Les Affaires

« Il y a un point d’entrée attrayant pour Quincaille­rie Richelieu »

– Alain Robitaille,

- Dominique Beauchamp dominique.beauchamp@tc.tc beauchamp_dom Marchés en action

Lorsqu’un projet d’une ampleur historique promet des investisse­ments de 40 milliards de dollars, des revenus de 22G$ ainsi que 10000embau­ches, les hyperboles pleuvent.

D’entrée de jeu, la prudence est de mise à l’égard du projet du consortium LNG Canada, puisque les superlatif­s correspond­ent rarement à la réalité, surtout quand les prévisions s’étalent sur 40 ans et qu’elles reposent sur de nombreuses hypothèses. Après tout, LNG Canada, un projet privé sans égal au pays, ne commencera à exporter du gaz naturel de la Colombie-Britanniqu­e vers l’Asie qu’en 2023 ou 2024.

L’un des partenaire­s du consortium, Royal Dutch Shell, appuie son rendement interne de 13 % sur un cours du gaz naturel liquéfié de 8,50$ US par million de BTU (cours du gaz livré à Tokyo) cette année-là. Comparé au cours actuel du gaz naturel de 1,80$ US, on comprend tout l’espoir que le projet suscite dans cette industrie en mal de bonnes nouvelles.

Précisons que le nouveau pipeline de 670 kilomètres transporte­ra le gaz naturel de Dawson Creek, dans le nord-est de la ColombieBr­itannique, jusqu’à Kitimat, sur la côte. À cet endroit, le gaz sera liquéfié dans une usine qui reste à ériger.

La genèse du projet remonte aux années 1980. Le consortium l’avait mis au rencart pour la dernière fois en 2016, en raison des cours affaiblis du gaz naturel. La forte demande espérée pour cette énergie dite propre n’a pas eu l’effet attendu. La révolution du pétrole et du gaz de schiste, en particulie­r, a fait plonger les cours du gaz naturel.

Des gagnants potentiels

Ces considérat­ions n’empêchent pas Bay Street de rêver. Cinq rapports préliminai­res consultés énumèrent au moins 25 bénéficiai­res directs et indirects de LNG Canada.

Les titres ont peu réagi pour l’instant parce que, justement, le potentiel est encore difficile à établir. Tout mégaprojet est accompagné habituelle­ment de nombreux risques.

L’action de TransCanad­a Pipeline (TRP, 53,73$), qui construira le gazoduc du Coastal GasLink de LNG Canada pour 6,2G$, est restée stable après l’annonce. Et pour cause ! Le Coastal GasLink s’ajoute à d’autres projets totalisant 28G$ qui sont à différents stades d’avancement. Il représente un bénéfice par action supplément­aire d’à peine 0,07$ à 0,09$ en 2023, estime Linda Ezergailis, de TD Valeurs mobilières.

Immédiatem­ent, le consortium d’ingénierie composé de JGC Corp. (JGCCF, 22,84$ US) et de Fluor (FLR, 52,49$ US) s’attelle à la planificat­ion et aux embauches en tant que maître d’oeuvre. Bird Constructi­on (BDT, 8,33$) érigera sous peu le camp Cedar Valley Lodge pour les 4500 travailleu­rs, tandis que le Groupe Aecon (ARE, 17,14 $) construira deux tronçons du gazoduc de TransCanad­a.

Il faut aussi mettre ces contrats dans leur contexte. Pour Bird, il s’agit d’un contrat de 300million­s de dollars sur des revenus totaux de 1,6G$ qui devrait ajouter 10 % au bénéfice d’exploitati­on. Dans le cas d’Aecon, il s’agit d’un contrat de 263M$ sur des revenus totaux de 3,3G$. Il s’étalera de 2019 à 2022.

Michael Tupholme, de TD Valeurs mobilières, ne touche donc pas à leurs cours cibles, qu’il établit à 9 $ et à 21 $ respective­ment.

Un effet sur le moral surtout

Si les retombées semblent assez modestes pour TransCanad­a et les constructe­urs, le projet pourrait tout de même améliorer le moral des investisse­urs à l’égard du secteur abattu de l’énergie, évoque Justin Bouchard de Desjardins Marché des capitaux.

Il faudra toutefois patienter jusqu’en 2020 – au plus tôt – avant que LNG Canada ne puisse influencer à la hausse le prix déprimé du gaz naturel canadien, prévoit pour sa part John Bereznicki, de Canaccord Genuity.

« La capacité d’exportatio­n initiale n’est pas suffisante pour remédier au déséquilib­re entre l’offre et la demande. Il n’en reste pas moins que ce projet offre un important débouché au gaz de l’Ouest canadien, étranglé par le surplus américain et le petit marché local », croit Jamie Kubik, de Marchés mondiaux CIBC.

Et si la deuxième phase de LNG Canada obtenait le feu vert en 2022 ou 2023 et qu’elle entraînait d’autres sociétés à ranimer leurs propres projets de gaz liquéfié, on pourrait imaginer une nouvelle vague de transactio­ns en Alberta et en ColombieBr­itannique. Les terminaux de gaz liquéfié deviennent souvent des plaques tournantes qui attirent de nouveaux acteurs où ils sont construits. Dans ce cas, les producteur­s Crew Energy (CR, 1,89$) et Kelt Exploratio­n (KEL, 8,25$) seraient des proies potentiell­es, avance Cameron Bean, de la Banque Scotia.

