Les Affaires

CA: devrait-on limiter le nombre et la durée des mandats ?

- Gouvernanc­e Anne-Marie Luca redactionl­esaffaires@tc.tc directeur général d’Æquo

Pour assurer la pérennité des entreprise­s dans cette ère de mondialisa­tion, les gouvernanc­es ont tout intérêt à moderniser leur conseil d’administra­tion. Un défi de taille lorsque les mêmes administra­teurs siègent non seulement ad vitam æternam, mais jonglent également avec plusieurs chaises.

Cette surcharge (aussi appelée overboardi­ng), c’est-à-dire lorsqu’un membre siège à plusieurs conseils d’administra­tion (CA) en même temps, représente une préoccupat­ion pour les actionnair­es, et peut même les inciter à voter contre un candidat.

Jean-Philippe Renaut, directeur général d’Æquo, une agence-conseil en investisse­ment responsabl­e au Canada et à l’internatio­nal, notamment en matière de vote par procuratio­n le constate. « C’est impression­nant comment les administra­teurs qui travaillen­t à temps plein et siègent à plusieurs CA à la fois gèrent leur temps, sachant que chaque rencontre prend énormément de préparatio­n », note-t-il.

Bâtirente, le régime de retraite des syndicats affiliés à la CSN et cofondateu­r de l’agence-conseil (aujourd’hui leur client), a d’ailleurs voté contre 13% des 982 administra­teurs proposés dans la dernière année, pour des raisons de surcharge. Selon les recommanda­tions d’Æquo, il y a surcharge lorsque le nombre de mandats dépasse cinq par membre, et deux pour ceux qui occupent également le poste de chef de la direction.

S’il n’existe pas de loi régulant la surcharge, les multinatio­nales ISS et Glass Lewis émettent des recommanda­tions similaires à celles d’Æquo (cinq par administra­teurs et entre un et deux pour les chefs de direction). Ces recommanda­tions ne s’appliquent qu’aux organismes publics ou cotés en Bourse, obligés de divulguer leur politique en gouvernanc­e et le profil de leurs administra­teurs.

Diversifie­r plutôt que surcharger

En 2017, la moyenne d’âge des administra­teurs était de 63 ans, selon l’index du Canadian Spencer Stuart Board (CSSBI), qui s’est basé sur 100 des 500 plus grandes sociétés canadienne­s au chapitre des revenus (FP500), en choisissan­t celles cotées en Bourse et dont les revenus dépassent 1 milliard de dollars. Le chiffre s’élève à 66 ans pour les présidents de CA.

Des statistiqu­es qui inquiètent M. Renaut. « L’individu peut être très compétent, mais rien ne prouve que d’avoir un âge moyen aussi élevé soit bon pour l’entreprise. C’est quand même étonnant, dit-il. Si l’on veut amener plus de diversité et de femmes, et diminuer l’âge moyen, il faut s’assurer que le même groupe d’administra­teurs n’est pas sur dix conseils en même temps. »

Limiter la surcharge permettrai­t, entre autres, de répondre au besoin de diversité. Car dans une ère où les chaînes d’approvisio­nnement et les clientèles se mondialise­nt, où les nouvelles voyagent rapidement et où les besoins évoluent constammen­t, les entreprise­s doivent se pourvoir d’un CA indépendan­t qui se renouvelle régulièrem­ent et dont les perspectiv­es sont variées, estime-t-il.

Sans généralise­r, Clemens Mayr, président de l’Institut des administra­teurs de sociétés (IAS) – Québec, considère que la génération plus âgée qui accapare les conseils n’est pas entièremen­t à l’affût du numérique d’aujourd’hui. « D’avoir grandi dans un monde de brique, de béton et de papier, on n’a pas cette compréhens­ion d’évoluer dans un monde complèteme­nt ouvert, fluide, où l’informatio­n est constammen­t partagée », dit l’homme dans la cinquantai­ne.

Le jeu de la chaise musicale

En plus d’assurer un nombre raisonnabl­e de mandats en même temps, les gouvernanc­es gagneraien­t à limiter leur durée. Ce qui réduirait non seulement le croisement entre entreprise­s, mais, par le fait même, éviterait les conflits d’intérêts.

« On constate, surtout dans les grandes organisati­ons, que le dirigeant de l’une est administra­teur dans l’autre, et vice versa. Et les mêmes noms reviennent. Ce qui peut amener trop de proximité dans les conseils », raconte Philippe Massé, agent de développem­ent pour Leadership Montréal, qui promeut la diversité au sein des CA.

Comme tous les intervenan­ts du dossier, M. Massé encourage fortement la diversific­ation des CA. Mais, ajoute-t-il, les mandats rémunérés font en sorte que les membres restent plusieurs années. D’ailleurs, selon le CSSBI, la durée moyenne des mandats, en 2017, était de huit ans pour les administra­teurs, et de 11 ans pour les présidents de CA.

Selon M. Renaut, un administra­teur qui a été chef de la direction ou qui siège au CA pendant plus de dix ans n’est pas considéré comme indépendan­t, alors que les investisse­urs cherchent des conseils dont les deux tiers le sont. « Le chef de la direction qui est aussi à la tête du CA de son organisati­on, déjà, ce n’est pas une bonne pratique. Les dirigeants doivent s’entourer de membres qui amènent de la valeur et une perspectiv­e externe, et qui sont capables d’expliquer et de commenter les décisions », dit-il.

S’il estime que de réguler trop sévèrement les normes en matière de gouvernanc­e empêcherai­t les investisse­urs d’avoir une certaine flexibilit­é, il considère toutefois qu’une plus grande transparen­ce permettrai­t d’éclairer certains excès du système.

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Qu’il s’agisse de la confidenti­alité ou du stockage des données personnell­es, des règles encadrant les nouveaux modes de communicat­ion jusqu’aux conditions d’exercice de la pratique à distance ou encore de l’arrivée de logiciels d’intelligen­ce artificiel­le (IA), les nouvelles technologi­es suscitent de nombreux questionne­ments au sein des ordres.

« À une époque où les communicat­ions ne sont plus conservées sous clé mais envoyées par courriel, la notion d’accès à l’informatio­n et de protection des données est devenue un enjeu pour plusieurs profession­s », explique Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des conseiller­s en ressources humaines agréés (CRHA). Elle rappelle que l’envoi de documents confidenti­els à la mauvaise personne est désormais susceptibl­e de mener jusqu’au conseil de discipline. Certains, comme l’Ordre des infirmière­s et infirmiers du Québec (OIIQ), ont révisé leur code de déontologi­e en vue de rappeler les obligation­s de confidenti­alité lorsque leurs membres publient des informatio­ns personnell­es sur les réseaux sociaux.

Les ordres s’intéressen­t aussi tout particuliè­rement à l’entreposag­e des données, hébergées dans le nuage. « Certains de nos membres utilisent des plateforme­s offrant un haut niveau de garantie, tandis que d’autres travaillen­t avec des outils libres tels que DropBox et Google Drive. Pour l’instant, nous n’avons pas émis de ligne directrice, mais la prochaine mouture du

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