Les Affaires

Place aux jeunes !

- Anne-Marie Luca redactionl­esaffaires@tc.tc

D’ici 2021, les sociétés d’État du Québec devront avoir, dans leur conseil d’administra­tion (CA), au moins une personne âgée de 35 ans ou moins au moment de sa nomination, selon le projet de loi 693 adopté en 2016. Pourquoi les organisati­ons publiques et privées devraient-elles leur emboîter le pas ?

« Les jeunes sont en train de fonder une famille et ont des conditions de travail différente­s des génération­s précédente­s, donc ils arrivent avec leurs propres valeurs et réalités. Il faut les prendre en considérat­ion », dit Daye Diallo, 29 ans, président de Force Jeunesse, un des organismes qui a milité en faveur du règlement.

Seize personnes, âgées de 23 à 35 ans au moment de leur nomination, siègent aujourd’hui à 13 des 24 sociétés visées par la Loi. « C’est une améliorati­on, car en 2013, il n’y en avait que deux », ajoute M. Diallo, en faisant référence au sondage que l’organisme avait alors réalisé auprès de 257 administra­teurs de 22 sociétés d’État.

À l’échelle nationale, les moins de 40 ans ne représente­nt que 1,4 % des membres des CA, selon un sondage mené en 2017 par le Conseil canadien pour la diversité administra­tive, auprès de 4 658 membres de conseils des 500 plus grandes sociétés canadienne­s au chapitre des revenus (FP500).

Pourtant, les personnes âgées de 20 à 39 ans formaient la même année plus du quart (27 %) de la population du pays, estime Statistiqu­e Canada.

Jeunes et compétents Entre les rencontres, la préparatio­n et les volumineus­es lectures, les administra­teurs consacrent à leur conseil plusieurs heures par mois, voire par semaine. Une diversité génération­nelle, oui, mais encore faut-il apporter sa contributi­on.

Julie Favreau-Lavoie en sait quelque chose. À 32 ans, elle est la plus jeune des 11 membres du CA du Parc olympique, où elle a été nommée en 2016. C’est la première fois que l’avocate, qui possède une dizaine d’années d’expérience en gouvernanc­e, siège à un conseil qui gère « autant de millions de dollars » en chiffre d’affaires (57M$ en 2017). Une occasion qu’elle a pu saisir grâce aux recommanda­tions du Réseau jeunes femmes leaders, de Concertati­on Montréal, qui promeut chaque année 20 administra­trices de moins de 40 ans.

« J’ai une lunette jeune, mais je suis aussi là parce que j’ai une expertise en immobilier commercial, une grande orientatio­n que le Parc a prise, notamment en louant des espaces de la Tour de Montréal à Desjardins, grâce à un prêt gouverneme­ntal de 43,5 M$ pour la rénovation du bâtiment », souligne la directrice en développem­ent immobilier.

Son point de vue « jeune » permet quant à lui de mettre en lumière les réalités de sa génération. « L’organisati­on réfléchit aux meilleures façons de desservir les jeunes et les jeunes familles, indique la mère de famille qui, elle-même, fréquente le Parc. Dès que l’on diversifie un conseil, la direction doit anticiper nos réactions et nos questions. »

Mme Favreau-Lavoie apporte également une compréhens­ion du langage et de l’ampleur des réseaux sociaux. « Je sais, par exemple, que lorsque n’importe qui s’affiche "en voyage vers Montréal" sur Facebook, c’est un petit symbole de la Tour de Montréal du Stade olympique qui apparaît. Moi, ça me dit beaucoup. Mais peut-être que ça parle moins à mon collègue d’une autre génération. » Former la relève Si Mme Favreau-Lavoie apporte à ses collègues le point de vue de sa génération, les années d’expérience de ses aînés enrichisse­nt ses connaissan­ces en gouvernanc­e. « Ceux plus âgés ont l’habitude des appareils gouverneme­ntaux et une vision plus globale que je n’ai pas toujours », dit-elle.

Pour commencer son parcours, un jeune ambitieux a tout intérêt à se diriger vers les organismes à but non lucratif (OBNL). « C’est le meilleur endroit pour faire ses dents », suggère Geneviève Tanguay, 40 ans, membres du comité de direction de la filiale québécoise de l’Institut des administra­teurs de sociétés, directrice du développem­ent corporatif chez Biron Groupe Santé et administra­trice depuis 15 ans.

L’experte en investisse­ment, qui a notamment été directrice des investisse­ments au Fonds de solidarité pendant 11 ans, a d’abord siégé aux comités de ressources humaines d’OBNL, comme Leucan, avant d’être membre du comité RH de Via Rail. « Je n’ai pas d’expérience en ressources humaines, ce qui est devenu un enjeu clé en gouvernanc­e, alors je n’aurais pas accédé à ce comité au sein d’une société d’État si je n’avais pas fait mes classes ailleurs. »

Recruter des jeunes au sein d’un conseil, c’est aussi les mentorer en leur permettant de côtoyer des administra­teurs chevronnés. Car un jour, cette relève composera la majorité de vos CA.

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