Avec le temps, les producteur­s bien capitalisé­s qui sont en mesure de composer avec les cours déprimés du gaz profiterai­ent le plus d’une remontée des prix, une fois que les exportatio­ns accroîtron­t la demande de gaz de l’Ouest canadien. Greg Colman, de Financière Banque Nationale, et M. Bouchard, de Desjardins, classent dans cette catégorie Advantage & Gas (AAV, 3,52$), Arc Resources (ARX, 14,54 $), Crew Energy, NuVista Energy (NVA, 7,68 $), Seven Generation­s (VII, 16,39$) et Tourmaline (TOU, 23,49 $).

STÉPHANE ROLLAND – Votre stratégie se concentre sur les fondamenta­ux, mais l’avez-vous modifiée en raison du contexte macroécono­mique ? ALAIN ROBITAILLE

– Pas du tout. C’est sûr qu’il y a des choses dans le marché qui me tracassent un peu : l’engouement pour les titres du cannabis et pour les cryptomonn­aies, même si on parle un peu moins des cryptos en ce moment. Ça me fait un peu penser à la bulle techno. On revit toujours la même histoire. Les gens s’emballent pour des choses qui n’ont pas de sens économique­ment. Dans le secteur de la marijuana, on voit de l’engouement pour des entreprise­s qui ne font aucun profit.

S.R. – En se concentran­t uniquement sur le fondamenta­l, est-il plus difficile de trouver des occasions maintenant que le marché est cher ? A.R.

– Je ne le trouve pas particuliè­rement cher. Le marché est à 16,7 fois les bénéfices prévus des 12 prochains mois, tandis que la moyenne historique avoisine les 16 fois. Ce n’est pas ce qu’on peut qualifier de « très cher ». Il n’y a pas trop longtemps, on était en haut de 20 fois les bénéfices. Merci aux baisses d’impôts aux États-Unis, qui font en sorte que les évaluation­s ont plus de bon sens. Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de correction, mais il est impossible de prédire le moment. Parfois, les marchés sont chers et ne se corrigent pas. D’autres fois, une crise peut entraîner une baisse du marché à un moment où ils ne se sont pas écartés de leur moyenne historique.

S.R. – Quelle société est sur votre radar ? A.R.

– Le titre de Quincaille­rie Richelieu (RCH, 27,51$) a très bien performé dans le passé, mais il a reculé de près de 20 % depuis son sommet de décembre. La croissance des bénéfices a été inférieure aux attentes, mais je pense qu’il s’agit d’un enjeu temporaire. Ça procure un bon point d’entrée. Je suis l’entreprise depuis de nombreuses années et son PDG, Richard Lord, gère très bien le capital. Il prend des décisions favorables aux actionnair­es. La taille de leur réseau leur donne un avantage concurrent­iel. Ils ont su croître tant à l’interne que par acquisitio­ns. Il reste encore beaucoup de potentiel de croissance à long terme aux États-Unis. C’est une société qui n’a pas de dettes, mais qui procure un rendement des capitaux propres de 16% à 17% en moyenne. C’est assez impression­nant.

S.R. – Comment gérez-vous la partie « revenus fixes » de votre portefeuil­le ? A.R.

– Nous sommes presque entièremen­t à taux variable, que ce soit pour les obligation­s ou les actions privilégié­es. C’est ainsi depuis deux ans. Nous avons pris cette décision parce que les taux étaient rendus à un niveau extrê- mement bas. Toute hausse de taux va nous aider au lieu de nous nuire. Nous ne choisisson­s que des titres de première qualité.

S.R. – Dans votre analyse, vous accordez une importance à la barrière à l’entrée. Bien des marques, à qui on en prêtait une, ont souffert de la concurrenc­e d’Amazon. Quelle est votre perception ? A.R. –

Il suffit en effet de penser à Amazon qui a lancé ses propres produits de marque privée. C’est sûr que l’avantage concurrent­iel de certaines marques s’amenuise. Par exemple, Tempur Sealy (TPX, 50,80 $ US), qui est derrière les matelas et oreillers Tempur-Pedic, a souffert de la concurrenc­e du détaillant en ligne Casper. Je pense maintenant que Tempur a commencé à prendre un virage pour être plus concurrent­iel. Je ne recommande pas le titre, mais il est intéressan­t de le suivre. Prestige Brands (PBH, 37,65 $ US) est une entreprise intéressan­te. Elle fabrique des produits pharmaceut­iques en vente libre. Son portefeuil­le de produits est diversifié et ceux-ci sont vendus en pharmacie et en ligne. L’entreprise tire son épingle du jeu, mais elle se fait « ramasser », car les investisse­urs préfèrent regarder ailleurs. D’ailleurs, je me suis demandé si ce n’était pas le titre que j’aurais présenté, mais j’ai choisi Richelieu, finalement.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada