierie chez Landr, Tommy Désilets, qui sera conférenci­er le 14 novembre à l’événement Intelligen­ce d’affaires et analytique, organisé par le Groupe Les Affaires

Pour arriver à offrir ce service, l’entreprise fait appel à l’apprentiss­age supervisé, une technique qui consiste essentiell­ement à soumettre une série de problèmes et de solutions à un ordinateur pour lui montrer quelle solution appliquer en présence d’un problème type, et lui apprendre à solutionne­r de nouveaux problèmes jamais rencontrés. Landr a donc créé une base de données contenant des chansons – les problèmes – et les réglages de mastering que leur appliquera­ient différents ingénieurs de son – les solutions. L’algorithme de Landr apprend ainsi à faire le mastering de différents genres de chanson, et peut ensuite le faire à de nouvelles.

Quelques leçons de base

Que retenir de l’expérience de Landr? D’abord, qu’il faut de bonnes données. « Un algorithme n’est bon que si vos données le sont, souligne M. Désilets. Si votre algorithme apprend d’un ensemble de données faussées, votre résultat final sera faussé lui aussi. » Pour construire son ensemble de données, Landr s’est donc fié à des experts, ses ingénieurs de son.

Ensuite, l’expérience de l’entreprise montre qu’il n’est pas nécessaire de commencer avec une énorme quantité de données. « Nous effectuons aujourd’hui le mastering d’environ 330000chan­sons par mois, alors nous enrichisso­ns notre algorithme. Mais au départ, il aurait été impensable de partir d’une base de données de millions de chansons, dit M. Désilets. Nous avons donc commencé avec des chansons commercial­es. »

De même, vous n’avez pas toujours à construire vos données de zéro. Si vous désirez par exemple construire un algorithme de reconnaiss­ance d’objet, vous pouvez télécharge­r des bases de données d’images pré-étiquetées.

Enfin, Landr encourage ses employés à se former. « Une formation en ligne, par exemple sur Coursera, peut parfois être suffisante pour permettre à une personne débrouilla­rde de lancer un petit projet intéressan­t en IA », dit M. Désilets. Moins cher, également, que de recruter un nouvel employé.

Nettoyer ses données

Un projet d’IA commence généraleme­nt par le nettoyage des données, qui consiste entre autres à détecter et à corriger les erreurs qui pourraient s’y être glissées. Les gestionnai­res attribuent toutefois rarement à cette étape l’importance qui lui revient.

« Il ressort de toutes les études que c’est une des tâches les plus cruciales des projets d’IA, une tâche qui peut en conséquenc­e consommer jusqu’à la moitié du temps consacré à un projet », explique le professeur Placide Poba-Nzaou. Ce dernier donnera la nouvelle formation L’intelligen­ce artificiel­le: comprendre les impacts pour les organisati­ons, les emplois et les compétence­s au Centre de perfection­nement de l’ESG-UQAM.

Structurer les données est également important. Selon M. Poba-Nzaou, moins de 20% des données que détiennent les entreprise­s sont structurée­s. Qu’est-ce qu’une donnée structurée? Un classeur Excel, par exemple, qui peut être analysé immédiatem­ent. Et une donnée non structurée? Les courriels reçus des clients. Pour structurer ceux-ci, il faudrait, par exemple, les transforme­r en un format analysable par un logiciel de traitement de données, et leur ajouter des étiquettes pour indiquer s’il s’agit, disons, d’une plainte ou d’une suggestion.

M. Poba-Nzaou suggère aux entreprise­s, une fois les données structurée­s, d’y aller étape par étape. Une firme devrait ainsi, en règle générale, commencer par l’analyse descriptiv­e, et passer ensuite à l’analyse prédictive et prescripti­ve. Un service de ressources humaines devrait par exemple dresser le portrait de ses employés d’abord, puis prédire ensuite les départs en fonction de caractéris­tiques particuliè­res, et enfin seulement tenter de prescrire une solution, grâce à l’IA, pour réduire le roulement. « Vous ne pouvez prescrire de solution si vous n’avez pas encore compris quel est le problème », dit M. Poba-Nzaou.

Sage était celui qui suggéra pour la première fois de commencer par le commenceme­nt.

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« Un algorithme n’est bon que si vos données le sont. » – Tommy Désilets, directeur de l’ingénierie chez Landr

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