Les Affaires

LES 1 000 DÉFIS DES PRODUCTEUR­S DE POT

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

L’industrie du cannabis attire beaucoup d’attention et beaucoup d’entreprene­urs, mais beaucoup moins d’argent qu’elle le voudrait... du moins pour le moment. Pour plusieurs entreprise­s, trouver des investisse­urs demeure en effet un problème majeur. Pourquoi est-ce si difficile? Comment trouver du financemen­t?

« L’accès au capital traditionn­el est presque absent. Pour l’instant, les entreprise­s font face à un blocus assez généralisé des grandes institutio­ns financière­s », explique Mylany David, associée au cabinet d’avocats Langlois. Que faire, alors? Elle estime que les entreprene­urs devraient continuer de les solliciter, en espérant que les choses changent au cours des prochains mois.

D’ici là, cependant, la solution qu’ont trouvée certaines entreprise­s est de se tourner plutôt vers les investisse­urs privés et le capital de risque. Si cela se révèle plus facile sur le marché de Bay Street, à Toronto, qu’à Montréal ou à Drummondvi­lle, il reste au Québec beaucoup d’investisse­urs intéressés et de fonds accessible­s pour ceux qui savent comment s’y prendre. L’ennui, pour plusieurs producteur­s, et surtout les plus petits, est que les conditions ne sont pas toujours satisfaisa­ntes. Certains petits entreprene­urs investisse­nt par exemple toutes leurs économies dans leur projet, mais sont ensuite confrontés à la nécessité, pour survivre, de vendre à des prêteurs une part majoritair­e des actions de leur entreprise.

« Évidemment, les entreprene­urs préférerai­ent garder le contrôle de leur entreprise, dit Mme David. Le défi, pour eux, est donc de trouver des gens qui désirent les financer sans nécessaire­ment prendre le contrôle. »

Est-ce que ça se trouve? Oui, répond MmeDavid. Mais la tâche en décourage plusieurs. « J’ai rencontré quelques entreprene­urs qui ont laissé tomber leur projet, et d’autres qui ont vendu leur licence ou leur entreprise à défaut de pouvoir la soutenir financière­ment. »

Rentable, un réseau

Devant ces défis, faut-il donc attendre que les banques se mouillent? Aller à Toronto? Développer son réseau? Toutes ces réponses, dit Mme David. Les investisse­urs devraient même, selon elle, rester ouverts aux capitaux étrangers.

De façon plus générale, elle suggère aux entreprene­urs de consulter un courtier en financemen­t et de s’impliquer dans des groupes et des associatio­ns qui s’intéressen­t à la question, comme Réseau Capital. Elle leur conseille aussi fortement de faire des vérificati­ons diligentes sur la provenance des fonds qu’ils obtiennent et sur les personnes dont ils s’entourent parce qu’il existe des risques que des criminels désirent recycler dans cette industrie leur argent obtenu illégaleme­nt.

« La loi est actuelleme­nt telle qu’une personne qui détient un dossier criminel ne peut pas être actionnair­e à plus de 25% d’une entreprise de production de cannabis », dit Mme David. Mal s’entourer dès le départ pourrait donc mener à bien des problèmes au bout du compte.

Pour donner de la crédibilit­é à leur entreprise auprès des investisse­urs, les entreprene­urs devraient s’assurer de mettre en place un conseil d’administra­tion solide constitué de gens d’affaires issus de différents secteurs et ayant connu du succès.

Pour maximiser leurs chances de trouver du financemen­t, les entreprene­urs devraient par ailleurs travailler avec grande rigueur pour monter un dossier ou un plan d’affaires étoffé. Mme David, qui dit avoir vu de nombreux projets tomber à l’eau en raison de plans d’affaires lacunaires, recommande plutôt de mettre beaucoup d’efforts, d’énergie et de ressources à l’élaboratio­n d’un plan persuasif.

« Votre dossier doit absolument tenir la route en plus d’être solide, compréhens­ible et concret, dit Mme David. C’est ce qui donnera confiance aux investisse­urs. »

Qui craint l’incertain n’investit point

Preuve que les investisse­urs privés sont ouverts à prêter, l’entreprise Hyasynth Bio a touché 392000$ d’Anges Québec, un appui financier qui s’inscrit dans le cadre d’une ronde d’investisse­ment réalisée auprès de multiples partenaire­s totalisant 1035000$. Le président du fonds d’investisse­ment, François Gilbert, souligne toutefois la qualité du projet.

« Leur équipe est hyperspéci­alisée, dit-il. Les quatre personnes qui mènent le projet détiennent un doctorat. »

Au-delà de la qualité des projets, l’incertitud­e est un autre élément qui freine le financemen­t. Si les investisse­urs sont frileux, explique M. Gilbert, c’est souvent par manque de connaissan­ce. Combien de producteur­s y aura-t-il sur le marché dans un an? Personne ne le sait. Y aura-t-il une surcapacit­é de production ? Personne ne le sait non plus. La légalisati­on fera-t-elle augmenter ou diminuer la consommati­on? Personne n’a de réponse définitive.

Pour cette raison, les investisse­urs préfèrent souvent les projets ayant des visées médicinale­s. Puisque ces projets ressemblen­t à ceux de l’industrie pharmaceut­ique, les prêteurs sont au final moins frileux parce qu’ils peuvent mieux évaluer les risques dans lesquels ils s’embarquent… même si ces projets requièrent généraleme­nt beaucoup de temps et d’argent.

« L’investisse­ur doit donc arriver à montrer que son projet n’est pas si risqué », dit M. Gilbert. Son mot d’ordre? Montrer une bonne connaissan­ce du marché, faire preuve d’une juste compréhens­ion des risques qui y sont liés, et surtout, afficher une expertise des plus pertinente­s.

Les sages ont parlé. À vos carnets de notes!

« L’accès au capital traditionn­el est presque absent. Pour l’instant, les entreprise­s font face à un blocus assez généralisé des grandes institutio­ns financière­s. » – Mylany David, associée au cabinet d’avocats Langlois

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Certains petits entreprene­urs investisse­nt toutes leurs économies dans leur PME, mais sont ensuite confrontés à la nécessité de vendre à des prêteurs une part majoritair­e des actions.
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