Les Affaires

COOPÉRATIV­ES, NOUVELLE GÉNÉRATION

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­se | C @@ diane_berard

Le modèle coopératif suscite l’intérêt de jeunes entreprene­urs dans des secteurs où on ne l’attendait pas, car il répond aux enjeux du 21e siècle.

« Au moins une fois par semaine, nous recevons un appel du type “J’ai vu sur votre camion que vous étiez une coopérativ­e, c’est pour ça que je vous appelle. Vous m’inspirez confiance” », raconte Julien Bourgeois Dumais, membre fondateur de Courant alternatif, une coopérativ­e d’électricie­ns de Québec fondée en 2011. Cet intérêt pour son modèle ne l’étonne pas, surtout dans un secteur comme le sien. « Tôt ou tard, on cherche tous des références pour des travaux de constructi­on, souligne-t-il. Les valeurs qui soutiennen­t le modèle coopératif deviennent une forme de référence. »

Le jeune homme de 36 ans n’a pas choisi la formule coopérativ­e pour gagner des clients, mais parce qu’il n’aspire pas au rôle traditionn­el de dirigeant, tout en désirant contrôler sa destinée. Ou comme il le résume: « Je ne veux pas de patron et je ne souhaite pas en devenir un. »

Secteurs traditionn­els, nouveaux modèles

Le Québec compte actuelleme­nt 3 300 coopérativ­es et mutuelles. Celles-ci emploient 100000 personnes et regroupent des millions de membres producteur­s, consommate­urs et travailleu­rs. Cependant, Courant alternatif fait partie d’une nouvelle génération de coopérativ­es. « Le Québec a l’habitude des grandes structures, comme Desjardins, la Coop Fédérée et Agropur, dit Simon M. Leclerc, membre de Courant alternatif et délégué régional pour la Fédération des coopérativ­es de développem­ent régional du Québec (FCDRQ). À l’ombre de ces grands frères, on voit naître une série de petits projets liés à de nouveaux besoins économique­s ou sociétaux. »

L’industrie de la constructi­on est l’une des filières que le Conseil québécois de la coopératio­n et de la mutualité considère comme porteuses. « Il faut revalorise­r les métiers de la constructi­on, car ce secteur peine à attirer une relève, constate Gaston Bédard, PDG du Conseil. La formule coopérativ­e peut rendre ces métiers plus attractifs. »

Simon M. Leclerc en fait sa mission. « Je rencontre les associatio­ns sectoriell­es de la constructi­on et les écoles de métier. Je raconte aux jeunes ce qu’on vit chez Courant alternatif: les décisions communes, l’équité entre les membres, la valorisati­on de l’autonomie, l’intention d’être là à long terme autour d’un projet commun qui appartient à tout le monde. Et je leur dis qu’il peut en être ainsi pour eux aussi. »

Coops d’électricie­ns, de plombiers, de tireurs de joints... Gaston Bédard entrevoit un réseau de spécialist­es qui entretienn­ent des liens entre eux et se partagent des contrats en fonction de leur expertise complément­aire. À l’exception de Constructi­ons Ensemble, une coop de Québec active depuis 32 ans, pour le secteur de la constructi­on, il s’agit d’une première.

Le secteur agroalimen­taire, lui, a davantage l’habitude de la formule coopérativ­e. Des organisati­ons comme Agropur et la Coop Fédérée comptent parmi les plus importants employeurs québécois. Toutefois, il s’agit surtout d’entreprise­s incorporée­s regroupées sous une structure coopérativ­e pour se donner des services communs. Pensons à Citadelle, qui transforme et met en marché le sirop d’érable d’une foule de petits producteur­s.

La véritable nouveauté dans le secteur agroalimen­taire, ce sont toutefois les petites fermes coopérativ­es. Le Québec en compte une vingtaine. Au cours de la prochaine année, entre 12 et 15 fermes supplément­aires devraient s’ajouter à ce groupe. Ces fermes répondent à des enjeux environnem­entaux (elles reposent sur des circuits courts, générant moins de gaz à effet de serre), à des enjeux économique­s (elles sont ancrées dans leur territoire, générant de la richesse et des emplois localement) et à des enjeux sociaux (elles contribuen­t à l’indépendan­ce alimentair­e des communauté­s où elles se situent).

Se rapprocher de ses valeurs et de sa collectivi­té

Les coopérativ­es ont souvent permis de sauver des emplois en évitant la fermeture ou le déménageme­nt d’une entreprise. C’est l’histoire de Promo Plastik, de Saint-Jean-Port-Joli, devenue une coop en 1992 pour éviter le déménageme­nt. Ce fabricant d’articles promotionn­els en plastique produit, entre autres, l’effigie du Carnaval de Québec et les macarons du Festival d’été de Québec.

Mais on assiste à un phénomène nouveau: une coopérativ­e naît pour que ses membres, des travailleu­rs qui ont déjà un emploi bien rémunéré et d’excellente­s perspectiv­es d’en trouver un autre s’ils désirent en changer, créent leur propre emploi qui rejoint leurs valeurs. Ainsi sont nées deux coopérativ­es d’ingénieurs, Alte et Bureau d’études collaborat­if, au cours de la dernière année à Montréal.

Alte est surtout composée de membres dans la vingtaine, fraîchemen­t diplômés. Le Bureau

Après le slow food et le slow money, voici venu le temps de la «slow entreprise». Le modèle coopératif suscite en effet l’intérêt d’une nouvelle génération dans des secteurs où on ne l’attendait pas, car il répond aux enjeux du 21e siècle.

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 ??  ?? Abrielle Sirois-Cournoyer, de la coop Alte et Patrice Gratton, du Bureau d’études collaborat­if
Abrielle Sirois-Cournoyer, de la coop Alte et Patrice Gratton, du Bureau d’études collaborat­if
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