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TROIS PIÈGES À L’HORIZON POUR LE FUTUR GOUVERNEME­NT

- Laura O’Laughlin redactionl­esaffaires@tc.tc

Alors que l’économie québécoise atteint un sommet historique – un faible taux de chômage, des salaires en hausse et une croissance économique solide – la Coalition Avenir Québec (CAQ) n’aurait pas pu choisir un moment plus propice pour prendre les rênes du Québec. Les actions du nouveau gouverneme­nt pourraient contribuer à maintenir cette tendance… ou à l’inverser. Voici trois pièges potentiels qu’il devra éviter. 1. Ne pas ignorer Montréal Autrefois en queue du peloton par rapport aux autres grandes villes canadienne­s, Montréal est maintenant en tête de la croissance économique, devant Vancouver et Toronto. En 2017, le produit intérieur brut de la région de Montréal a augmenté de 3,5% par rapport à l’année précédente, ce qui représente la plus forte croissance depuis plus de 10 ans.

De manière très encouragea­nte, cette croissance a été stimulée par les investisse­ments directs étrangers dans les secteurs de la haute technologi­e et du savoir, tels que les jeux vidéo et l’intelligen­ce artificiel­le. Cette croissance est durable et n’est limitée que par la capacité des entreprise­s à attirer et à retenir les talents technologi­ques. Cela représente aussi un changement important du rôle historique de Montréal en tant que plaque tournante des ressources pour l’est du Canada.

Les investisse­ments dans les infrastruc­tures à Montréal et autour de Montréal seront essentiels pour maintenir l’intérêt des entreprise­s de haute technologi­e, des étudiants et d’une main-d’oeuvre extrêmemen­t mobile. Si le nouveau gouverneme­nt n’investit pas à parts égales à Montréal et dans les environs, de manière à favoriser une croissance durable – et à refléter le pivot spectacula­ire de Montréal pour l’avenir du travail –, Montréal pourrait s’étouffer avec une croissance non gérée, ce qui aurait un impact négatif sur le reste du Québec. 2. Attention à la « stagflatio­n » du sud Un cycle économique caractéris­é par un taux élevé d’inflation et de stagnation – ou de « stagflatio­n » peut être particuliè­rement handicapan­t pour la classe politique. L’inflation se produit lorsque le niveau général des prix dans une économie augmente. La stagnation se produit lorsque la production de biens et de services dans une économie ralentit ou commence même à diminuer.

Bien qu’en apparence les États-Unis semblent en plein essor, la récente phase de croissance économique a été mal programmée. En fait, il y a des signes d’une surchauffe de l’économie américaine (mise en évidence par une augmentati­on rapide de l’inflation). Les perspectiv­es de poursuite de la croissance au niveau actuel de 3%, supérieur au taux cible de 2%, semblent également limitées. Les différends commerciau­x en cours, les restrictio­ns imposées à l’immigratio­n et l’incertitud­e entourant les politiques nationales risquent de freiner la croissance économique, car les effets des mesures de relance s’amenuisent.

Un cycle économique stagflatio­nniste pourrait être particuliè­rement dangereux pour l’Amérique de Trump, car il ne reste que peu de mécanismes politiques pour aider les États-Unis à sortir de ce schéma – il sera difficile de réduire les impôts ou d’augmenter les dépenses, considéran­t le déficit et la dette très élevée, et un taux d’intérêt déjà à la hausse afin de contrôler les pressions liées avec l’inflation.

Bien que le Canada ait diversifié assidûment son portefeuil­le de partenaire­s commerciau­x depuis l’élection de Trump, la santé de notre propre économie reste étroitemen­t liée à celle des États-Unis. La CAQ devra résister à la tentation d’encourager des politiques analogues à celles des États-Unis, stimulant ainsi de manière excessive l’économie québécoise déjà suraliment­ée. Le gouverneme­nt devrait plutôt utiliser la période favorable actuelle pour planifier et épargner prudemment pour l’avenir en remboursan­t la dette, ce qui réduira les risques de surchauffe et nous préparera à un éventuel ralentisse­ment.

3. Avenir grisonnant

Le Québec vieillit plus vite – et la taille de sa population augmente plus lentement – que le reste du Canada. Malgré une économie en plein essor, le Québec continue de perdre des résidents à cause de la migration interprovi­nciale et attire moins d’immigrants que la moyenne nationale.

Ensemble, ces faits aggravent notre déclin démographi­que relatif. Les immigrants, dont la moyenne d’âge est de 28,7 ans, sont beaucoup plus jeunes que le Québécois moyen.

En perdant plus de résidents et en attirant moins d’immigrants, des groupes de réflexion tels que l’Institut du Québec ont raison de qualifier la situation actuelle de « crise démographi­que au ralenti ». Des restrictio­ns artificiel­les supplément­aires sur le nombre d’immigrants accueillis par le Québec sont susceptibl­es de freiner systématiq­uement la croissance et d’exacerber les pressions démographi­ques sur le Québec.

La CAQ ayant promis de réduire le nombre d’immigrants pour mieux pouvoir prendre soin de ceux qui ont été acceptés devrait effectivem­ent bonifier les procédés d’intégratio­n des nouveaux arrivants pour maximiser leur contributi­on à notre économie. Idéalement, lorsque ces procédés auront été bonifiés, le gouverneme­nt devrait à nouveau laisser le nombre d’immigrants augmenter.

Finalement, il est important d’étudier et d’implanter les meilleures mesures pour maximiser la participat­ion au marché du travail des 55 ans et plus, qui sera critique à la croissance soutenue du Québec dans les 15 prochaines années.

Une chose est sûre: les problèmes potentiels du nouveau gouverneme­nt s’étendent à plusieurs portefeuil­les. Au-delà des finances et du développem­ent économique, le gouverneme­nt devra faire face à de nombreux défis, dont les relations interprovi­nciales et internatio­nales, la métropole, l’éducation, les transports, les ressources naturelles et les aînés.

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