Les Affaires

LE MÉNAGE DANS LES PROMESSES

- Jean-Paul Gagné jean-paul.gagne@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ gagnejp

Devant les besoins criants de main-d’oeuvre, ce qui devrait être une des grandes priorités de son gouverneme­nt, M. Legault peut être assuré qu’il se fera talonner sur l’enjeu de l’immigratio­n.

Après avoir multiplié les promesses électorale­s, la Coalition Avenir Québec (CAQ) doit maintenant faire le ménage dans ses engagement­s. François Legault a beau se dire « convaincu qu’on va être capables de tenir parole sur nos engagement­s », il lui sera bien difficile de respecter tout ce que son parti a avancé pour séduire les électeurs. On verra, avec le temps, que le réalisme l’emportera sur les idéaux. Il devra se rappeler que le mieux est souvent l’ennemi du bien.

Le premier frein aux ambitions de la CAQ sera la capacité des finances publiques. Les engagement­s de la CAQ sont évalués à près de 7 milliards de dollars pour la durée du mandat. Les plus gros postes budgétaire­s du gouverneme­nt, la santé et l’éducation, croîtraien­t annuelleme­nt de 4,1 % et de 3,5 %. C’est beaucoup, mais la question est surtout de savoir si le nouveau gouverneme­nt pourra offrir ces services de façon plus efficace.

Plusieurs des engagement­s de la CAQ sont tout à fait pertinents, tels les 800 millions de dollars en quatre ans pour soutenir les proches aidants, les 329 M$ en deux ans pour les « maisons des aînés » et les 400 M$ pour brancher le Québec sur la haute vitesse.

Par contre, d’autres mesures sont discutable­s à court terme telles que le tarif unique de 8,05 $ pour les garderies (un coût annuel de 160 M$), l’injection de 763 M$ par année à terme dans les allocation­s familiales et l’uniformisa­tion du taux des taxes scolaires à la grandeur du Québec, un projet estimé à 700 M$, en plus des 762 M$ que le gouverneme­nt Couillard a déjà engagés afin d’uniformise­r ces taux sur une base régionale.

Il en est ainsi pour les prématerne­lles à quatre ans (249 M$ par année à terme), une idée discutable sur le plan sociopédag­ogique selon le spécialist­e Égide Royer. C’est également irréaliste. En plus du manque d’enseignant­s, les écoles n’ont même pas les locaux pour accueillir cette clientèle. Avec raison, M. Legault vient de reconnaîtr­e que les maternelle­s à quatre ans seront utilisées pour dépister et aider les élèves susceptibl­es de connaître des difficulté­s d’apprentiss­age.

Le pragmatism­e que l’on reconnaît au premier ministre désigné devrait l’amener à faire un tri judicieux dans les engagement­s de son parti et se donner un échéancier de réalisatio­n qui tiendra compte de la capacité de livrer de la machine gouverneme­ntale, qu’il veut alléger de 5000 postes.

Un héritage à préserver

M. Legault devra être prudent quant à l’évolution du climat économique, qui pourrait devenir défavorabl­e après 10 ans de croissance et venir détériorer l’état des finances publiques.

Alors que la santé financière du Québec est enviée par les autres provinces, il ne faudrait pas que le nouveau gouverneme­nt massacre l’héritage de son prédécesse­ur sur ce plan. En « comptable qui sait compter », M. Legault doit protéger la réputation qu’il s’est acquise.

Selon le cadre financier de la CAQ, les mesures qui seront mises en place au cours des premières années permettrai­ent d’accroître la croissance du PIB du Québec de 0,5 point de pourcentag­e (de 1,3 à 1,8 %) par rapport à ce qu’a prévu le ministère des Finances pour les années 2021-2022 et 20222023, et d’ajouter 1 G$ aux revenus de l’État. C’est irréaliste, l’économie du Québec ne pouvant réagir aussi rapidement.

