Les professions à l’ère du numérique
du ministère de la Santé, dans l’espoir que des discussions soient entamées avec les fournisseurs de dossiers électroniques médicaux.
La télépratique, un enjeu d’avenir ?
On ne peut pas parler de numérique sans évoquer l’essor de la télépratique, qui chamboule plusieurs professions. Au Barreau du Québec, le bâtonnier, Paul-Matthieu Grondin, rappelle que le télétravail dépasse déjà la profession d’avocat. « Plusieurs cabinets commencent à ne faire des affaires que sur Internet, en proposant des rendez-vous en visioconférence. » Selon lui, il n’existe aucun frein spécifique à la pratique à distance, tant que ces derniers appliquent la réglementation de l’ordre concernant, par exemple, la tenue obligatoire des livres et des dossiers. « La seule limite est de rester dans son champ de pratique. Ainsi, un avocat en droit criminel ne pourra pas offrir sur la toile des conseils en droit fiscal », rappelle le bâtonnier.
Même chose du côté des médecins québécois, dont les modalités des consultations à distance sont en train de se préciser.
« Il est certain qu’il demeure difficile de faire une investigation et de poser un diagnostic sans avoir vu un patient. Mais il existe déjà des communications réalisées entre les médecins ou avec des spécialistes, voire des investigations ou des interventions médicales à distance grâce au soutien de l’imagerie médicale, qui fournissent un premier cadre », atteste M. Bernard, tout en rappelant que la présence d’un professionnel de la santé demeure encore essentielle.
Du côté des infirmiers, la télépratique offrirait également des avantages en permettant de mieux suivre les patients qui résident dans des régions éloignées.
« Mais cela pose des questions en ce qui concerne la confidentialité des soins, le respect des règlements pour la conservation des dossiers, ainsi que le consentement », souligne Lucie Tremblay, présidente de l’OOIIQ. Là encore, la question de la protection du public par rapport à des professionnels qui exerceraient sans être membres d’un ordre fait débat.
Des professions arrivées dans l’ère de l’IA
Reste un autre défi que l’ensemble des professions maîtrisent encore peu en raison de sa nouveauté : l’avènement de l’intelligence artificielle. « En Europe ou en Asie, de grandes entreprises utilisent l’IA au sein de leur processus de sélection et peuvent aller assez loin sans qu’il y ait une rencontre en personne avec les candidats. Certains y voient une manière d’éliminer les préjugés humains », avance Manon Poirier, du CRHA.
Pour autant, peu de professions ont pris ce virage. Au Barreau du Québec, M. Grondin atteste : « Pour l’instant, il n’y a que des avocats ou des notaires qui peuvent rendre un avis juridique, pas une machine. Mais on imagine déjà que des demandes pourraient voir le jour. Il est donc nécessaire de déterminer jusqu’à quel point cela peut être faisable en vue d’assurer la protection du public. »
Bien que l’on parle souvent du boom de l’IA – une étude de l’Institut Brookfield prévoit notamment que 40 % des 500 emplois passés au crible pourraient subir une forme d’automatisation d’ici 10 à 20 ans –, plusieurs professions demeurent dubitatives. « Pour aller vers une justice prédictive, il faudrait pouvoir s’assurer que les logiciels utilisés répondent à des critères minimaux, c’est-à-dire qu’ils ne comportent aucun préjugé, que l’on puisse le vérifier en communiquant avec une personne responsable de ces algorithmes », souligne M. Grondin. Ces doutes sont partagés par Kathy Baig, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec. « Avant d’aller plus loin avec l’IA, on doit se demander comment ces programmes sont bâtis pour s’assurer qu’ils ne présentent pas de préjugés involontaires. Sans oublier de déterminer qui prendra la responsabilité de cet algorithme. »
À l’Ordre des architectes, M. Desparois concède qu’il est difficile de déterminer si l’IA peut être une menace ou non pour la profession. « Alors que chaque projet d’architecture est différent, l’IA n’a pour l’instant pas démontré qu’elle était capable de répondre à tous les enjeux à la fois, mais nous suivons ses développements de près. »
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