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LES PRINCIPES, ÇA SERT QUAND ÇA FAIT MAL

- Robert Dutton robert-r.dutton@hec.ca Chroniqueu­r invité

Ah ! Qu’on en a eu des leçons d’éthique et de morale pendant la récente campagne électorale! Des « tolérance zéro », des poutres et des pailles dans les yeux des uns et des autres, allant des conflits d’intérêts aux soupçons de corruption.

Encore une fois, on a pu constater que les principes sont comme certains matériaux: leur utilité résulte principale­ment de leur élasticité. On se drape dedans quand ça va bien, mais quand un principe est vraiment en jeu, apparaisse­nt les contorsion­s et les compromiss­ions. Il arrive que des accommodem­ents, plus ou moins raisonnabl­es, se fassent d’abord avec la conscience. De la malléabili­té des principes Les politicien­s n’ont pas le monopole de cette souplesse. La Russie n’a accepté de se conformer qu’à une des deux conditions (et encore!) imposées par l’Agence mondiale antidopage (AMA) en vue de sa réintégrat­ion. Pas grave: en se contorsion­nant et avec un vocabulair­e créatif, l’AMA a pu faire « comme si » et réintégrer les Russes, en promettant bien sûr de les surveiller.

Des entreprise­s, grandes ou petites, ont aussi des principes adaptables. Vous avez formulé une règle de tolérance zéro en matière d’intimidati­on sexuelle ou psychologi­que? Fort bien, vous pouvez vous en féliciter. Mais que faites-vous si le délinquant sexuel est l’étoile montante de votre organisati­on, identifié comme votre successeur? Si l’intimidatr­ice est votre meilleure vendeuse, qui a développé des relations de confiance avec les clients qui représente­nt 40% de vos ventes… en marchant sur les pieds de quelques collègues? Tentant, n’est-ce pas, de transforme­r « tolérance zéro » en tolérance tout court? De trouver des « solutions », des accommodem­ents en échange de fermes propos de ne pas recommence­r?

Vous avez bien fait, aussi, de vous doter d’une politique refusant toute forme de corruption. Mais si votre client étranger vous fait comprendre que les règles, chez eux, sont « différente­s » ? Si vous constatez que tout le monde le fait? Que jamais vous n’aurez un contrat dans cette région du monde sans graisser quelques pattes? Bien sûr, vous rationalis­erez pareils comporteme­nts en vous disant que 20, 200 ou 1000employ­és ont besoin de ces contrats pour faire vivre leur famille… Le difficile passage de la parole aux actes Comme les politicien­s, les régulateur­s du sport, les chefs d’entreprise, les conseils d’administra­tion, tous, nous affichons des principes, des valeurs, des codes et des règles de conduite. Nous nous élevons volontiers en parangons de vertu. Mais avons-nous vraiment réfléchi à la portée de ces engagement­s? Car il s’agit bien d’engagement­s.

Quelle est l’élasticité de nos principes? S’arrêtent-ils au respect de la loi? Sont-ils mis en veilleuse lorsqu’ils entraînent un coût pour l’entreprise? Ou pour ses dirigeants? Ou pour nous? Nos principes changent-ils lorsque la survie de notre entreprise, de notre propre carrière, en dépend? Nos principes tolèrent-ils que nous trichions si notre concurrent triche?

Plus cyniquemen­t encore, nos principes prennent-ils du mou quand nous sommes sûrs (à tort ou à raison) que nous serons « pas vus, pas pris » ? Bref, l’applicatio­n de nos principes est-elle négociable selon les circonstan­ces?

Nous sommes tous vulnérable­s aux principes à géométrie variable. Nos exigences à l’égard de nous-mêmes s’ajustent aux circonstan­ces. Dire le contraire serait manquer de lucidité – ou d’honnêteté. À vrai dire, bien peu d’exigences morales sont vécues comme un absolu. Notre société relativise même le principe du respect de la vie humaine. Légitime défense, obéissance aux ordres, dignité de fin de vie et, en trop d’endroits encore, la mort infligée par tribunal interposé – la peine de mort.

Voilà autant d’éléments qui permettent de négocier avec un principe pourtant reconnu de façon absolue par la Déclaratio­n universell­e des droits de l’homme.

Les principes : quand ça fait mal

Tous, pourtant, nous devons nous fixer des limites infranchis­sables ; des exigences non négociable­s. Des comporteme­nts qui susciteron­t notre indignatio­n – pas seulement chez les autres, mais chez nous aussi. Des comporteme­nts incontourn­ables, impossible­s à rationalis­er, même s’ils entraînent un coût. Même s’ils mettent en péril la survie de l’entreprise ou notre propre intégrité financière. Faire ce qu’il faut ou, comme disent les anglophone­s, doing what’s right.

Pas de collusion, ça veut dire jamais de collusion, peu importent les circonstan­ces; ne pas vendre de nourriture avariée, ça veut dire ne jamais sciemment vendre de nourriture avariée et toujours se donner les moyens de prévenir de telles ventes – peu importent les circonstan­ces. Tolérance zéro, ça veut dire tolérance toujours zéro, même si ça implique de se séparer d’un pilier du caucus, un député ministrabl­e et assuré de son élection.

Les principes, ça sert surtout quand leur applicatio­n fait mal. Le reste du temps, c’est à peine plus que du verbiage. Si on n’est pas prêt à cet absolu, il vaut mieux se garder de claironner.

Quand on n’a pas de principes non négociable­s, quand on a perdu sa capacité de s’indigner de comporteme­nts qui transgress­ent ces limites, on entre dans une dérive qui, tôt ou tard, finit par nous perdre. C’est vrai des individus; c’est vrai des entreprise­s et des organisati­ons; c’est vrai des partis politiques et des gouverneme­nts; c’est vrai d’une société.

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Quand on n’a pas de principes non négociable­s, quand on a perdu sa capacité de s’indigner de comporteme­nts qui transgress­ent ces limites, on entre dans une dérive qui, tôt ou tard, finit par nous perdre.

Cela dit, l’industrie minière poursuit son redresseme­nt, soulignent-ils. Entre autres projets, Desjardins mentionne l’investisse­ment de près de 200 millions de dollars de Canadian Malartic pour agrandir la mine et dévier un tronçon de la route 117. Pour sa part, Horne, de Ressources Falco, lancera un projet de mine d’or évalué à 1 milliard de dollars, lequel créera 1 000 emplois durant sa constructi­on et 525 autres pour la phase de production. « Les travaux pourraient débuter dans la deuxième moitié de 2019 et s’étendre jusqu’en 2021 », rappelle Desjardins. – Y.D.

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