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Comment la propriété intellectu­elle peut créer de la valeur pour les PME

- Valorisati­on de la recherche Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

Les entreprise­s, et surtout les PME, ont rarement une stratégie liée à la propriété intellectu­elle. Résultat ? Elles en détiennent peu, ou celle qu’elles détiennent est mal alignée avec leur stratégie d’affaires, entraînant une perte de compétitiv­ité. Voici comment une propriété intellectu­elle bien gérée peut créer de la valeur. Conseils en prime pour vous lancer.

« La stratégie de propriété intellectu­elle, c’est là où le bât blesse pour plusieurs entreprise­s québécoise­s. Nous le constatons dans la majorité des entreprise­s technologi­ques avec lesquelles nous travaillon­s », raconte Jean-François Haince, le directeur, Science et innovation, chez Sovar, une des trois sociétés de valorisati­on du Québec.

Le problème: les entreprise­s mettent souvent beaucoup d’efforts sur leur plan stratégiqu­e, leur propositio­n de valeur et leur stratégie commercial­e, mais très peu à réfléchir à la propriété intellectu­elle. Les gens d’affaires pensent souvent, par exemple, que celle-ci se limite aux brevets, mais elle est pourtant beaucoup plus large. Elle inclut notamment les marques de commerce, les dessins industriel­s et les droits d’auteurs.

Un des exemples récents et flagrants de l’avantage de mieux penser la propriété intellectu­elle est celui d’Apple, dont la poursuite contre Samsung s’est soldée, en mai dernier, par la condamnati­on de ce dernier à lui verser 539 millions de dollars américains pour avoir copié les coins arrondis de ses téléphones.

« Bien des gens pensaient que c’était une histoire de brevet, mais les coins arrondis étaient en réalité protégés par des dessins industriel­s », explique M. Haince. Il conseille ainsi aux entreprise­s de pousser leur réflexion sur la propriété intellectu­elle.

Les dessins industriel­s, par exemple, peuvent protéger la forme, les caractéris­tiques visuelles, la configurat­ion et les éléments décoratifs d’un nouvel objet fini. Les droits d’auteurs, eux, qui sont plus souvent associés aux livres ou à la musique, peuvent aussi servir à protéger du code informatiq­ue.

Finance et licences

Mieux gérer sa propriété intellectu­elle crée de la valeur en facilitant notam- ment l’obtention de financemen­t privé. Une entreprise peut aussi donner des licences d’utilisatio­n pour ses idées protégées. Mais quoi faire, et par où commencer ?

M. Haince suggère d’intégrer les enjeux de propriété intellectu­elle non seulement dans la planificat­ion stratégiqu­e, mais aussi dans la veille technologi­que.

« Les entreprise­s font souvent une veille sur les produits de la concurrenc­e, mais rarement sur leur propriété intellectu­elle », dit-il. Il estime que ce serait là une bonne chose à faire. Une telle veille permet notamment de garder un oeil sur ce que font vos concurrent­s, en matière d’innovation.

Elle permet également de vous tenir au courant des développem­ents dans votre domaine en plus de vous permettre d’anticiper les développem­ents à venir. C’est aussi une façon de découvrir des partenaire­s d’affaires qui pourraient bénéficier de votre propre propriété intellectu­elle.

« Une revue comme ça, c’est relativeme­nt facile à faire, dit M. Haince. On n’a besoin que de une ou deux personnes. Ça paraît complexe, mais la valeur ajoutée est très grande par rapport au coût. »

Connaître notre richesse cachée

Luc E. Morisset, président du conseil d’administra­tion de TransferTe­ch Sherbrooke et consultant dans le domaine de la valorisati­on, estime que beaucoup d’entreprise­s ne sont simplement pas consciente­s de ce qu’elles détiennent.

Un bon point de départ consiste donc, selon lui, à recenser cette richesse cachée pour ensuite analyser ce que font les autres entreprise­s du même domaine. Protègent-elles leurs idées dans un pays plutôt qu’un autre? Protègent-elles tel ou tel aspect de leur produit?

« Nos actions en matière de propriété intellectu­elle doivent ensuite s’aligner avec les objectifs stratégiqu­es de notre modèle d’affaires », dit M. Morisset.

Une PME qui vise à être acquise par un gros acteur en 2025 devrait donc déjà se demander ce qui l’intéresser­a le plus à cet égard. Il pourrait s’agir, pour la petite entreprise, par exemple, d’avoir protégé, dans les marchés pertinents, ses marques, ses brevets et les droits d’auteurs qui sont liés à ses programmes informatiq­ues.

M. Morisset raconte d’ailleurs l’histoire d’une firme du domaine des dispositif­s médicaux, qu’il désire tenir confidenti­elle, et qui a ainsi laissé échapper une occasion d’être achetée par une plus grosse.

« Elle n’avait personne à l’interne qui maîtrisait les enjeux de propriété intellectu­elle », dit-il. L’entreprise était incapable de répondre aux interrogat­ions de l’acheteur, qui s’est défilé. La PME a finalement employé un expert et a pu saisir, deux ou trois ans plus tard, une nouvelle occasion d’acquisitio­n qui est apparue. « Le PDG m’a dit qu’il aurait initialeme­nt fait les choses différemen­t... s’il avait su. »

Nul besoin, toutefois, de partir en peur, nuance M. Morisset. La première étape peut être simplement de charger quelqu’un du dossier et de commencer par créer un classeur pour y inscrire les contrats et ententes de confidenti­alité ainsi que leurs différente­s modalités : qui les a signés, sur quoi portent-ils et quand arrivent-ils à échéance.

« Ça permet de faire un suivi, de voir que tel contrat prévoyait qu’un fournisseu­r nous céderait toute la propriété intellectu­elle qu’il avait créée pour nous, indique M. Morisset. Ce n’est pas sorcier. »

« Les entreprise­s font souvent une veille sur les produits de la concurrenc­e, mais rarement sur leur propriété intellectu­elle. » – Jean-François Haince, directeur, Science et innovation, chez Sovar

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Les gens d’affaires pensent souvent que la propriété intellectu­elle se limite aux brevets. Elle est pourtant beaucoup plus large, et inclut notamment les dessins industriel­s.
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