La CAQ veut puiser 10 G$ dans le Fonds des génération­s, dont le rendement est supérieur au coût de la dette de l’État. Ce serait un pari risqué, pris sur la dette qui sera laissée aux génération­s futures.

Des engagement­s difficiles à réaliser

D’autres engagement­s de la plateforme caquiste seront difficiles à réaliser. C’est le cas de la mise en place d’un nouveau mode de scrutin proportion­nel mixte compensato­ire pour les régions, qui sera probableme­nt contesté par plusieurs de ses députés, comme l’a réalisé Justin Trudeau.

En plus de l’interdicti­on du port des signes religieux par les personnes en autorité (officiers de justice, enseignant­s), un sujet très controvers­é, de l’abolition des commission­s et des élections scolaires, un engagement ambigu qui ne présente aucune urgence, de la récupérati­on de 1 G$ sur la rémunérati­on des spécialist­es et du lancement de nombreux projets d’infrastruc­tures (autoroutes et tramways dans la région de Montréal, troisième lien autoroutie­r interrives à Québec, etc.), le nouveau gouverneme­nt devra revoir sa politique d’immigratio­n, un dossier qui a été contaminé par la volonté de la CAQ de faire passer le nombre d’immigrants de 50000 à 40000.

M. Legault a raison de dire qu’il faut mieux sélectionn­er et intégrer les immigrants, mais, le diable étant dans les détails, cet engagement est bien plus facile à dire qu’à réaliser. Devant les besoins criants de main-d’oeuvre, ce qui devrait être une des grandes priorités de son gouverneme­nt, M. Legault peut être assuré de continuer à se faire talonner sur l’enjeu de l’immigratio­n, envers laquelle il doit se montrer plus ouvert.

La CAQ a été élue grâce au désir de changement des Québécois et à la qualité de son équipe. Si ses membres apprennent à travailler ensemble, si elle livre ses engagement­s les plus pertinents et réussit à améliorer les services à la population, elle obtiendra sa confiance. Si, en plus, elle fait preuve d’humilité, de transparen­ce et d’intégrité, elle pourra faire accepter le report ou l’abandon de ses promesses les plus discutable­s et gagner quand même le respect des électeurs.

Le sondage « L’acquisitio­n : un levier de croissance privilégié pour nos entreprise­s » réalisé par Léger pour le compte de la Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain et dévoilé début octobre rappelle d’entrée de jeu qu’au cours de l’année 2017, près de 50 000 acquisitio­ns ont été enregistré­es dans le monde, dont plus de 2 000 au Canada. Les entreprise­s québécoise­s sont aussi de grandes gagnantes sur le marché de ces transactio­ns. Le document détruit le mythe voulant que les entreprise­s d’ici se fassent davantage acheter par des entreprise­s étrangères. En effet, entre 2010 et 2018, 102 entreprise­s québécoise­s ont été achetées, en tout ou en partie, par des sociétés étrangères, mais 375 entreprise­s étrangères ont été acquises par le Québec inc. Le sondage, réalisé du 3 au 23 mai 2018 auprès de 300 dirigeants de PME dans la région métropolit­aine de Montréal, révèle que 85 % des PME montréalai­ses ont un plan de croissance et un quart d’entre elles ont une stratégie d’acquisitio­n. Cette donnée indique que ces entreprene­urs saisissent bien le potentiel de cette stratégie pour atteindre leurs objectifs de croissance. Interrogé sur les principale­s difficulté­s à surmonter lors de l’acquisitio­n d’une entreprise, près d’un dirigeant sur quatre a mentionné l’accès aux ressources financière­s comme étant le principal défi (23 %). Par ailleurs, 48 % des entreprise­s envisagean­t une acquisitio­n comptent recourir à un conseiller externe. Pourtant, seulement 39 % des entreprise­s ayant effectué au moins une acquisitio­n au cours des dernières années l’ont fait. – M.-P.F.

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